L’École alternative de Roches-Noires : Étoile de Mer célèbre ses 20 ans

Deux décennies à accompagner les jeunes et les aider à construire un projet d'avenir

Créée pour accueillir, remotiver, accompagner et responsabiliser les jeunes de 12 à 16 ans des régions Nord et Est qui ont quitté prématurément le système scolaire, trop compétitif et non adapté pour eux, l’école alternative Étoile de Mer a fêté ses 20 ans, vendredi. L’occasion pour l’établissement d’inviter parents, anciens élèves et élèves actuels pour un retour vers le passé et d’évoquer un parcours teinté de réussite.

Parents et élèves auraient pu célébrer ce 20e anniversaire autrement, comme organiser une exposition ou une journée portes ouvertes, si un malheureux incident n’avait pas plongé un des élèves dans le coma depuis deux semaines. Par respect pour ce jeune de 14 ans, victime d’un accident de la route, l’établissement a préféré vivre cette célébration par une messe d’action de grâce, suivi d’un déjeuner dans la cour de l’école. Les anciens élèves étaient également conviés à cet événement.

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826 jeunes accueillis jusqu’ici

L’école située sur la route côtière à Roches-Noires fait partie des 17 centres intégrés au réseau ANFEN ou Adolescent Non Formal Education Network. Créée en 2013, elle a accueilli à ce jour 826 jeunes issus des poches de pauvreté du Nord et de l’Est de l’île en décrochage scolaire. L’objectif : les remettre à flot tant sur le plan personnel que scolaire. Car pour ces jeunes en difficulté scolaire dans le système éducatif classique, l’école propose l’apprentissage à la lecture et à l’écriture. Aux cours classiques se greffent également des activités extrascolaires et des ateliers. Le but étant d’inculquer aux jeunes des valeurs de vie, tels le respect, la responsabilité, le sens de l’effort, et de les préparer à l’autonomie et à la vie active.

Stéphane Pavillon,
20 ans entouré de
ses parents

« Les jeunes que nous accueillons sont ceux qui ont été retirés du système. Un système conventionnel qui ne leur convenait pas. Certains n’ont pas fini le cycle primaire ; d’autres n’ont pas été scolarisés. Moi, j’aime dire qu’ils viennent comme un diamant brut chez nous. Il faut vraiment beaucoup de patience pour polir ce diamant brut », raconte Marie-Claire Lajoie, la directrice. Les critères d’admission sont, donc, ceux qui sont en rupture scolaire. Il faut alors tout recommencer. « Durant cinq heures par jour, ils apprennent l’anglais, les mathématiques et le français », dit la responsable du day-to-day running de l’établissement, qui ajoute que « !ce n’est que le matin que nous avons toute leur attention, l’après-midi étant exclusivement réservé aux activités extra-scolaires ! ». Étoile de Mer existe grâce aux sponsors et aux fonds du Corporate Social Responsibility (CSR).

Permettre aux élèves de renouer avec un projet de formation pour favoriser leur insertion dans la vie active est également le but d’Étoile de Mer. D’ailleurs, certains projets se sont concrétisés. « La collaboration avec la Mauritius Institute of Training and Development (MITD) est l’un des projets qui a abouti. De même, l’année dernière, nous avions eu un projet de household plumbing. Les huit jeunes qui ont suivi le cours de plomberie ont eu un stage à Azuri. Deux élèves ont aussi pu profiter de cours de cuisine de ANFEN. À partir de leurs besoins, nous essayons de développer des cours de formation. Cette année-ci, ce sera des cours de mécanique. Nous essayons avec la MITD de trouver des cours dans la région. Nous avons également des projets de coaching pour que les élèves qui ont accès le mardi et le jeudi à la piscine de Rivière du Rempart deviennent des coachs », indique Marie-Claire Lajoie.

