Les postes de directeur général, de Port Master et de directeur des ressources humaines vacants depuis plus d’un an
La négligence au niveau de la maintenance et de l’achat de remorqueurs pointée du doigt
Le syndicat parle de « manœuvres déguisées orchestrées pour privatiser le Marine Department de la MPA »
Les critiques pleuvent sur la façon dont les affaires sont gérées à la Mauritius Ports Authority (MPA). Les employés par le biais de leur syndicat de la Maritime Transport & Port Employees Union (MTPEU) montent au créneau pour dénoncer « un déclin total à tous le niveaux » au sein de cet organisme. « Postes vacants, ingérence politique, politique de discrimination, traitement de faveur lié aux promotions et aux recrutements » demeurent les principaux griefs mis en avant par les syndicalistes Tirth Purrryag, Abhishek Santoke, Ibrahim Moosa et Vega Iyaroo, citant l’exemple de la mise en congé, depuis un an, du directeur général Aruna Bunwaree-Ramsaha qui continue quand même à percevoir son salaire. Cette léthagie déconcertante se traduit aussi par la négligence affichée au niveau de la maintenance et de l’achat de remorqueurs. À en croire le syndicat, « certains faits laissent poindre la perspective d’une éventuelle privatisation du Marine Department de la MPA. »
Depuis le 23 décembre 2022, la MPA n’a plus de directeur général après la mise en congé d’Aruna Bunwaree-Ramsaha, qui avait pris les rênes de l’organisme le 11 février 2022, après le départ à la retraite de Shekur Suntah. « Sous le prétexte fallacieux qu’elle refilait des informations aux députés de l’opposition, la police l’avait interrogée avant que la MPA la mette en congé le 23 décembre 2022. Ça va, donc, faire bientôt un an qu’elle continue à percevoir son salaire en se tournant les pouces, tout en bénéficiant des frais d’un chauffeur aux frais des contribuables. Zot inn fors li pran konze. Pourquoi ne pas avoir institué un comité disciplinaire avant de prendre une décision finale ? Pena sarz pou mete kont madam-là. La police prétend être en possession d’une lettre anonyme. Faux ! C’est aberrant », souligne le syndicat. Aruna Bunwaree-Ramsaha compte 30 ans de service à la MPA qu’elle avait rejoint en 1993 comme comptable. Elle a fait son petit bonhomme de chemin avant d’être propulsée Finance Manager quatre ans plus tard. Elle avait été promue au poste de directrice générale-adjointe en 2008.
À en croire la MTPEU, « ayant eu vent de la levée de boucliers de notre syndicat cette semaine, la direction de la MPA a sorti une circulaire, mercredi, en vue du recrutement d’un nouveau directeur général, un poste qui, logiquement, devrait revenir à l’actuel directeur général-adjoint. Or, dans la circulaire, il est écrit noir sur blanc que la personne qui sera désignée pour prendre les rênes de la MPA devra signer un contrat d’un an. Une démarche irrationnelle, dans la mesure où les prétendants au poste au sein de l’organisme ont, pour la plupart, plus de 20 ans de service. Croyez-vous que ces derniers accepteront de démissionner et signer un contrat d’un an pour occuper un siège éjectable ? » À la lumière de ce constat, le syndicat soutient que cet appel à candidature, lancé localement et internationalement, avec à la clé un contrat d’un an, serait « une manière déguisée de privilégier le recrutement d’un étranger comme patron de la MPA. Un poste taillé sur mesure. La National Coast Guard (NCG), la National Security Service (NSS) et la Mauritius Revenue Authority (MRA) sont dirigées par des Indiens. MPA osi pou parey. Où en est-on au niveau de la souveraineté de Maurice ? »
Depuis un peu plus de trois ans, la MPA plonge en eaux troubles dans le sens propre et littéral du terme après le naufrage du remorqueur Sir Gaëtan ayant coûté la vie à quatre marins, dans la nuit du 29 août 2020. La MTPEU déplore le manque de communication de la direction quant aux conclusions liées à l’enquête initiée à la Court of Investigation sur ledit naufrage : « Qu’est-ce qu’on nous cache de si grave ? Entre-temps, des familles pleurent encore la disparition de leurs proches. »
Le Marine Department privé d’ingénieur
Un triste épisode qui avait précipité, le 1er janvier 2022, le départ à la retraite du capitaine ou Port Master Gervais Barbeau. Le syndicat de la MPA s’insurge contre le fait que cela fera bientôt deux ans que Gervais Barbeau n’a pas été remplacé. Un appel à candidatures avait pourtant été lancé par la MPA, depuis son départ, afin de remplir ledit poste. « La fonction de Post Master est un poste constitutionnel qui n’est jamais resté vacant durant tout ce temps. C’est hallucinant ! Non seulement la MPA n’a plus de directeur général depuis belle lurette et de Post Master depuis plus de deux ans, mais il s’avère aussi que cette instance est privée d’un responsable des ressources humaines et d’un directeur de l’Audit depuis un an », martèle le syndicat qui va plus loin en indiquant que « depuis plus six ans, le Marine Department est privé d’un ingénieur maritime, auquel la tâche incombe de superviser les opérations de maintenance à bord des bateaux. Pena person pe pilot sa bann operasyon inportan la dan MPA. Li byen grav. »
Depuis qu’il existe, le port de Maurice a toujours été le propriétaire de ses propres remorqueurs et de ses propres outils. Il n’a jamais eu besoin de louer. Or, selon la MTPEU, depuis 2021, les choses ont pris une autre tournure avec la location par la MPA de deux remorqueurs émanant d’Abu Dhabi qui sont pilotés, qui plus est, par des étrangers. « Le Core Business de la MPA est de s’assurer que les bateaux entrent et sortent du port en toute sécurité. L’organisme possède quatre gros remorqueurs et autant de petits remorqueurs, dont un est en panne depuis un an. Parmi les quatre gros remorqueurs, deux seulement appartiennent à la MPA, alors que les deux autres sont loués depuis 2021. Au-delà de la négligence financière et logistique et du manque de prévoyance ayant conduit à ces locations, là où le bât blesse demeure le fait que ce sont des travailleurs étrangers qui ont été enrôlés pour la maintenance et le pilotage des deux remorqueurs d’Abu Dhabi, quand bien même la majorité du personnel local possède les qualifications requises pour faire le travail », soutient le syndicat.
La MPA n’avait-elle pas envisagé l’achat de cinq remorqueurs en 2022, en procédant à un Open International Bidding pour la conception, la construction et la mise en service de quatre petits remorqueurs ? Répondant à un PNQ du leader de l’opposition, l’année dernière, le Premier ministre Pravind Jugnauth avait confirmé cette information et il avait même été annoncé que les actions nécessaires étaient en cours pour la préparation d’une Request For Proposal (RFP). « Certains remorqueurs datent de plus de 20 ans et peuvent tomber en panne à n’importe quel moment. La situation est la même à Rodrigues. Loin de nous l’idée de tirer des conclusions hâtives, mais à la lumière des points qu’on a avancés, il est légitime de se poser la question d’une possible manœuvre orchestrée et déguisée pour privatiser le Marine Department de la MPA », conclut le syndicat.
« L’ingérence politique atteint des sommets »
« L’ingérence politique dans les affaires de la MPA a tout le temps existé mais elle atteint des sommets depuis quelques années. » C’est ce qu’affirme la MTPEU qui évoque la manière dont les recrutements et les promotions se déroulent au sein de l’organisme. « Un appel à candidature avait été lancé pour le recrutement d’un cadre au département des Ressources Humaines et des interviews ont même eu lieu en ce sens avant d’être gelé. Au final, la MPA a recruté une dame pour un contrat d’un an pour occuper le poste sans que cette dernière soit passée par l’étape de l’entretien. Aurait-elle bénéficié d’un politicien ? La réponse est notoire d’autant que cette dame n’était pas éligible pour le poste », affirme le syndicat.
Aussi, à en croire la MTPEU, « la loi stipule clairement que lorsqu’une personne arrive au bout de son contrat d’un an, elle doit automatiquement attendre un mois, le temps que les haut-cadres de la MPA délibèrent, pour savoir si son contrat est renouvelé ou pas. Or, la principale concernée avait déjà été convoquée au bout de quatre jours pour, bien évidemment, apprendre que son contrat a été renouvelé. Un traitement de faveur inédit et inacceptable, alors que d’autres travailleurs n’ont pas eu la même chance. »