LOVISHEN RAMSAMY : 20 ans et bientôt pilote de ligne

Premier Mauricien à avoir été sélectionné, il y a deux ans, par l’Emirates Aviation College pour le Boeing Cadet Pilot Training Program à Dubaï et Lisbonne, Lovishen Ramsamy s’envole chaque jour un peu plus près de ses rêves. Dans quelques mois, notre jeune compatriote de 20 ans, qui fait déjà preuve d’une grande maturité d’esprit, transportera des centaines de passagers à bord de l’avion qu’il aura pour mission de piloter. Pour autant, il reste très terre à terre et prend la pleine mesure de la responsabilité et de la rigueur du métier. « Quand on est appelé à prendre en charge la vie des gens le temps d’un vol, il n’y a pas de place pour l’à-peu-près. Il faut se remettre en question et se dire que chaque vol est un nouveau défi ». Pour le futur pilote de ligne, passion, sacrifice, rigueur et discipline sont indispensables pour décoller dans cette fascinante profession… Rencontre.
Alors que Boeing, aux États-Unis, vient d’émettre un communiqué de presse au sujet d’un manque, dans le monde de l’aviation, de pilotes de ligne de haut niveau et que le Boeing Pilot & Technician Outlook 2013 prévoit une forte demande de près d’un demi-million de pilotes pour des vols commerciaux à travers le monde dans les vingt ans à venir, le parcours de Lovishen Ramsamy peut encourager les jeunes Mauriciens, également passionnés par cette profession, à lui emboîter le pas.
Se trouvant actuellement à Lisbonne dans le cadre de sa formation, c’est par le biais d’Internet que cet ancien élève du Lycée La Bourdonnais nous a accordé cet entretien. « Cela fera bientôt deux ans que je suis cette formation chez Emirates Aviation College à Dubaï qui reçoit, pour cela, le soutien de Jeppesen, une filiale de Boeing aux États-Unis et de G-Air Flying Academy à Lisbonne », nous dit-il. Lovishen Ramsamy se souvient de la joie qui l’animait quand, deux ans de cela, il fut sélectionné par l’Emirates Aviation College. « J’étais vraiment heureux d’être parmi les neuf sélectionnés sur un grand nombre de candidats venant du monde entier… »
La sélection est rude mais qu’importe ! Dans sa petite tête d’enfant, déjà, Lovishen se voyait pilote. Le seul but dès lors était de se conditionner à le devenir, de décoller vers ce rêve d’enfance. D’autant que son environnement jouait en sa faveur. « Depuis ma plus tendre enfance, j’ai eu la chance de beaucoup voyager avec mes parents ou même seul. J’ai fait mon premier vol dès l’âge de quatre mois avec mes parents sur le trajet Maurice-New York en passant par Paris et Londres. J’ai grandi un peu dans ce monde du voyage et du tourisme. Je pense que cette expérience a façonné un peu mon intérêt pour l’aviation. Je me disais que je ne resterais pas toujours assis derrière dans l’avion mais qu’un jour je serais assis devant et dans le cockpit à piloter ce magnifique appareil moi-même ».
Des obstacles ? Pour l’aspirant pilote, qui dit n’en avoir pas vraiment rencontrés jusqu’ici, « s’il y en a, ils deviennent plutôt des défis intéressants à relever ». Et, les défis, dit-il, empli de sagesse, il y en aura toujours car pour être pilote de ligne, la préparation physique et mentale, la faculté d’adaptation et de gestion du stress aussi bien que du temps sont de mise. « Il faut surmonter les obstacles tout en restant positif ».
