« Le temps retrouvé » – Dimanche 31 août 1980 : le sabordage du Water Lily

Une opération à la fois spectaculaire pour les curieux et utile pour la faune marine : c’est ainsi qu’on peut définir le sabordage du Water Lily, hier, en début d’après-midi, au large de Trou-aux-Biches. L’épave du bateau-citerne, qui a approvisionné en eaux potables durant des années des bateaux dans le port de la capitale, repose à 20 mètres de fond, à proximité d’un fond corallien surnommé l’Aquarium pour ses poissons tropicaux. Cette indicative est due à la Mauritius Marine Conservation Society dont plusieurs membres ont participé aux préparatifs de l’opération. L’utilisation des 25 kilos d’explosifs aura transformé le bateau en refuge pour la faune marine.

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Le sabordage du Water Lily constitue, en fait, l’une des étapes d’un projet visant à la création de récifs artificiels pour compenser les dommages causés par la pêche à la dynamite. L’initiative revient à la Mauritius Conservation Society (MMCS), une association qui s’est donné pour tâche de promouvoir le conscience et l’appréciation de la vie marine, ainsi qu’un intérêt pour le besoin de conservation. Cette association, qui travaille en étroite collaboration avec le Mauritius Underwater Group, est reconnue par deux organismes internationaux, la fédération mondiale de plongée (CMAS) et le British Sub Aqua Club (BSAC).

Une technique rodée
L’idée de créer des refuges pour la faune marine, en se servant des vieux rafiots coulés ou d’amas de pneus usagés, n’est pas nouvelle. On savait déjà que les épaves étaient graduellement habitées par diverses espèces de créatures marines, sans parler de certains spécimens de plantes qui finissaient par s’y croître. Au Japon et aux États-Unis, par exemple, des expériences très concluantes sont effectuées depuis longtemps avec des pneus usagés : assemblés en grands nombres, ces pneus sont solidement amarrés sur le fond marin. L’établissement des polypes coralliens à cet endroit finit par constituer un habitat éminemment favorable au développement de la vie marine. Il a été ainsi possible de reconstituer la faune marine à des endroits ou le récif avait été fortement endommagé par la pollution ou les déprédations de chercheurs de souvenirs.

Dans le cas du Water Lily, le projet consistait à couler le bateau sur un fond sablonneux et à entourer l’épave d’une ceinture de vieux pneus reliés au moyen d’un câble de nylon. Le site choisi presque en face de la passe connue sous le nom de Marmite, à Trou-aux-Biches, se trouve à proximité d’un magnifique fond corallien, baptisé L’Aquarium par un des meilleurs patrons de cette partie du littoral et connu sous ce nom de tous les plongeurs qui ont trouvé là un site idéal d’observation de la faune marine, constituée surtout de petits poissons des récifs magnifiquement colorés.

25 kilos de gelignite
Sur le plan technique, le sabordage du Water Lily se présentait comme une opération relativement simple. Il s’agissait de remorquer le vieux bateau-citerne de Port-Louis à Trou-aux-Biches, de le mouiller à l’endroit choisi et de le couler en enfonçant le blindage de sa coque par l’explosion de charges de dynamite judicieusement placées. C’est ce qui a été fait, hier. A en juger par les résultats, l’opération a parfaitement réussi. Voici d’ailleurs le film des événements auxquels a assisté Week-End.

Vers 11h30, le bateau-citerne Water Lily est rendu (presque) “à pied d’oeuvre”. Il est encadré de deux remorqueurs du port, Sphryna et Anupama. Sur le ponton des membres du MMMCS, dont Yves Robert, des artificiers de l’AMAR et de la SMF, des plongeurs de la SMF et du Mauritius Underwater Group (d’autres arriveront plus tard pour assister de loin au dynamitage). M. Ardill, du ministère de Pêche, est aussi présent, supervisant certaines phases de l’opération, du geste et de la voix.

Les membres de la SMF, sous la direction du lieutenant S. Gardenne, pénètrent à l’intérieur du bateau-citerne, enfonçant des parois intérieures avec une barre à mine, décident de la pose exacte des charges d’explosifs, 25 kilos au total. Entre-temps, on s’est rendu compte que le point exact de sabordage – relevé au préalable par les plongeurs de la MMMCS et le populaire Capitaine Mimi, un des notables du village de Trou-aux-Biches – a été dépassé. Nouvelles manoeuvres des remorqueurs pour rectifier la position, ce qui prend encore un peu de temps.

À 12h05, tout semble être au point : l’”épave” est alors évacuée. Les remorqueurs s’éloignent l’un après l’autre, abandonnant le Water Lily à son sort. Elle a l’air bien malheureuse, la vieille citerne qui a fini de se rendre utile.

Reprise
Les derniers à quitter le ponton ont été les artificiers, sur les remorqueurs qui s’éloignent lentement, on déroule les fils conducteurs, reliés aux charges explosives. Le bateau ayant enfin atteint la limite de sécurité, on attend avec un brin d’impatience, rien ne se produit. Retour au ponton, et nouvel examen pour situer la faute, nouveau départ, nouvelle attente. Les photojournalistes ont l’oeil fixé à l’oculaire de leur appareil.

13h30, exactement, c’est l’explosion. Des fragments de diverses tailles sont projetés à une hauteur plus que respectable, et retombent en pluie solide. Le Water Lily, qui a eu un sursaut étonné, s’enfonce rapidement et disparaît, ne laissant que des débris flottants.
Après quelques minutes d’attente, les remorqueurs se rapprochent du cercle de couleur de couleur crayeuse qui marque le site du naufrage, les plongeurs en combinaison isothermique s’apprêtent à inspecter l’épave et installer les pneus qui y avaient été fixés.
Le Water Lily a vécu : requiescat in pace ! Au cas où il se transforme en récif artificiel, il aura été utile même dans la mort

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