MALADIES INOPÉRABLES: Handicapé lui-même, Jean Claude roule pour un jeune leucémique

Puisant de sa capacité à nager sur de longues distances et de sa dextérité à manier le fauteuil roulant, Jean Claude, 60 ans, a tout récemment fait le tour de l’île pour le petit Emmanuel Nadal, 5 ans, qui souffre de leucémie. Une action, pas que symbolique, visant à amener le gouvernement à être plus généreux envers les personnes souffrant d’une maladie inopérable à Maurice.
Aujourd’hui, le gouvernement accorde la somme de Rs 500 000 à chaque malade inopérable à Maurice. Une somme insuffisante, estiment les travailleurs sociaux… D’ailleurs, ces jours-ci, Georges Ah-Yan du Forum des Citoyens Libres (FCL) mène une grève de la faim pour faire prendre conscience aux autorités de l’urgence de la situation. « En tant que père de famille et grand-père d’une petite-fille, je me dis que nous pouvons tous être sujets, un jour ou l’autre, à un problème quelconque, grave ou moins grave, affectant notre santé. Donc, nous ne pouvons fermer les yeux sur ces cas qui sont si sensibles car ce sont de réels problèmes qui affectent la vie de certains de nos concitoyens. Cela dit, la santé est un droit pour tous et il est du devoir de l’État de mettre la santé à la portée de tous ses citoyens », affirme Jean Claude avec conviction.
Jean Claude, 60 ans et infatigable travailleur social, habite Mahébourg. De profession, il est maître d’école et, actuellement, en charge de l’école Ste Cécile RCA, de Bambous-Virieux, village côtier de l’est. Handicapé physique depuis l’enfance, à l’âge de l’adolescence il deviendra un assidu pratiquant du handisport et il brillera dans les épreuves de natation et de basket-ball en fauteuil roulant. Du reste, il détient deux médailles de bronze de niveau international en natation, des médailles conquises lors de rencontres de handisport disputées dans le passé sur le continent africain. Il est un cofondateur de la « Dolphins Wheelchair Sports Association », qui, depuis une trentaine d’années, regroupe les handicapés physiques de la région du sud.
Le soixantenaire fait la connaissance du petit Emmanuel quand celui-ci est admis, en janvier 2010, à l’âge de quatre ans, à la section maternelle de son école. Au fil du temps, il apprend que l’enfant est un leucémique et que, de ce fait, ses parents caressent l’idée de l’envoyer en Inde en vue d’y subir une première intervention chirurgicale. Mais cette opération coûtera environ Rs 1,5 million. Le père de l’enfant étant un aide-maçon et sa mère femme au foyer, il leur est impossible de réunir une telle somme. Mis au courant de cette triste réalité, Jean Claude décide de mettre sur pied une activité de levée de fonds pour venir en aide à cette famille et, ainsi, permettre à l’enfant d’entrevoir une lueur d’espoir de guérison.
Voici en quoi consiste cette activité de levée de fonds : Jean Claude décide d’effectuer une traversée à la nage longue de 9 km dans la baie de Mahébourg, précisément de l’île de la Passe à Pointe-des-Régates et demande au public de le parrainer. Toutes les formalités requises pour la réalisation de cette opération sont complétées et le maître d’école handicapé écrit aux écoles pour leur demander un parrainage spécial.
La traversée à la nage se déroule en présence d’un public nombreux et dans une bonne ambiance le 19 décembre 2010. Cette activité citoyenne a permis de récolter une somme globale de Rs 400 000. En outre, une pétition réclamant davantage d’aide de l’État pour les malades inopérables à Maurice a circulé au sein du public et a recueilli plus d’un millier de signatures. « La pétition a été par la suite envoyée au Bureau du Premier ministre, mais, jusqu’à l’heure, elle demeure lettre morte… », déplore Jean Claude.
Grâce à l’argent recueilli, le petit Emmanuel a pu se rendre en Inde en compagnie de sa mère pour une première opération. Il aura à retourner dans la Grande Péninsule pour son traitement médical et ce en attendant la deuxième phase de son opération, qui devrait lui permettre de guérir. Malheureusement l’épineux problème de financement demeure.
« Le gouvernement devrait se pencher sur la possibilité de financer in toto le coût de ces opérations ou, alors, il devrait faire venir à Maurice les médecins et la technologie nécessaires afin d’éviter le déplacement de ces malades vers l’étranger pour se faire opérer. Je suis contre cette pratique courante qui consiste à effectuer des quêtes publiques à cette fin car, pour moi, c’est humiliant de quémander de l’argent aux membres du public pour se faire soigner. L’accès à un service de santé est un droit humain fondamental », explique Jean-Claude.
C’est dans le but de conscientiser davantage l’opinion publique sur la détresse de ceux qui ne peuvent se faire soigner à Maurice (alors que ces soins sont disponibles à l’étranger) que Jean Claude a réédité son exploit du vendredi 14 au dimanche 16 octobre.
Durant ces trois journées entières, il a fait un tour de l’île sur fauteuil roulant en trois différentes étapes, comme suit : 1) de Mahébourg jusqu’au Morne, 2) du Morne jusqu’à Cap-Malheureux en passant par Port-Louis, 3) de Cap-Malheureux jusqu’à Mahébourg. Durant deux nuits consécutives, il a dormi à la belle étoile sur les plages publiques, Le Morne et Cap-Malheureux, respectivement.
« Durant les différents parcours, j’ouvrais la voie en circulant sur mon fauteuil roulant et une voiture, conduite par mon frère d’armes, Gunness Bhunjun, qui me suivait de près pour parer à toute éventualité, arborait une pancarte sur laquelle était expliqué le but de notre action. Partout, nous étions acclamés de vive voix par les personnes qui étaient présentes sur les routes. Notre objectif, encore une fois, a été atteint », s’enthousiasme le sexagénaire handicapé.
Jean Claude ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et veut aller jusqu’au bout de son engagement. Il projette d’exécuter une troisième action qui, cette fois-ci, devrait marquer les esprits. « Mais auparavant, je dois consulter un homme de loi », nous confie-t-il.

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