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“INVESTIGATION – ÎLES DE LA TENTATION” : “L’envers du décor” mauricien sur France Ô

Après M6, c’est au tour de France Ô de présenter « l’envers du décor » mauricien, derrière l’image de carte postale vendue aux touristes en France. Pauvreté, drogue, prostitution sont au coeur de l’émission « Investigation – Îles de la tentation », diffusée il y a quelques jours sur la chaîne française. Longue de deux heures, elle consacre  53 minutes à Maurice et plus d’une heure à La Réunion. S’il est globalement moins sensationnaliste que celui de M6, le reportage pèche cependant par certaines erreurs, approximations, conclusions et parfois contradictions, notamment avec les chiffres donnés (salaire moyen, nombre de prostituées, seuil de pauvreté), dont la source n’est pas précisée. Compte rendu.
Tout comme le reportage de M6 qui avait fait polémique il y a près de deux ans, « Investigation – Îles de la tentation » évoque des problèmes bien réels et connus des Mauriciens, mais non sans être exempts d’erreurs factuelles. Ainsi, il donne… deux différents chiffres concernant le nombre de Mauriciens vivant sous le seuil de pauvreté (160 000 en début d’émission, 50 000 par la suite). De même, il affirme que Maurice « vient de fêter ses 20 ans de pleine indépendance », confondant indépendance et passage au statut de République.
Le premier intervenant, Kunal, un jeune skipper, est l’occasion pour les auteurs du reportage de commencer par montrer une des attractions proposées aux touristes, la nage avec les dauphins, « une pratique interdite mais à laquelle tout le monde passe outre ». Plus loin, la voix off affirme que « 160 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté », alors que l’on visite le taudis dans lequel vit Kunal, à Cité-Lumière, en périphérie de Grand-Baie. « Pour Kunal, le tourisme est un gagne-pain, mais c’est aussi ce qui détruit lentement son île. (…) Dans ce film, nous voulions montrer l’autre visage de l’île, loin des clichés touristiques. Les autorités ont refusé de nous apporter leur soutien, alors nous sommes partis sans autorisation à la rencontre des Mauriciens », poursuit la voix off. Le ton du reportage est donné : la pauvreté est la cause de la plupart des maux sociaux qui rongent l’île. Comme celui de la prostitution, en hausse dans l’île. Un chauffeur de taxi marron, sous couvert d’anonymat (son visage est masqué), indique qu’il compte parmi sa clientèle nombre de prostituées, qu’il emmène parfois à leur demande vers des hôtels de l’île, où certaines passeront d’ailleurs la nuit. Le reportage s’intéresse alors au phénomène des salons de massage, « les nouveaux lieux de la prostitution à Maurice ». « Longtemps, le GM a pratiqué une politique très répressive. Aujourd’hui c’est peine perdue, la crise est passée par là », poursuit la voix off, qui ajoute : « L’année dernière, l’île Maurice a été classée par le très sérieux magazine Slate parmi les 10 destinations préférées des adeptes du tourisme sexuel en Afrique ».
Prostitution organisée
Cap sur Grand-Baie, « capitale mauricienne du tourisme sexuel », où l’on découvre qu’il est très facile, à travers les chauffeurs de taxis, d’accéder aux salons de massage. Un taximan, filmé à son insu en caméra cachée, emmène le reporter à un salon, tout en expliquant que les masseuses « sont des femmes mariées. Leur mari sait qu’elles sont masseuses (sous entendu : mais pas qu’elles se prostituent) ». La prestation, cabine comprise, peut revenir  à Rs 2 000, poursuit la voix off, « ce qui n’est pas cher pour un client étranger, mais pour un Mauricien, c’est la moitié du salaire moyen mensuel ». « Il y aurait des milliers de masseuses de salon », poursuit la voix off, qui ajoute que « les filles peuvent gagner jusqu’à 600 euros par mois, soit plus de trois fois le salaire moyen ».
