MATERNITÉ: 41,5 % des femmes à Maurice accouchent par césarienne

« Eski nou, bann madam dan Moris, nou byen fay, nou ena problem ? » Le Dr Radhika Jagatsingh-Beehuspoteea était presque indignée en soulevant cette question hier à une conférence/débat sur le thème « Mama lavenir to zanfan li dan to lamin ». Alors que selon l’OMS, la pratique de la césarienne ne devrait dépasser 10 à 15 % dans aucun pays au monde, 41 % des femmes à Maurice accouchent par césarienne et 53,3 % des accouchements dans le privé se font par cette même voie.
« À La Réunion où l’on partage à peu près la même population, le taux de pratique de césarienne ne dépasse pas 10 %, précisément 6,5 % », a mis en avant la pédiatre Jagatsingh. Pour elle, il est très important que les gynécologues expliquent aux patientes les raisons pour lesquelles ils optent pour la césarienne, de même que les conséquences d’une telle pratique, ce qui n’est pas toujours le cas. Bien souvent, selon la praticienne, des patientes arrivent à l’hôpital et ne savent même pas pourquoi elles doivent subir une césarienne. « Elles savent juste que c’est la décision du médecin. » Or, cette pratique est loin d’être dépourvue de risques pour la mère comme pour le bébé. « Le taux de mortalité maternelle est plus élevé pour les césariennes », rappelle la pédiatre. Pour la mère, il y a des risques de perte de sang excessive, de blessure des intestins et de la vessie au cours de la chirurgie, d’infection de l’endroit de l’incision, de cicatrice interne pouvant causer des douleurs dans la région pelvienne, de complications lors des prochaines grossesses, comme un placenta trop bas ou une rupture du placenta. Le séjour hospitalier est par ailleurs prolongé avec la césarienne et la mère est plus fatiguée après l’accouchement. Quant aux bébés, « contrairement à un accouchement par voie basse, où des bactéries présentes dans le passage de la maman aident à les protéger, ceux naissant par césarienne ont plus de risques de détresse respiratoire ». D’où l’importance d’en discuter avec la patiente avant toute prise de décision.
Le Dr Jagatsingh s’est par ailleurs appesantie sur l’importance du soutien psychologique aux femmes sur le point d’accoucher, comme le préconise l’OMS. Or, « souvent, lorsque la femme arrive à l’hôpital accompagnée de son mari, au moment d’entrer dans la salle, on lui dit “al tou sel aster”. Après l’accouchement, on vous dit “pran ou bebe ale” ». Le Dr Jagatsingh insiste : « C’est votre droit de vous faire accompagner par une personne lors de l’accouchement. Les femmes doivent savoir le revendiquer ! »
Autre sujet abordé par la pédiatre-néatologue : la prématurité. Le prématuré « veut dire que le bébé n’est pas encore prêt. Le dernier organe à être prêt étant le poumon, celui du prématuré ne l’est pas. On doit l’aider à respirer à l’aide d’un appareil ». Autant que possible, il importe de prévenir la prématurité, souligne-t-elle. Le prématuré connaît aussi des problèmes digestifs, son intestin n’étant pas encore prêt tout comme son cerveau « qui met beaucoup de temps avant de se former. Il faut donc vraiment attendre d’être à neuf mois pour mettre le bébé au monde car un bébé dont les organes ne sont pas prêts, présente de forts risques d’infection. C’est une des raisons qui expliquent que beaucoup ne survivent pas ».
La conférence d’hier était également l’occasion pour le Dr Jagatsingh de parler de l’importance d’un bon régime alimentaire : de l’eau à longueur de journée surtout par temps de chaleur, un peu de matière grasse chaque jour, la viande ou le poisson, le poulet ou un oeuf, une seule fois par jour, des produits laitiers trois à quatre fois par jour, des fruits, des légumes et des féculents à chaque repas. Elle a souligné l’importance de l’acide folique pour toute femme envisageant de concevoir un enfant. Une carence en acide folique peut susciter une anémie, des troubles digestifs, des anomalies au niveau du développement du placenta et des risques cardiovasculaires. Chez le bébé, une telle carence peut causer des problèmes au cerveau et à la colonne vertébrale. Le fer et l’iode et l’activité physique – marche de trente minutes par jour – sont tout aussi importants.
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Dr Hyleen Mariaye : « La maman doit avoir son espace »
De son côté, le Dr Hyleen Mariaye, du MIE, a abordé le thème « Femmes, mères, Éducatrices – Les défis de la maternité ». Selon elle, la femme est plus sujette à des critiques que les hommes, toutes couches sociales confondues. Elle est d’avis que « l’éducation est à refaire pour aider les filles à comprendre. Bien souvent à l’école, on tient un discours émancipatoire mais lorsqu’on retourne dans la société, l’impact du milieu culturel est plus fort ». Le Dr Mariaye a partagé une expérience quand elle avait débuté comme enseignante. « J’avais une élève très brillante, de famille aisée, mais l’année d’après je ne l’ai pas revue en HSC. Ce n’est que par la suite que je devais apprendre qu’elle a mis fin à sa scolarité parce que sa mère l’a mariée… » Si bien souvent, selon elle, « on blâme les hommes, en tant que mère, nous nous devons d’avoir une attitude égale envers nos filles et garçons. Les parents doivent faire attention aux mots qu’ils utilisent et non avoir une attitude gender biased. Comment expliquer que le nombre de femmes qui percent dans la vie, sont perdues en cours de route ? La relation que nous avons avec notre enfant détermine la relation qu’il aura avec les autres ». Elle a invité les femmes à se demander si « en tant que femme, on est dans un mode passif ou actif ». Originaire de Tranquebar, le Dr Mariaye dit connaître beaucoup de femmes de cette région « ki pena travay ki atann zot bolom retourne pou gagn enn ti kas pou manze. La grande question est : “Comment ces femmes peuvent changer leur mentalité ?” » Elle a aussi plaidé pour que les nouvelles mères, dont souvent la société attend d’elles qu’elles deviennent des superwomen, aient leur espace et « continuent à s’épanouir ». « J’invite les hommes, surtout, à réfléchir sur la manière dont on peut redonner aux mères leur espace. » S’agissant du rôle de la mère, « une mère qui n’est pas éduquée peut être une bonne mère. Il suffit de donner à l’enfant un petit espace, une petite table, une heure de tranquillité pour faire ses devoirs. Et ensuite, se montrer intéressée par sa vie scolaire. Il est important d’être à l’écoute de son enfant ».

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