Les receveuses d’autobus montent au créneau : Halte aux clichés !

— Angélique Bazerque : « Zordi zot inn trouv la fors sindika »

- Publicité -

Cela fait plus d’une semaine depuis que les trois receveuses de la compagnie Rose-Hill Transport (RHT), Joyce Anthony, Clara Théodore et Angélique Bazerque, ont mis un terme à leur grève de la faim, entamée le 6 mars. Cette grève qui avait pour toile de fond le licenciement d’Angélique Bazerque pour avoir dénoncé un cas de harcèlement sexuel dont elle aurait été victime sur son lieu de travail a connu son épilogue après l’accord conclu entre les grévistes et la RHT pour qu’un comité indépendant soit institué afin d’enquêter sur les contours de cette affaire. Les receveuses veulent désormais faire table rase du passé et piaffent d’impatience de retrouver leurs collègues. Le Mauricien en a profité pour faire un tour d’horizon sur le sens qu’accordent ces femmes à leur métier, dans cet univers masculin…

« Il y a beaucoup de travailleurs de Rose-Hill Transport qui sont réticents à faire partie du syndicat des travailleurs. Zordi zot inn trouv lafors syndikat. Mo dir zot pa per pou zoinn nou », déclare Angélique Bazerque à l’annonce du verdict par le syndicaliste Ashok Subron. L’accord signé entre la direction de RHT, le syndicat et les cadres du ministère du Travail stipule qu’une enquête sera diligentée pour faire la lumière sur ses allégations et qu’un rapport en découlera d’ici trente jours. À l’exemple de Joyce Anthony et Clara Théodore, deux de ses collègues qui l’ont rejointe dans ce mouvement de grève, Angélique Bazerque, ressentant les séquelles de la grève de la faim, se dit soulagée du dénouement : «Je veux maintenant retrouver mes collègues et faire l’impasse sur cette affaire », dit-elle.

Le métier de receveur d’autobus, majoritairement exercé par les hommes, se conjugue au féminin depuis une décennie. « Les premières femmes à exercer ce métier à Maurice remontent à 2002 », indique-t-on officiellement. Quelles sont les raisons qui poussent les femmes à exercer un métier où les préjugés sexistes sur les femmes sont ancrés dans l’inconscient collectif ? Clara Théodore confie avoir décidé, il y a onze ans, d’« emboîter le pas à ma sœur Sarah Naraina qui travaille comme receveuse depuis dix-sept ans. J’étais en admiration devant l’audace de ces femmes qui marchaient la tête haute sans se soucier des commentaires qui fusaient de toute part ».

Le sens de la communication

et le sourire

Sarah Naraina, qui a travaillé à l’United Bus Service (UBS) entre 2004 et 2010 avant de rejoindre le Triolet Bus Service (TBS), a énuméré les principales qualités et le tempérament nécessaires pour faire face aux hommes qui croient qu’elles ne sont pas à leur place. « Les femmes qui choisissent d’être receveuses de nos jours ne font plus autant l’objet de remarques désobligeantes ou de harcèlements comme l’ont pu subir les pionnières, dont je faisais partie, au début des années 2000. Je suis connue pour ne pas avoir ma langue dans ma poche. J’ai donc usé de cette arme pour me faire respecter aussi bien par mes collègues que par les passagers au début de ma carrière », soutient-elle.

« Les femmes ont cette propension à sourire pour rassurer le passager, même si certains tendent à se montrer agressifs. Pourquoi donc s’en priver », ajoute-t-elle. Et d’indiquer qu’elle sait également faire preuve d’empathie envers les plus démunis. « Ena dimounn pena moyen pou paye zot tiket parski zot pov. Mo pey li mo mem apre zot ranbours mwa. Se enn fason pou fideliz zot », dit-elle.

Des qualités dont s’est imprégnée sa sœur Clara Théodore, laquelle ne regrette pas d’avoir soutenu Angélique Bazerque dans son mouvement de grève. «Je ne pouvais pas la laisser seule dans son combat et ses revendications. Il faut savoir monter au créneau pour des causes justes. Je retournerai au travail avec beaucoup d’humilité, de respect envers mes employeurs », dit-elle. Outre son désir de faire le même métier que sa sœur, Clara Théodore, qui est mère de deux enfants, a voulu donner une autre orientation à sa vie professionnelle, en 2010, après avoir travaillé pendant dix ans dans une usine textile.

« Les gens ne se rendent pas compte à quel point le métier de receveuse est passionnant. Le côté relationnel est stimulant », souligne Clara Théodore. Certes, elle déclare n’avoir presque jamais été confrontée à des passagers aux commentaires sexistes, mais elle soutient avoir dû remuer ciel et terre pour gagner le respect de ses collègues masculins. « Les chauffeurs d’autobus m’ignoraient au début, mais je ne suis pas restée les bras croisés. Monn al vers zot ek monn dir zot mo kat verite et ça a fonctionné. Il y a des remarques absurdes de certains passagers pas toujours très malins, mais qui me font rire quand même. Ça a quand même le mérite d’égayer nos journées.»

L’autre gréviste, Joyce Anthony, a connu la précarité professionnelle avant de s’inscrire à la NLTA dans le but d’obtenir sa licence de receveuse en 2011. « J’ai travaillé durant plusieurs années dans une usine qui était quasiment en faillite. Mon maigre salaire ne me permettait plus de subvenir aux besoins de mes deux enfants. Je ne savais plus que faire jusqu’à ce que je tombe sur une annonce de recrutement de receveuses chez RHT », souligne Joyce Anthony, qui ajoute avoir heureusement pu compter sur le soutien de son époux. « Il avait certes des appréhensions par rapport à ce métier d’homme, mais il m’a laissé faire, et je lui en suis reconnaissant ». Les trois receveuses se rejoignent dans le constat selon lequel elles devront faire leurs preuves, plus que les hommes pour gravir les échelons dans l’entreprise.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -