HÔPITAUX: Patients et personnel soignant se plaignent du traitement reçu

Les patients sont nombreux à se plaindre du traitement reçu dans les hôpitaux à travers le pays, témoignant d’un manque de courtoisie du personnel soignant, de la lenteur des services, du manque de personnel et d’hygiène. Au revers de la médaille toutefois, il y a la « misère » des médecins et du personnel soignant face aux exigences du public. Incursion dans les hôpitaux, à la découverte de l’ambiance tendue qui y règne au quotidien.
Les patients loin d’être satisfaits
« Nous avons attendu pendant de très longues heures avant de recevoir un traitement », « les infirmiers ne nous montrent aucun respect », « il y a un manque d’hygiène dans les hôpitaux »… C’est ce que nous entendons de la bouche des patients et du public en général quand ils évoquent les services offerts dans les hôpitaux régionaux à travers le pays.
Azira, une habitante de Chemin-Grenier âgée de 29 ans, ne cache pas sa colère. « Les hôpitaux sont censés être les endroits les plus propres pour empêcher la prolifération de virus ou de maladies. Or, il y a un manque d’hygiène », dit-elle. « Je pense que les médecins et autres personnels soignants manquent parfois de courtoisie. Le pire, c’est quand nous devons attendre plusieurs heures avant de pouvoir être auscultés ». Azira va même jusqu’à qualifier une visite à l’hôpital d’expérience « catastrophique ».
Nitiraj partage le même avis. Cet habitant de Souillac, âgé de 31 ans, soutient que les services au sein des hôpitaux laissent à désirer. « Un nouveau grand hôpital a été construit à Souillac, mais tous les services n’y sont pas disponibles. Il faut aller à Rose-Belle pour recevoir certains traitements, comme pour accoucher, par exemple », dit-il. Amrita, une mère âgée d’une trentaine d’années, ne cache pas ses craintes. « J’attends mon troisième enfant et l’idée même de devoir aller accoucher à l’hôpital m’effraie », affirme-t-elle. « Le personnel soignant doit être plus courtois vis-à-vis des patients et du public. De plus, nous ne recevons jamais de service rapide sauf quand un cas est vraiment urgent », ajoute-t-elle.
Shanawaz, habitant de la capitale âgé de 40 ans, se dit exaspéré de devoir se rendre à l’hôpital. « C’est rare que je me rende à l’hôpital, mais à chaque fois que j’y vais, il y a toujours un problème », constate-t-il. « Parfois, je dois attendre debout dans la queue pour un traitement. C’est souvent fatigant, d’autant que je suis déjà malade. Par ailleurs, je trouve que le personnel soignant n’agit pas de manière correcte avec les patients », se désole-t-il, avant de relever « un manque de sécurité dans les hôpitaux ».
Shanawaz se souvient même d’une fois où il avait une forte fièvre et s’est rué à l’hôpital. « Le médecin m’a ausculté et m’a remis une prescription. Quand je me suis rendu au guichet de la pharmacie, on m’a informé que le médicament était “out of stock”. J’étais choqué », avance notre interlocuteur.
Pour sa part, Charlène, 40 ans, n’a rien à redire des services offerts. « Nous n’allons pas souvent à l’hôpital, sauf quand je suis malade ou un de mes proches est malade. Je dois dire que je n’ai jamais eu de plaintes à faire par rapport au traitement ou service reçu », dit-elle.
« Plus de critiques que de compliments »
Qu’en est-il du quotidien des médecins, infirmiers et autres personnels soignants ? Que vivent-ils face au comportement des patients et des proches de ces derniers ?
Ce n’est pas toujours un « merci » que le personnel soignant reçoit en retour d’une assistance médicale ou d’un traitement à l’hôpital. L’agressivité des proches, des patients difficiles et exigeants, qui insultent, menacent de mort, maudissent… la liste des agressions subies est longue. D’ailleurs, une multiplication d’actes de violence sur des infirmiers et médecins au service des urgences a été enregistrée.
Yeganaden Valaythen, Regional Nurse Administrator à l’hôpital Jeetoo, explique que les patients et leurs proches se prennent toujours pour des victimes. Or, les médecins, infirmiers et autres personnels soignants travaillent d’arrache-pied pour les offrir les meilleurs services et ne reçoivent que des insultes et menaces en retour. « Nous recevons en moyenne 2 000 patients par jour à l’hôpital civil. Nous proposons deux services à la réception. Si une personne a besoin d’un traitement urgent, elle reçoit une carte rouge. Cela signifie que c’est une urgence. Sinon, elle reçoit une carte verte », indique Yeganaden Valaythen. « Il faut que le public puisse respecter les règlements ».