Un grand hôtel de la côte ouest est cité nommément dans le témoignage d’une prostituée sur la commission à verser au taximan. « Les 2/3 des revenus d’une prostituée sont reversés aux proxénètes et aux chauffeurs de taxi », poursuit le reportage, qui ajoute : « En mars 2013, une étude de PILS indiquait que 9000 femmes vivent de la prostitution, soit presque une femme sur 100 habitants ». L’impuissance des autorités face à ce fléau est alors évoquée, « même si Maurice se classe au premier rang des pays africains en matière de démocratie ». « Cette réussite ne suffit plus, la crise a ébranlé l’île, les hôtels tournent au ralenti, et désormais presque un habitant sur 10 est considéré comme pauvre ».
Le documentaire s’intéresse alors aux arnaques et à la contrefaçon, notamment de t-shirts de marque : « La crise se ressent jusque dans les endroits touristiques les plus célèbres. Depuis quelques années, le marché central de Port-Louis est devenu le repaire d’arnaques en tous genres. Des rabatteurs attirent le client vers des boutiques à l’écart, où les prix sont très élevés, jusqu’à quatre fois le prix normal ».
Bref détour par Roche-Bois, où l’on découvre la bicoque d’une famille pauvre, qui prépare ses enfants à aller à l’école. « En 2012, 50 000 personnes vivaient sous le seuil de pauvreté à Maurice. Une pauvreté bien à l’écart des circuits touristiques ».
Toxicomanie en hausse
« Mais il existe un autre immense problème contre lequel Maurice se bat depuis des années : la consommation de drogue ». A Baie-du-Tombeau, l’on suit des travailleurs sociaux de l’ONG CUT, occupés notamment à distribuer des seringues neuves et récupérer des seringues souillées. « Officiellement, il y aurait 300 toxicomanes dans cette région, mais selon les ONG, 5 à 10 % des habitants de Baie-du-Tombeau sont des consommateurs de drogue (…) Ces dernières années, la consommation d’opiacées, héroïne et cocaïne, a explosé à Maurice. Et en 2011, l’organe de contrôle des stupéfiants des Nations unies, l’OX, a classé Maurice premier pays consommateur de drogue en Afrique ».
L’on découvre ensuite la distribution de méthadone dans un poste de police de Vacoas. La voix off évoque la difficulté de vérifier, avec les dizaines de personnes présentes, si tout le monde absorbe son traitement. Affirmant que « l’organisation laisse à désirer », elle relève (comme maintes fois évoqué dans nos colonnes) que « le programme antidrogue (avec les horaires de distribution de la méthadone) empêche les toxicomanes de retrouver un travail ». Et de poursuivre : « Mais il y a plus grave. Mal gérées, ces distributions seraient infiltrées par les dealers eux-mêmes. Le programme est un quasi-échec et le nombre de toxicomanes ne cesse d’augmenter ». Le reportage évoque alors le trafic : « L’héroïne consommée sur l’île part des laboratoires d’Asie du Sud-Est, transite par l’Afrique du Sud et l’île Maurice, mais aussi par les aéroports d’Addis Abeba ou encore de Nairobi, pour ensuite inonder le reste de l’Afrique, l’Europe et les États-Unis. L’OX confirme qu’aujourd’hui encore, l’Afrique de l’Est est toujours utilisée comme zone de transit pour le trafic d’héroïne. Mais depuis 5-6 ans, une nouvelle route a introduit un nouveau stupéfiant sur le marché : le Subutex, un médicament utilisé dans le traitement contre la toxicomanie. La douane suit cette nouvelle route de près ». On découvre alors l’histoire du Français Tomas Pedraza, arrêté à Maurice en mars 2011 pour trafic de Subutex (il avait tenté d’importer 2 800 comprimés). « Il a été piégé par un contact mauricien », soutient sa compagne, en France. Elle se dit choquée que sa peine de 14 ans de prison soit supérieure à celle « des vrais criminels, des violeurs ».
« La République mauricienne a réussi en 20 ans à peine à se transformer en l’une des économies les plus florissantes d’Afrique. Mais à force de se concentrer sur les besoins du tourisme, le gouvernement en a parfois oublié ceux de sa population », conclut le reportage.

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