L’école de la deuxième chance

Comme à la MITD en vue d’une incursion professionnelle, l’école œuvre également en partenariat avec les groupes hôteliers de la région afin d’assurer une concrétisation du programme d’employabilité et de stage. « Nous avons un bon networking avec les compagnies de la région », dit la directrice de l’école, pour qui le succès ne se mesure pas à un poste particulier ou au fait d’avoir un métier. « Nous avons des jeunes qui travaillent dans l’hôtellerie notamment dans le domaine de housekeeping. Le succès pour nous est que chaque élève devienne responsable. C’est le déclic qui est important. Que ce soit dans l’hôtellerie, la maçonnerie, la mécanique, on veut des jeunes qui s’assument, pas qui pu bate bater« , dit-elle.

Christiane Baudot et sa fille Corinne
soutiennent l’Etoile de Mer depuis les débuts

Depuis 2013, l’école vient en aide aux jeunes du milieu rural qui éprouvent des difficultés à lire et à écrire. Elle leur permet d’acquérir les bases académiques et celles d’une éducation respectueuse pour devenir des adultes responsables. Chaque année, elle accueille une quarantaine d’enfants. Grâce au soutien des sponsors, les enfants reçoivent manuels, fournitures scolaires, uniforme et repas gratuits. L’école, qui se trouve dans la cour de l’église Notre-Dame de l’Assomption, compte quatre classes, cinq éducatrices et des social workers. Dans une des classes, sont collées les mêmes affiches pédagogiques que l’on retrouve dans les écoles élémentaires.

Dans ces poches de pauvreté où drogue et alcool sont très présents, où les jeunes sont sexuellement actifs à un âge précoce, de nombreux profils sont sujets au décrochage scolaire. Maeva, 14 ans, a grandi dans un milieu ultra défavorisé. Sa mère Johanna, 28 ans, mère de cinq autres enfants, habite un deux-pièces avec ses parents, ses frères et sœurs et les enfants de ces derniers. 17 personnes au total se partagent l’espace. La famille est assistée par Caritas ainsi que les responsables d’Étoile de Mer. Parmi eux, Corinne Rivalland. « Nous faisons de notre mieux pour trouver un logement décent àcette famille », nous dit celle qui est l’un des membres fondateurs de l’établissement.

« J’ai tellement progressé ici »

La plupart des élèves d’Étoile de Mer ont une vie difficile et ont dû interrompre leur scolarité. Aujourd’hui, ils sont heureux d’exercer un métier et de progresser à leur rythme dans leur apprentissage professionnel. Comme c’est le cas pour Yonie Gateau, bientôt 18 ans, actuellement en stage à Azuri en plomberie. Après deux tentatives infructueuses au Certificate of Primary Education (CPE), il a choisi d’intégrer l’école alternative de Roches-Noires. « Je ne suis plus le même. J’ai tellement progressé ici ! », dit-il. Idem pour un autre ancien élève : Stéphane Pavillon, 20 ans, qui, lui, rencontrait des difficultés de lecture. Aujourd’hui, il sait lire et écrire, assiste son père dans le travail du marbre, tout en étant coach de foot.

Christiane Baudot, la mère de Corinne Rivalland, fait partie des bénévoles fondatrices d’Étoile de Mer. « En arrivant à Roches-Noires en 1987, je me suis intéressée à la vie de la paroisse. C’est ainsi que j’ai pu constater qu’ils étaient nombreux à ne pas savoir écrire leur nom, bien qu’ils fréquentaient l’école primaire. J’ai attiré l’attention du curé, le père Murphy, sur ce problème en lui disant qu’il était impératif de faire quelque chose pour ces enfants. Il m’a alors dit: Occupez-vous de cela. Et c’est comme ça que tout a commencé. » L’école, qui accueillait sept élèves au départ, s’agrandira progressivement pour pallier le très faible niveau scolaire de certains enfants de la région de Roches-Noires et des alentours. Dès le début, elle s’associe au réseau ANFEN car une expertise particulière était nécessaire pour la prise en charge informelle de l’éducation des jeunes.

 

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