MV BENITA – ONZE PÊCHEURS DU BOUCHON CONTRAINTS AU CHÔMAGE : «Mo sagrin. Mo lamer inn vinn steril»

ça fait 21 jours que leurs casiers sont dans le lagon. Depuis que le cargo MV Benita a fait naufrage sur les récifs, les 11 pêcheurs du petit village côtier du-Bouchon ont été forcés de mettre fin à leurs activités. Lorsqu’ils ont appris que 200 autres pêcheurs ont, comme eux, réclamé une compensation, ils se sont vite opposés à cette demande. Ils sont les seuls, affirment-ils, à détenir une licence pour le lagon du Bouchon. A hier matin, 5 000 tonnes de fioul avaient été récupérées de la mer, mais les pêcheurs n’attendent qu’une chose, le renflouage au plus vite du MV Benita afin de reprendre la mer. Mais cela, seul l’avenir leur dira dans combien de temps.
« J’ai 76 ans. Je compte plus de 60 ans de pêche. La mer, je la connais, et j’ai vécu tant de choses difficiles dans le lagon. Cependant, jamais je n’aurais pensé que je verrai ça, un jour. » « Ça », comme le dit Lew Yan Man, c’est bien plus que l’imposant MV Benita, statique, comme impassible sur l’eau. Depuis le 17 juin, jour du naufrage du cargo de 45 000 tonnes, c’est tout l’univers du vieux loup de mer qui s’est écroulé. Homme de caractère au visage marqué par des stries du temps et que le soleil n’a pas épargné, Lew Yan Man ne reprendra pas la mer de sitôt. Le MV Benita y a pollué l’eau qui est à l’origine de son gagne-pain. « Mo sagrin. Mo lamer inn vinn steril », lâche-t-il, amer. Lew Yan Man habite à quelques minutes du Bouchon. « Pour quelle raison je devrais venir là ? Je l’ai vu deux fois, ça suffit», dit-il, parlant du cargo échoué. «Je n’avais aucunement l’intention d’abandonner la mer. Tan ki mo leker bate mo pou lapes. Je ne rendrai pas ma carte. Et je recommencerai à pêcher. Je ne sais faire que ça! » C’est son grand-père qui lui a appris le métier. « C’était en Chine. Je suis un Chinois, moi ! Mon grand-père est de là-bas. Quand les Anglais régnaient à Maurice et que mon père n’était pas très certain de l’avenir ici, il nous a emmenés, ma mère et moi, dans son pays. Là-bas, il m’a appris à pêcher. Selman ti lapes pwason delo dou. On est resté en Chine pendant une dizaine d’années. » De retour à Maurice, il se perfectionne auprès des anciens qui l’initient à la pêche dans le lagon mauricien. Il apprend aussi à interpréter le mouvement des nuages. « La météo, il faut juste écouter ses conseils. Ne pas aller en haute mer quand elle vous le déconseille. » Alors qu’il scrute les vagues par ce temps venteux qui annonce une marée haute, on sent de la colère contenue dans ses yeux.

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