Le quartier Réunion à Vacoas /Phœnix : Comme un sentiment d’abandon…

Les habitants de Réunion sortent de leur mutisme avec l’espoir que les autorités se décident à  redonner vie à leur quartier figurant dans le deuxième arrondissement de Vacoas/Phœnix, qui rime désormais avec tristesse et abandon, malgré le développement des morcellements depuis les années 2000. Les riverains dressent un sombre tableau de l’état des infrastructures de loisirs et sportives qui n’ont pas été restaurées depuis des lustres. « Ce qui est clair, c’est que la mairie n’a pas prévu de grands projets dans le quartier, pour  inverser la tendance », déplore l’ancien maire  Renganaden Menon Yetty, issu des rangs du PTr, qui tire aussi la sonnette d’alarme sur le spectre de l’émergence de la drogue synthétique.

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Qui n’a jamais entendu quelqu’un prononcer, sur le ton de la plaisanterie, la phrase «mo pe al la renion… me seki dan Vacoas-là !» Le quartier de Réunion est, en effet, réputé pour avoir un homonyme bien connu : l’île de La Réunion. Les habitants, qui avaient pris le parti d’en rire, ont bien du mal à masquer leur colère depuis quelques années. Situé à mi-chemin entre le centre-ville et Floréal, Réunion, à l’instar d’autres quartiers des Plaines-Wilhems très proches par leur genèse des paysages industriels, tire son nom de l’établissement sucrier qui a prospéré entre 1850 et le milieu du 20e siècle (voir plus loin). Depuis la fin des années 2000, Réunion s’est bien métamorphosé. Les maisons, avec en toile de fond le développement de morcellements, y poussent comme des champignons. Pour bien fonctionner, ce type de quartier ne doit pas seulement être le regroupement de plusieurs milliers de personnes, mais aussi qu’elles puissent cohabiter en harmonie dans un milieu convenable, doté de structures et de services adéquats visant, entre autres, à combattre les fléaux qui s’y répandent.

Or, Réunion n’est plus que l’ombre de lui-même et il suffit de jeter un coup d’œil sur l’état de délabrement dans lequel se trouve le jardin d’enfants et le terrain de football de la localité pour constater le triste spectacle qui s’offre aux yeux des riverains, dont les autorités ne semblent pas faire grand cas. Les balançoires sont inutilisables et sans siège, et n’ont pas été remplacées depuis des lustres, alors que la clôture du jardin d’enfants a été enfoncée. Les infrastructures installées font même l’objet de vandalisme.

« Sa mem nou passtan »

Un sentiment de colère anime les habitants qui ne savent plus à quel saint se vouer pour mettre un terme à ces comportements délictueux, ayant vainement interpellé les pouvoirs publics à maintes reprises sur la nécessité de réparer et de donner une nouvelle couche de peinture aux différentes attractions dudit jardin qui a été réaménagé en 1999 par les élus du PTr.

Le terrain de football — parsemé de roches et où les clôtures métalliques menacent de céder — est dépourvu de lumière depuis plusieurs semaines, sans que la mairie et les députés de la circonscription ne s’en émeuvent.

Des câbles électriques servant à alimenter le terrain ont été dérobés l’année dernière. Las d’attendre que les autorités aménagent un boulodrome à leur intention, des férus de pétanque se sont retroussé les manches pour tracer eux-mêmes un petit terrain afin de s’adonner à leur seule passion. « Ki pou fer ? Pena bel zafer dan lendrwa pou distrer. Sa mem nou passtan ! Mo ena linpression nou pa tro inportan dan lelektora Vacoas. Li triss », s’insurge un bouliste.

Renganaden Menon Yetty, qui a occupé le fauteuil mairal entre 2012 et juin 2014, affirme ne plus reconnaître le quartier qui a vu éclore, selon lui, beaucoup de sportifs de calibre de la ville : « Nous allouions une enveloppe budgétaire conséquente chaque année pour que des contracteurs puissent aménager et restaurer les jardins d’enfants et les terrains de sports. Des gymnases, comme à Paillote et Palmerstone, étaient sortis de terre pour propulser Vacoas/Phœnix au rang de locomotive, mais je constate avec regret qu’on a aujourd’hui affaire à des gens qui sont motivés que par leur réélection. Zot fer enn zafer, apre zot disparet, pena narnien, et l’on s’étonnera que les jeunes se tournent vers la drogue synthétique. »

 

Petit quartier, longue histoire

En tant que citoyen, la connaissance de l’histoire de son pays, sa ville, son village ou son quartier d’origine favorise la prise de responsabilité et l’engagement pour développer sa communauté, tout en évitant de reproduire les erreurs du passé. Réunion regorge de témoignages de la vie passée qui s’articule autour de l’établissement sucrier qui a bâti sa réputation.

Ce ne sont pas les moyens pour apprendre sur cette ancienne cité industrielle qui manquent. Grâce aux livres d’histoires et l’aide précieuse d’Ali Jareehag et de son blog Letsdiscovermauritius.com, nous avons appris que l’établissement sucrier de Réunion a été établi en 1850 et était connu à l’origine comme la Vacoas Sugar Factory jusqu’en 1870. Le terrain sur lequel a été bâtie l’usine a appartenu à Joseph-François Charpentier de Cossigny, un ingénieur, explorateur et botaniste français, jusqu’en 1764, avant d’être acheté par la reine Béti, souveraine de l’île Sainte Marie à Madagascar, venue s’installer à Maurice avec son époux en 1750. Personnifiée à l’écran par l’actrice italienne Rossana Podesta, la reine Béti était considérée comme l’une des plus belles femmes de son époque.

Un accident tragique survint à l’usine sucrière le samedi 14 septembre 1878 après l’installation d’un nouveau générateur à tubes mobiles. Tout marchait convenablement quelques heures avant que la force de la vapeur arrachât violemment une quinzaine de tubes à l’intérieur du générateur. Quatre hommes, occupés à chauffer le générateur, ont péri dans cet accident qui a fait les gros titres à l’époque.

L’établissement sucrier Réunion est connu pour avoir joué un rôle fondamental de pourvoyeur d’emploi en privilégiant la main-d’œuvre du quartier durant plusieurs décennies jusqu’à sa fermeture au milieu du 20e siècle. Un des plus anciens habitants de Réunion s’en souvient : « Mon grand-père y a travaillé, tout comme mon père. Les gens de Réunion étaient favorisés dans le recrutement. À l’époque où la pauvreté faisait rage et où il était compliqué de trouver un travail stable et décent, bosser à cette usine était du pain béni. » Jusqu’à la fermeture définitive de l’usine, laissée à l’abandon, avant l’acquisition du bâtiment en vue d’abriter le supermarché Winners à la fin des années 1990.

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