Alors qu’il effectue une partie de sa scolarité secondaire au Lycée international Georges Pompidou à Dubaï, pays où l’aviation est constamment en essor, le lycéen, qui montre un vif intérêt pour cet univers, se renseigne beaucoup sur l’histoire de l’aviation par le biais de livres, d’Internet mais aussi auprès d’Emirates Airline. « Quand j’avais du temps libre, j’allais même aux Headquarters d’Emirates Airline, pas loin de là où on habitait à Dubaï, même si je savais que leur programme de formation de pilote était réservé uniquement aux Emiratis », relate Lovishen. Pendant ses vacances scolaires à Maurice, le lycéen profite pour faire un stage chez Air Mauritius à Plaisance. « Des pilotes m’ont beaucoup encouragé à faire carrière dans ce domaine ».
Une fois son Baccalauréat scientifique au Lycée La Bourdonnais à Maurice complété, le jeune homme soumet sa candidature pour une formation de pilote auprès de trois écoles spécialisées, en Angleterre, en Floride et en Afrique du Sud. Il est pris par les trois institutions. Mais, peu de temps après, il apprend, par le biais d’une amie de la famille à Dubaï, que l’Emirates Aviation College ouvre pour la première fois ses cours de Cadet Pilot aux nationalités étrangères. « J’étais vraiment content parce que je connaissais bien Dubaï et je m’y étais déjà fait plein d’amis. J’ai donc envoyé ma candidature. J’ai été vraiment heureux d’être parmi les neuf sélectionnés sur un grand nombre de candidats venant du monde entier voulant suivre cette formation chez Emirates Aviation College. Maintenant je complète le cours pratique chez G-Air à Lisbonne, un des partenaires du programme avec Boeing », nous précise le futur pilote.
Critères d’éligibilité
Quels sont les critères d’éligibilité pour suivre une telle formation ? Lovishen Ramsamy indique que l’Emirates Aviation College « exige de bons résultats en mathématiques, physique et anglais mais il faut aussi passer plusieurs exercices de présélection les uns plus rigoureux que les autres et menés par des professionnels de l’aviation de plusieurs pays. Il y a des examens écrits et oraux, un examen psychotechnique, plusieurs tests en simulateur et en situation réelle ».
L’aviation, aux yeux de notre jeune interlocuteur, demeure un domaine « très fascinant ». « Elle est en constante évolution. Faire carrière dans cette filière exige beaucoup de rigueur et d’autodiscipline ». Si la compétition est une réalité, voire « féroce », ce qui compte le plus, pour Lovishen Ramsamy, « c’est la qualité de formation dispensée aux aspirants pilotes. Au terme de ce programme de formation, il faut réussir les examens de l’ATPL accrédités auprès de l’European Aviation Safety Agency (EASA) et aussi acquérir le minimum d’heures de vol d’après le programme pour se qualifier comme pilote professionnel. Dans ce métier, il faut toujours apprendre de nouvelles techniques, comprendre son évolution sur le plan technologique et humain et savoir mesurer l’ampleur de la responsabilité tout en gardant constamment en tête la sécurité des passagers et des membres d’équipage à bord », dit-il.
Lovishen Ramsamy se dit « humblement fier » d’être le premier Mauricien à avoir été recruté par l’Emirates Aviation College pour suivre le Cadet Pilot Training Program. « C’est un honneur pour mon pays, ma famille et pour moi-même. J’espère que d’autres Mauriciens en feront de même ».
Pas de place pour l’à-peu-près
La formation dispensée par l’Emirates Aviation College, dit le futur pilote, est très rigoureuse. « J’ai eu la chance d’être bien soutenu par mes parents, mon frère et ma soeur ainsi que les directeurs, sans compter le soutien inestimable du personnel enseignant et administratif à Dubai comme à Lisbonne ». De toute manière, ajoute-t-il, à Dubaï, « tout est rigueur et discipline. Mais, il y a aussi beaucoup de facilités pour le sport et la détente, donc il faut en profiter en faisant un bon mélange entre études et sports. Pour la réputation de l’Emirates Aviation College, on est obligé de donner le maximum de nous-mêmes. Les instructeurs venant de différents pays nous soutiennent énormément. L’entente avec d’autres aspirants pilotes est formidable surtout que nous venons tous de différents pays et avons diverses origines. Le programme est intensif et je passe des heures à étudier afin de mieux comprendre la complexité du métier. J’ai aussi eu l’occasion d’assister à des conférences par Boeing ainsi que par de nombreux experts sur le futur de l’aviation, sur les avions de demain et les défis qui iront avec ».