Thomas, 58 ans, exerce comme infirmier dans un hôpital sis dans le sud du pays depuis plusieurs années. Il nous confie que les Mauriciens ne sont jamais satisfaits, et ce, peu importe la qualité du service. « Nous recevons plus de critiques que de compliments pour le service que nous offrons. Les membres du public sont exigeants et deviennent souvent agressifs et violents envers le personnel soignant. Le plus gros problème, c’est que les patients sont toujours impatients et ne veulent pas attendre », constate notre interlocuteur. Thomas nous confie qu’il est passionné par son métier, même s’il est tout le temps exposé au danger. « C’est un métier noble, mais difficile. Parfois, la communication passe bien entre le personnel soignant et les membres du public, d’autres fois non », précise-t-il.
Dans les « wards », selon certains infirmiers, la situation est parfois ingérable. « Nous avons des malades qui refusent de prendre leurs médicaments. Le médecin leur a prescrit un traitement qu’ils doivent suivre en salle, mais quand ils sont là, ils refusent carrément de le faire. Je compte plus de trente années de services comme infirmier et j’ai rencontré toute sorte de patients. Quelques fois, j’en ai tellement marre que je veux prendre mes affaires et m’en aller. Mais mon devoir passe avant tout. Je me calme et je continue mon travail », nous relate un infirmier de l’hôpital civil.
Autre problème que rencontrent les infirmiers, c’est l’agressivité des proches des patients. « Les parents et proches des patients ne respectent pas les règlements des hôpitaux, par exemple les heures de visites. Ils débarquent à n’importe quel moment et exigent de rencontrer les patients. Ils ne réalisent pas qu’ils dérangent non seulement les patients, mais aussi tout personnel médical. Et souvent ils nous agressent verbalement », indique une infirmière affectée au « female ward ».
Le SAMU s’exprime
« La majorité des plaintes reçues dans les hôpitaux concernent l’équipe du SAMU. Mais, le public ne sait pas vraiment ce que nous sommes appelés à faire. Il nous compare aux ambulances. Or, notre engagement est différent », avance un infirmier du SAMU.
Le service du SAMU comprend un médecin, deux infirmiers et un ambulancier. Selon les procédures, quand ils vont prendre un patient, ils doivent lui offrir les premiers soins sur place avant de l’embarquer pour l’hôpital, où ils doivent l’assister jusqu’à ce qu’il soit admis en salle. « Le public ne comprend pas ces procédures. Les gens croient que notre travail se résume à venir chercher le patient et l’emmener directement à l’hôpital. Et maintenant, nous ne sommes pas censés bouger tant que le patient n’est pas admis en salle. Entre-temps, nous recevons des plaintes comme quoi nous ne sommes pas ponctuels et que nous prenons tout notre temps pour venir récupérer le patient », explique le médecin du SAMU.
« Autre souci, le service du SAMU ne reçoit pas directement l’appel de détresse des patients. Ces derniers contactent le centre d’appel qui va ensuite nous indiquer l’endroit où nous allons. Les gens pensent qu’ils nous ont appelés directement et nous profèrent des injures quand nous les appelons pour leur demander l’endroit exact où se trouve le patient », ajoute un infirmier.
Menaces de mort
« Nous sommes les derniers à subir la frustration des patients ou des membres du public », avance la responsable de la pharmacie d’un hôpital. Ce département est souvent maudit par les patients et leurs proches.
« Les patients et leurs proches ont attendu pendant des heures pour être auscultés. Ensuite, ils complètent toutes les formalités. Et en dernier, ils viendront prendre leurs médicaments. Donc, quand ils sont là, ils sont déjà épuisés, impatients et frustrés. Et c’est nous, à la pharmacie, qui en faisons les frais », explique la responsable.
Cette dernière informe qu’il y a un guichet spécial pour les personnes âgées et les autrement capables, quatre guichets normaux, dont un où les enfants ont priorité et un Fast Track pour les urgences. Mais selon la responsable de la pharmacie, le public ne respecte pas les règlements et se pointe à n’importe quel guichet. « Quand nous essayons d’en raisonner certains, ils s’en prennent à nous. Il arrive qu’il y ait des erreurs dans leur prescription. Donc, nous leur demandons d’aller voir le médecin pour la revoir, et ils nous crient dessus. Le public nous maudit, nous profère des insultes, des injures, voire des menaces de mort. Mais nous sommes forcés de garder notre calme et de servir le public avec un sourire », regrette-t-elle.

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