ICJM : Le Police and Criminal Evidence Bill au Parlement réclamée d’urgence

Les participants souhaitent également une réforme en profondeur de l’Independent Police Complaints Commission

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Les participants au deuxième Forum Stop Torture, à l’Institut Cardinal Jean Margéot à Rose-Hill, ont adopté une déclaration pour réclamer entre autres la présentation d’urgence du Police and Criminal Evidence Bill au Parlement ainsi qu’une réforme en profondeur de l’Independent Police Complaints Commission (IPCC). Ce forum, qui avait pour modérateur Jimmy Harmon, a vu la participation de Jean Claude Veder, Anishta Babooram, Aleeya Lallmahomed, Olivier Précieux, Didier Michel et Ezra Colimalay. L’objectif : faire un état des lieux des  Criminal Procedures, vulgariser le système pénal, évoquer les droits des citoyens et finalement de faire des propositions à l’État mauricien.

Jean Claude Veder, directeur de I’ICJM, a d’entrée de jeu expliqué que la tenue du forum est de se pencher sur tout ce qui concerne la vie au sein de la société mauricienne et par conséquent toutes les questions relatives à l’humain et de dénoncer tout ce qui porte atteinte à la dignité humaine. « L’Institut donne la parole à tous quel que soit leur bord politique ou leur confession religieuse ». Il a mis l’organisation de cet événement en contexte en attirant l’attention sur le risque de tomber dans le piège du sensationnalisme qui sombre très vite dans l’oubli. « On ne peut pas vivre dans une société zapping en surfant sur les événements », a-t-il lancé. Il cite à ce propos l’enseignement du cardinal Maurice E. Piat, évêque de Port-Louis, qui met en garde contre les feux de paille et sur la nécessité de ne pas perdre de vue l’essentiel. Il est donc revenu sur le forum organisé le 9 juin consacré à la torture après que photos et vidéos illustrant des cas des tortures eurent bouleversé toute la population. « Quelque 50% des détenus attendent aujourd’hui leur jugement et sont présumés innocents », a-t-il avancé, tout en se demandant combien d’entre eux se sont retrouvés dans cette situation sans le mériter ou pour avoir fait des aveux sous pression.

Le débat a été lancé par Me Aleeya Lallmohamed, qui rappelle que tout le monde est innocent jusqu’à ce qu’il a été prouvé coupable sur la base de preuves. « Innocent ou coupable, est-ce qu’il mérite de voir sa dignité être bafouée ou enlevée ? », s’est-elle demandé.

Anishta Babooram, légiste et militante des droits humains, a rebondi sur le sujet pour relever que « nous avons trop tendance à porter un jugement sur les gens. Qu’une personne soit innocente ou coupable, elle a une dignité humaine qui doit être respectée ! ».
Elle déplore que dans plusieurs circonstances les droits fondamentaux du citoyen soient violés.

Didier Michel, conférencier chercheur à l’Université de Maurice, s’est appesanti pour sa part sur le concept de Provisional Charges. Il met en exergue que 65% des détenus de la prison de Beau-Bassin sont On Remand, ce qui n’est pas conforme aux droits humains. Pour lui, « Provisional Charge est une épine dans les pieds du système judiciaire ».

L’avocat Ezra Colimalay a commenté le cas de David Jolicoeur, qui a été trouvé innocent et a été libéré récemment après avoir passé trois ans en prison. Ce cas, à son avis, démontre l’échec du système. Il a lui aussi expliqué que la Provisional Charge est maintenu eaussi longtemps que la police n’aura pas conclu son enquête et en attendant que la charge formelle ne soit logée contre la personne concernée.

La discussion a permis de toucher plusieurs points majeurs dont ce qu’il faut savoir lors de l’arrestation d’une personne. Aleeyah Lallmahomed rappelle que l’officier doit en premier lieu se présenter et décliner le délit pour lequel la personne est arrêtée. Elle rappelle qu’un officier peut appréhender un individu avec ou sans Warrant of Arrest. Généralement la personne est arrêtée On Reasonable Suspicion.

Didier Michel est revenu sur les Judges’ Rules, qui ne sont pas une législation. Il se trouve que certains officiers utilisent la discrétion accordée par ces Judges’ Rules pour ne pas énoncer le motif d’une arrestation.

Anista Babooram estime que la police – bien que la loi ne soit pas explicite – devrait informer une personne sur la raison de son arrestation. Elle a insisté sur la nécessité pour la Commission des droits humains d’effectuer des visites dans les postes de police, les cellules policières et les prisons. Elle rappelle que dans chaque poste de police une charte doit être affichée explicitant tous les droits humains d’une personne arrêtée.  Dans l’éventualité où la personne ne sait pas lire, l’officier de police doit expliquer à la personne concernée ce qui figure sur la charte.

De plus, elle devait déplorer que le nombre des visites ait été réduit drastiquement. Elle fait part que les visites de la commission auraient non seulement concerné les centres de détention mais également les centres de quarantaine.

Les échanges ont aussi porté sur l’importance de la formation des officiers de police. Il y a eu consensus sur la nécessité que les officiers bénéficient d’une formation légale poussée pour qu’ils puissent exercer leur métier auprès du public avec compétence et confiance.
Didier Michel rappelle que la formation universitaire des officiers de police se fait sur une base volontaire. Il s’est prononcé en faveur de l’élaboration d’un programme avancé de formation. Il a aussi été question de l’IPCC, qui ne disposerait ni des moyens ni du personnel adéquat pour effectuer correctement son travail.

Pour sa part, Olivier Précieux a procédé à une présentation détaillée du Police and Criminal Evidence Bill. Tous les participants ont souligné l’importance de ce texte de loi.
En guise de conclusion, Jean Claude Veder a présenté une déclaration qui sera remise aux autorités gouvernementales pour réclamer notamment une révision complète de la formation des officiers de police, une formation légale pour tout officier de police, une réforme en profondeur de l’IPCC et le renforcement de son effectif afin qu’elle puisse opérer et promouvoir les droits de l’homme, la présentation du PACE au parlement au plus vite.

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Tenu le 1er août 2022
Le 9 juin 2022, dans le sillage des révélations d’allégations de torture commises sur les personnes en détention par certains membres de la Force policière, l’ICJM avait organisé un forum « Stop Torture » pour dénoncer de tels abus qui portent atteinte à la dignité humaine. À la suite de ce forum, une déclaration a été écrite et envoyée au Président de la République, au Premier ministre et à tous les parlementaires en vue de proposer le renforcement du cadre législatif de notre République afin que de tels actes ne se reproduisent plus.
Le 1er août 2022, lors d’un 2ème forum « Stop Torture », l’ICJM, toujours en ligne avec sa mission et sa vocation pour le développement humain intégral et comme institution de formation, a réuni plusieurs personnalités des mondes légal et universitaire pour approfondir les questions autour de la torture, des arrestations policières, de la détention provisoire, entre autres sujets pouvant porter atteinte aux droits de l’Homme.
À l’issue de ce forum, l’ICJM soumet, par la présente, les propositions suivantes à l’État mauricien :
✓ NO.1
En priorité, que l’Exécutif présente le Police and Criminal Evidence Bill (P.A.C.E.) le plus rapidement possible à l’Assemblée nationale, et qu’il soit adopté, ratifié et promulgué dans le « Government Gazette ».
✓ NO.2
Que des dispositions soient prises pour une révision complète des modes de formation des officiers de Police.
✓ NO. 3
Que tout officier de Police, quelle que soit sa section ou son unité, suive une formation obligatoire portant sur les questions légales et juridiques.
✓ NO.4
Que l’État prévoie un budget pour l’implémentation d’un système CCTV, bodycams, dashcams pour tout policier, tout véhicule de Police, toute station de Police, et tout autre situation ou espace lié à l’exercice de leurs fonctions.
✓ NO.5
Qu’on renforce, avec transparence, bonne gouvernance et éthique, l’ensemble du cadre institutionnel et disciplinaire portant sur le recrutement des officiers de Police, quelle que soit leur section ou unité – recrutement tant externe, qu’interne, ce qui inclut également les questions liées aux examens internes et les promotions au sein de la hiérarchie de la « Mauritius Police Force ».
✓ NO.6
Qu’une réforme en profondeur de l’« Independent Police Complaints Commission (IPCC) » soit menée pour mieux protéger et promouvoir les droits humains. Que les effectifs à l’IPCC soient renforcés pour que la Commission puisse fonctionner convenablement et en toute indépendance. Telle une « Police des Polices », que la Commission soit accordée le « power of arrest » des officiers de Police suspectés dans les enquêtes et affaires traitées par elle. Et que, ce faisant, les amendements adéquats soient apportés à la « Police Act » afin de permettre cette réforme en profondeur des cadres juridique et institutionnel portant sur ces questions.
✓ NO.7
Que la « National Preventive Mechanism Division » de la « National Human Rights Commission » fonctionne au maximum avec des membres à plein temps.
Lu par le Père (Dr) Jean Claude Véder
Directeur
Institut Cardinal Jean Margéot

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