LOTERIE VERTE : Soixante-dix-sept ans à laisser parler la chance des Mauriciens

Le chiffre 7 est censé porter bonheur, selon les croyances de plusieurs religions. Le double 7, soit le 77e anniversaire de la Loterie Verte, est comme une double invitation à tenter sa chance. Ce chiffre a déjà fait des heureux cette année, à l’instar d’une jeune mère de 22 ans, de famille modeste, qui a remporté le 1er lot le mois dernier. La Loterie Verte fait indéniablement partie du folklore mauricien. « C’est notre loterie nationale. C’est un patrimoine », dira Oopmanew Chumun, secrétaire de la Government Lotteries. « La Loterie Verte n’est pas un jeu périlleux car c’est une seule fois par mois que mise le joueur », estime-t-il.
« Le premier tirage de la Loterie Verte a été effectué le 30 avril 1940. Mais à l’époque, le but était de lever des fonds en vue de soutenir les anciens combattants pendant la guerre. Il y avait alors cinq tirages par an et les lots dépendaient du nombre de billets vendus. La loterie verte fut organisée et distribuée de 1940 à 1993 par le Mauritius Turf Club pour passer par la suite sous la responsabilité du gouvernement », rappelle le secrétaire de la Government Lotteries (Loterie Verte). Les petits billets verts étaient d’abord vendus à 25 sous pour passer peu à peu à 35 sous, 70 sous, Re 1, Rs 3, Rs 5 et Rs 10 aujourd’hui. Une vraie tradition chez les Mauriciens, surtout le 31 décembre, où « les billets partent comme des petits pains », souligne Oopmanew Chumun. Il poursuit : « Beaucoup n’en achètent jamais mais, en décembre, une fois leur bonus reçu, montrent un intérêt pour la Loterie Verte. »
Mais d’autres n’attendent pas décembre pour tenter leur chance. Certains le font en passant devant un distributeur de la Loterie Verte. D’autres, convaincus qu’au fil du temps la chance devrait finir par leur sourire, prennent un abonnement mensuel avec leurs chiffres fétiches.
 Booster la vente
Autrefois, les lots de la Loterie Verte variaient en fonction du nombre de billets vendus. « Par exemple, si on vendait Rs 1 million de billets, on pouvait donner Rs 400 000 comme lots. » Mais depuis 1985, indique Oopmanew Chumun, les choses ont changé. « Nous avons fixé le 1er lot. Cela a boosté la vente des billets car le joueur, avant même de miser, sait déjà quel montant il peut remporter. C’est plus tentant. » Par ailleurs, depuis 2010, la Loterie Verte a connu un important changement au niveau du premier lot, celui-ci passant de Rs 5 M à Rs 10 M, le prix d’un billet passant de Rs 5 à Rs 10. « Le billet est longtemps resté à Rs 5. » De plus, souligne-t-il, « auparavant, c’est seulement en décembre que le premier lot passait à Rs 10 M, alors qu’aujourd’hui, le premier lot est fixé à Rs 10 M et peut passer à Rs 12 M, voire Rs 15 M en décembre, et ça pour Rs 10 le billet ».
Pour le secrétaire de la Government Lotteries, « la Loterie Verte a fait beaucoup d’heureux », soutenant que « certains ont pu financer les études de leurs enfants et réaliser la construction de leur maison ». Il se dit d’avis que contrairement à d’autres jeux, la Loterie Verte « n’est pas périlleuse car elle n’incite pas la personne à jouer plus, mais seulement une fois par mois ».
Anecdotes
Parmi les faits marquants dont il se souvient, le secrétaire de la Loterie Verte cite un grand gagnant « qui ne savait pas au départ qu’il avait remporté le premier lot et quand il l’a su, il a préféré attendre le dernier jour pour récupérer son pactole afin que personne ne soit au courant ». Autrefois, le délai de réclamation de son argent était de 3 mois. « Ensuite, c’est passé à six mois et, maintenant, à 9 mois. En fait, la loi a changé car il y avait des cas de Mauriciens partis à l’étranger six mois et qui n’ont pu consulter les résultats. » Oopmanew Chumun nous cite aussi le cas de cette personne venue réclamer ses Rs 100 000 avec un jour de retard l’an dernier. « J’étais vraiment navré pour lui, surtout qu’il s’agissait d’une personne qui connaissait bien les jeux, mais il n’a pas vérifié les résultats à temps. La loi, c’est la loi. Je n’ai pu le payer. L’argent est donc allé au Consolidated Fund ! » Notre interlocuteur dit être souvent témoin de « joueurs qui, à force de tenter vainement leur chance, sont découragés, tout comme ce monsieur d’une soixantaine d’années qui a fini par gagner à la loterie il y a quelques années après avoir joué plus de 40 ans ». Il cite un autre cas : « Il y avait le manager d’une banque qui avait un abonnement mensuel, mais lorsqu’un autre jeu est arrivé, il a arrêté de jouer à la Loterie Verte et, par ironie du sort, trois mois après, le numéro qu’il avait l’habitude de jouer a été remporté par une autre personne, qui a touché Rs 5 millions. »
Il y a aussi des cas, selon Oppmanew Chumun, où des personnes devant échanger leur argent viennent acheter un billet gagnant. Il cite par ailleurs le cas de cette jeune mère de famille de 22 ans, de milieu modeste, « qui est venue le mois dernier acheter un billet de Loterie Verte pour sa fillette et qui a remporté le gros lot de Rs 10 M ». Il poursuit : « Le paiement a été fait jeudi. Elle avait déjà gagné Rs 10 000 à la loterie. Il y a un changement dans la clientèle. Autrefois, c’était davantage les plus de 30 ans, mais maintenant, nous avons aussi des plus jeunes. »
Par mois, selon le secrétaire de la Loterie Verte, on dénombre en moyenne 140 gagnants, soit 1 500 par an, tous lots confondus, le dernier étant de Rs 10 000. Contrairement à autrefois, la Governement Lotteries peut aujourd’hui vendre ses billets et a d’ailleurs un point de vente au Jumbo de Riche-Terre. « Nous avons eu deux gagnants du premier lot dans cet hypermarché ! » La Government Lotteries se targue aujourd’hui de disposer d’équipements dernier cri pour assurer encore plus de transparence. « Nous offrons également de faire le tirage pour des Ong, des PTA ou autres compagnies ».
Coronation
Aujourd’hui, la Loterie Verte compte une dizaine de distributeurs, dont le plus connu est Coronation (Corolottery). Varun Moher, responsable de la section réservation, raconte que son père, Shivdutt Moher, le fondateur de Coronation, a commencé par distribuer les billets verts à Flacq dans les années 1945. Aujourd’hui, ce sont ses fils qui assurent la relève. « Quand j’ai quitté l’école, à 14 ans, je donnais un coup de main à mon père, à Port-Louis. C’est une entreprise que nous avons démarrée à zéro. À l’époque, mon père prenait quatre carnets de Loterie Verte, soit 400 billets du bureau Merven et Poupard. Cela lui prenait un mois pour les vendre ! Il n’y avait pas beaucoup de clients. Le premier lot, en 1940, était de Rs 10 000 et un billet se vendait 25 sous », se souvient-il.
Aujourd’hui, si le premier lot est un billet invendu, le mois suivant, le prix s’ajoute au premier lot du mois, ce qui fait deux premiers lots, et si le deuxième mois le premier lot est encore invendu, il passe au troisième mois. Varun Moher nous indique fièrement que le premier lot du mois dernier est un billet acheté à Coronation. Mais d’où vient le nom Coronation ? « C’est lors du couronnement de la reine Elisabeth II, en 1953, que mon père en a eu l’idée. »
Qu’en est-il des autres jeux de hasard qui existent aujourd’hui et de leur impact sur la Loterie Verte ? « Lorsque le Loto est arrivé, cela nous a fatigués un peu », concède-t-il, mais « nous remontons la pente ».  Quels profits pour Coronation ? Sur trois millions de billets émis sur un mois, 1,6 million sont vendus. « De ce chiffre, 900 000 sont écoulés par Coronation. Ce qui fait des recettes de Rs 9 millions. Un placier bénéficie de 4,56% des recettes et un revendeur de 6%. Nous, si nous dépassons Rs 8 millions de ventes, nous bénéficions de 20% des recettes, au lieu de 10,56%. » Coronation compte une trentaine d’employés à plein-temps, dont les enfants de Varun Moher, sa femme et ses deux frères, Satish et Shradhanand. Les Moher comptent quatre points de vente au marché central de la capitale. « Nous sommes présents à Curepipe, Quatre-Bornes, Vacoas, Rose-Hill et Port-Louis. »
Satish Moher est présent au marché central dès 8h le matin et y reste jusqu’à 16h30.  Assis sur un haut tabouret à l’échoppe de Coronation, presque à l’entrée, celui qui a vendu des billets de Loterie Verte depuis une cinquantaine d’années dit ne pas s’ennuyer dans son travail. Après un échange de conversation avec une connaissance, il se met à notre écoute avant d’être interrompu par un client qui lui demande un billet de Loto. « Une journée durant, je fais la rencontre de diverses personnes. J’ai rencontré beaucoup de personnes dans ce métier. » En fin commerçant, il a fait de son concurrent, le Loto, l’élément qui lui permet de rebondir. « Le Loto est arrivé et cela a fait baisser la vente de la Loterie Verte un peu, mais j’ai compensé cette perte en créant moi-même des associations. Par exemple, une association de 6 personnes pour Rs 100 ou une association de 5 pour Rs 200 ou encore une association de 9 personnes pour Rs 100. Ce que le public aime moins avec le Loto, c’est quand il n’y a qu’un seul gagnant. Certains préfèrent jouer en association, mais il faut savoir créer ces associations. » Pendant qu’il explique, un client l’interrompt, demandant à Satish « dix numéros suivants pour la Loterie Verte ».
Selon Satish Moher, « beaucoup de personnes sont devenues millionnaires avec Coronation, plus d’une centaine ». Les clients au marché central, dit-il, « viennent davantage pendant l’heure du déjeuner et, surtout, la dernière semaine avant le tirage, car ils n’aiment pas attendre longtemps avant de connaître les résultats ».
Dernièrement, Satish Moher a fait une proposition à la Government Lotteries. « Je ne sais si cela va être retenu, mais s’il n’y a pas de premier lot dans un mois, au lieu de reporter la somme de Rs 10 M à l’autre mois, outre l’autre somme de Rs 10 M du mois, j’ai proposé qu’il y ait 10 lots de Rs 1 M plus les Rs 10 M du mois. Ce serait plus attirant. Plus de personnes pourraient gagner à la loterie ! »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -