Il y a 20 ans : Malini Veeramalay, unique Mauricienne à avoir dit publiquement vivre avec le sida, décédait

Jacques Achille (PILS) : « Après les souffrances endurées, aucun autre Mauricien, et encore moins une femme, n’a pu suivre son exemple...»

Le 1er décembre 2004, dans le cadre des activités nationales marquant la World AIDS Day (WAD), une jeune Mauricienne de 34 ans prit tout le monde de court. « Mo apel Malini. Mo ena sida. » Des yeux pétillants masquaient son mal et ses souffrances. Mais femme-courage, debout sur cette scène, Malini Veeramalay ouvrait son cœur, expliquait qu’elle, jeune femme d’un village du Sud de l’île, avait contracté le virus. Son calvaire était bien loin d’être terminé ! Ayant ému d’innombrables Mauriciens, qui l’avaient découvert par le biais des médias qui couvraient l’événement, la société civile qui encadrait et accompagnait Malini multipliait des efforts pour que la jeune femme puisse vivre auprès des siens. Mais c’était sans compter la cruauté de l’ignorance qui engendre le rejet, et nourrit la haine. Le 17 juin 2005, Malini Veeramalay quittait ce monde. Emportant son sourire contagieux, sa joie de vivre qui forçait le respect, et surtout, ce lourd fardeau d’avoir été la seule et unique Mauricienne à avoir eu le courage de dire qu’elle était atteinte du sida…

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20 ans se sont écoulés. Ce mardi 17 juin, PILS (Prévention, Information et Lutte contre le Sida) « ne peut rester indifférent et ne pas honorer la mémoire, le combat et le courage de Malini Veeramalay ». Jacques Achille, directeur des Communications Stratégiques de l’ONG phare dans le combat contre le virus, explique qu’une « série d’activités ont été élaborées pour rendre hommage à Malini ». Ainsi, ce mardi, un dépôt de fleurs et un temps de recueillement sur sa tombe, au Cimetière de Richelieu, sont prévus. Et par la suite, un document, intitulé “Moi, Malini…” sera projeté. Il fait ressortir que « avec les souffrances qu’elle a endurées durant le peu de temps qu’elle a vécu, Malini est un exemple fort qui prouve à quel point les discriminations et les préjugés terrassent et accablent les personnes vivant avec le sida. La preuve : 20 ans plus tard, personne n’est venu dire qu’il ou elle vit avec le virus. C’est dire à quel point la stigmatisation enferme les malades dans un isolement mortel. »

Jusqu’à ce qu’elle fasse son “disclosure” en décembre 2004, Malini Veeramalay était une parfaite inconnue pour toute l’île Maurice. Seul un article, paru chez notre défunt confrère de WeekEnd Scope Magazine, paru en novembre de cette même année, avait été consacré à la jeune femme porteuse du virus, expliquant son vécu, ses souffrances et ses malheurs. Après son passage dans le cadre de la WAD, Malini devint la première femme du pays à dire qu’elle vivait publiquement avec le virus. Avant elle, seuls Nicolas Ritter et Dhiren Moher avaient franchi ce pas.

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Janvier 2005, Maurice accueillait une conférence internationale des PEID. Parmi les personnalités faisant le déplacement, le Secrétaire-Général des Nations Unies d’alors, Kofi Annan. Il était accompagné de son épouse, Nane. Trouvant là une plateforme idéale pour faire avancer le combat contre les attitudes discriminatoires à l’égard des Personnes vivant avec le VIH (PVVIH), Pils, avec le soutien de l’OnuSida et la COI, organisa une rencontre entre Malini Veeramalay et Nane Annan. C’était le 13 janvier 2005. Malini, une nouvelle fois, fit le récit de son vécu ponctué de rejet et d’incompréhensions. Elle raconta notamment comment « voisins et entourage trouvaient des arguments pour ne pas s’approcher de moi… Piqûre de moustique, partager un verre dans lequel j’ai bu, l’assiette dans laquelle j’avais mangé, utiliser une savonnette que j’ai touchée… Même se tenir près de moi constitue un danger pour ces personnes… » Femme au cœur énorme et qui ne gardait aucune rancune envers personne, Malini expliquait, avec la simplicité qui la caractérisait, que « mo bann fami ek bann dimounn kinn aprann mo ena sida pann gagn linformasion, zot pa kone kouma atrap sa maladi-la… »

Nane Annan avait été émue aux larmes; prenant Malini dans ses bras. Nicolas Ritter, fondateur de Pils, présent à la rencontre, soulignait déjà et encore toujours, 20 ans après, à quel point les préjugés alimentent le manque d’informations et l’ignorance pousse les uns et les autres à des attitudes extrêmes. Pils et d’autres bénévoles avaient voulu exaucer l’un des vœux de Malini, qui était de « vivre dans ma maison, et militer pour le respect des droits des victimes du sida ». Hélas !, Malini fut chassée de chez elle et finit par trouver refuge au centre La Chrysalide à Bambous.

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Atteinte du diabète, ayant une jambe amputée, plusieurs autres tracasseries de santé affectèrent bientôt la jeune femme. Malini fut hospitalisée pendant un certain temps. Période durant laquelle elle fut, une fois encore, mise à l’écart par un personnel hospitalier peu enclin à lui prodiguer les soins nécessaires. Elle poussa son dernier souffle le 17 juin 2005. Cadress Rungen, Danny Philippe, soutenus par d’autres travailleurs sociaux et des bénévoles, firent le nécessaire pour qu’elle soit enterrée au Cimetière de Richelieu. Le temps d’une petite cérémonie intime, avec les prières et le recueillement qui vont de pair pour un au-revoir décent que mérite chaque être humain…
Ce mardi 17 juin, Pils tient à honorer la mémoire de celle que tous, engagés dans le combat, appellent, avec justice, “une grande dame”.

 

 

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