Parmi les qualités essentielles pour être pilote de ligne, « il est indispensable d’être d’abord passionné d’aviation. Mais il faut aussi savoir faire beaucoup de sacrifices. La rigueur et la discipline sont des qualités sur lesquelles on ne peut faire de concession. Quand on sera appelé à prendre en charge la vie des gens le temps d’un vol, il n’y a pas de place pour l’à-peu-près. Il faut se remettre en question constamment et se dire que chaque vol est un nouveau défi. Il faut aussi savoir rester serein dans toutes les situations et savoir transformer une situation de crise, s’il y en a, en calme ».
Notre interlocuteur estime par ailleurs que « le fait que nous les Mauriciens soyons bilingues est un grand atout. Je pense que la connaissance d’une troisième langue étrangère est un outil indispensable dans ce domaine. D’ailleurs, avoir étudié le mandarin depuis petit apporte, à mon avis, un plus dans ma carrière. Bref, un bon pilote doit être bien formé, très doué dans son travail, avoir un bon caractère, savoir garder la tête sur les épaules, et toujours rester cool dans la vie ».
Ce qui le passionne tant dans ce métier ? C’est « l’évolution constante de l’aviation. Avec la technologie moderne, l’aviation est en constante innovation et je pense qu’elle a encore bien de beaux jours devant elle. L’exploit du pilote américain Chesley Sullenberger, qui a dû faire un atterrissage forcé sur l’Hudson River à New York en 2009, sauvant la vie de tous ses passagers, est pour moi une grande source d’inspiration. D’autre part, on ne peut qu’être émerveillé de voir des créateurs comme Sir Richard Branson voulant conquérir l’espace avec des appareils ultra modernes et même inaugurer le grand voyage commercial dans l’espace avec son Virgin Galactic. Je trouve tout cela fascinant ».
Pourquoi encouragerait-il d’autres jeunes Mauriciens à lui emboîter le pas ? « Il y a déjà pas mal de Mauriciens pilotes. Mais, ce secteur évolue à une vitesse Grand V, avec toujours de nouveaux appareils encore plus sophistiqués. Donc, même si Maurice est un petit pays, je pense qu’il y aura de la place pour les jeunes Mauriciens qui sont passionnés par le métier de pilote. Cependant, il ne faut surtout pas voir que le côté glamour du métier car la responsabilité est énorme. Étant le seul Mauricien dans ce programme, j’espère bien qu’il y en aura d’autres sur le campus de Dubaï et de Lisbonne bientôt ».
Quelques conseils à leur donner ? « Si on est vraiment motivé, il faut travailler dur et faire beaucoup de sacrifices pour réussir, comme pour tout autre métier d’ailleurs ».
Si le temps est clément et permet aux aspirants pilotes de l’Emirates Aviation College de compléter leur pratique, Lovishen Ramsamy devrait voir son rêve d’enfance se concrétiser en devenant pilote vers décembre 2013. Interrogé quant à la compagnie pour laquelle il compte travailler, il répond : « Je travaillerai pour toute compagnie qui me donnera la chance de progresser professionnellement et le privilège de participer dans son développement et son expansion dans un monde très compétitif où le talent, la compétence, la volonté de réussir et le sens du devoir comptent le plus. »
Ce rêve concrétisé, il espère un jour, toucher les étoiles, en devenant « commandant à bord de l’avion le plus sophistiqué dans les airs dans le futur ». Pour l’heure, il reste sur terre aux côtés de sa famille pour laquelle, « tout métier, quel qu’il soit, est hautement valorisé et respecté. Mais, comme je suis le premier et seul Mauricien à être sélectionné à suivre le Boeing Cadet Pilot Training Program, je pense que mon entourage le voit avec une petite dose de fierté… »

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