Nouvelle drogue synthétique mortelle à La Réunion : Maurice pas à l’abri

500 fois plus puissants que l’héroïne, elle a fait trois morts et provoqué des intoxications aggravées

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Maurice n’est pas hermétique à l’entrée de tous types de drogues, y compris la nouvelle substance de synthèse au risque mortel immédiat qui a fait trois morts à La Réunion récemment. Il nous reste qu’à croiser les doigts pour que cette drogue synthétique, non identifiée pour le moment, ne rentre pas sur le territoire mauricien. Pour cause, ses effets 500 fois plus puissants que l’héroïne ont envoyé plusieurs personnes en réanimation, poussant les professionnels de la santé dans l’île soeur à exprimer leurs vives inquiétudes à propos de cette substance ultra dangereuse. Outre-mer La 1re (France Télévisions) a attribué la provenance de cette drogue à Maurice et les Seychelles où elle « circule », selon le réseau de télévision. Ce qui serait une hypothèse, mais jusqu’ici, les ravages constatés à La Réunion n’ont pas été signalés ici. Toutefois, la vigilance est de mise, d’aucuns peuvent en consommer sans en avoir conscience. Quant au traitement, il s’adresse aux symptômes.

Quelle est cette nouvelle drogue de synthèse, puissante, qui a fait son apparition à La Réunion et qui est à l’origine d’un climat d’inquiétude chez nos voisins ? Plus précisément auprès des autorités sanitaires et, sans aucun doute, de ceux impliqués dans la lutte et la prévention des addictions aux drogues. Depuis fin juin dernier, ce sont 13 cas d’intoxication à cette substance qui ont été recensés chez des adultes âgés de 21 à 46 ans. Trois personnes sont décédées chez elles et six ont été hospitalisées en réanimation.

À ce jour, cette substance qui aurait provoqué des séquelles graves et mortels pour trois personnes n’a pas encore été identifiée. Mais depuis que l’alerte a été donnée sur ses ravages, il est dit qu’elle serait « 500 fois plus puissante de l’héroïne. » Ce qui laisse comprendre que ses effets immédiats entraînent la mort. Des prélèvements à des fins d’analyse toxicologiques ont été envoyés en France afin d’identifier la substance concernée. Les résultats selon les médias réunionnais ne sont pas encore disponibles.

« Les regards vers Maurice »

À l’heure des infos, Outre-mer La 1re (France Télévisions) dans son compte-rendu sur l’arrivée de cette drogue mortelle dans l’île voisine a évoqué la provenance de la substance. « Les regards se tournent vers les pays de la zone, Maurice et les Seychelles, où ce genre de drogue circulent depuis des mois », avançait le journaliste. Mais à ce jour, ce constat d’Outre-mer La 1re est une hypothèse. Il est impossible d’affirmer avec certitude que cette drogue est présente sur le territoire. « Si c’était le cas, il y aurait déjà eu des morts et des hospitalisations comme à La Réunion », note Danny Phillipe, spécialiste de la prévention de l’ONG DRIP.

Pour sa part, Sewraz Corceal, coordinateur au National Drug Secretariat, explique « qu’aucune donnée concrète n’a été recueillie certifiant la présence de cette drogue à Maurice. Mais nous avons des appréhensions. Nous savons que malgré toutes les mesures répressives, les drogues peuvent entrer à Maurice. » Si cette drogue ne fait pas encore partie de la longue liste de substance synthétique en circulation à Maurice, la probabilité qu’elle débarque dans le pays dans quelque temps subsiste. Le trafic de drogue entre les deux îles ne date pas d’hier.

« Ses lèvres
étaient bleues »

Cependant, s’agissant de la cocaïne rose contrairement à La Réunion, sa consommation n’a pas été signalée à Maurice. « Attention ! prévient Danny Philippe, nous n’en savons rien ! » Par contre, ce que l’on sait, c’est que les saisies récurrentes et en quantité conséquente de cocaïne indiquent que le marché des drogues dures à Maurice est grand.

Une chose est certaine : la drogue de synthèse mortelle en question ne s’agit pas de la cocaïne rose, laquelle est composée de trois substances. « Tussibi » ou « tussi », voire « party mix », ce sont les noms donnés à la cocaïne rose, mais peu importe le terme utilisé, ce produit s’avère trompeur. En effet, cette substance ne contient ni cocaïne ni 2C-B, une autre substance à partir de laquelle elle tire son nom. La cocaïne rose, à la mode en Colombie et fabriquée dans des appartements de Medellin, a fini par gagner d’autres villes du monde, et récemment La Réunion. Elle contient principalement de la kétamine, un anesthésique utilisé sur des animaux !

Nicolas Thévenet, le directeur adjoint de la veille et de la sécurité sanitaire au sein de l’Agence régionale de santé, qui s’exprimait dans les médias réunionnais à propos de cette drogue mortelle, a fait la déclaration suivante : « Des analyses de biologie sont en cours et elles sont très difficiles à mener, car on ne peut pas détecter des substances au sein des prélèvements des patients. » Cependant, l’ensemble des symptômes rapportés correspondent à des substances d’opiacés de synthèse. Et comme cette « nouvelle drogue » chimique semble très « concentrée », ses effets sont immédiats.

D’ailleurs, la proche d’une victime décédée a confié que celle-ci serait morte peu de temps après avoir récupéré “quelque chose” avec quelqu’un devant chez elle. « Il a eu juste le temps de rentrer chez lui », dit-elle. La victime, qui se serait sentie mal, s’est assise. Selon cette proche, à l’arrivée du SAMU l’homme était déjà décédé. Ses lèvres étaient bleues. Il était glacé… Le SAMU a essayé de le réanimer. Mais c’était trop tard », a confié cette dernière. Comme la victime se serait fait voler sa carte bancaire et qu’elle n’aurait pas d’historique en toxicomanie, aux dires de son entourage, celui-ci soupçonne un « geste malveillant » à son encontre.

Vigilance

Plusieurs personnes autorisées, en alertant sur la dangerosité de cette drogue, ont demandé au public consommateur de tabac d’être vigilant. En effet, comme on ne peut encore le reconnaître, ce produit peut être présenté sous la forme la plus banale. Nicolas Thévenet l’a, à quelques reprises, rappelé : « L’ARS est confronté à l’arrivée d’une substance qui n’est pas complètement identifiée. » Ces produits peuvent être fumés, vaporisés, injectés, ingérés, inhalés, sniffés… parfois même à l’insu du consommateur. Toutefois, il y a très peu d’informations sur la forme de consommation, même si sur l’ensemble des 13 cas, certains ont fumé, vaporisé et ingéré la substance. En revanche, pour ce qui est des symptômes ressentis, certaines personnes expliquent qu’elles ont été intoxiquées peu après les premières bouffées de tabac.

D’autres personnes ont été sujettes à une asphyxie brutale, car ces substances chimiques agissent sur le système respiratoire. De son côté, le Dr David Mété, chef du service d’addictologie du CHU Félix Guyon et président de la fédération régionale d’addictologie de La Réunion, précise que les troubles de la conscience et respiratoires entraînent une perte de connaissance. Les pupilles du sujet se contractent même dans l’obscurité. N’ayant pas encore livré sa composition, il n’y a aucun protocole précis en termes de traitement médical. La prise en charge en cas d’overdose doit être immédiate et les symptômes sont traités.

Suivant le décès des trois Réunionnais, dont deux d’entre eux retrouvés sans vie à leur domicile respectif, le même soir à Saint-André, une enquête a été ouverte par le parquet de Saint-Denis afin de déterminer les causes de la mort. « Des investigations sont en cours suite aux soupçons évoqués par les spécialistes de santé », rapporte la presse réunionnaise.

Fentanyl ?

Il est dit que la drogue non identifiée à La Réunion s’apparenterait au fentanyl. Celui-ci est un opioïde tout aussi puissant que la morphine, la codéine, l’oxycodone et la méthadone. Il est largement utilisé comme analgésique pour traiter la douleur chronique sévère. Comparé à la plupart des autres opioïdes, le fentanyl se distingue par sa puissance exceptionnelle, étant jusqu’à 100 fois plus fort que la morphine, d’où le rapprochement avec la drogue de synthèse qui sévit dans l’île soeur.

Par conséquent, l’utilisation du fentanyl en dehors d’une supervision médicale est extrêmement dangereuse. Même de petites quantités peuvent entraîner une surdose potentiellement mortelle. Le fentanyl est souvent disponible sous forme de poudre ou de comprimés, et parfois il est mélangé à d’autres substances telles que l’héroïne ou la cocaïne. Le problème majeur avec cette variante de fentanyl réside dans le fait qu’il est fréquemment commercialisé en tant qu’une autre substance, ce qui amène les individus à le consommer par ingestion, inhalation ou injection, sans avoir conscience de sa présence.

De nombreux cas de surdoses ont été enregistrés parce que les personnes ignoraient que ce qu’elles prenaient contenait du fentanyl. Considéré comme le traitement le plus efficace contre les effets du fentanyl, le naloxone agit comme antidote. Il est utilisé pour traiter les overdoses aux opioïdes, y compris l’héroïne, et pour inverser rapidement leurs effets potentiellement mortels sur le système respiratoire.

Ressources humaines : La préoccupation des acteurs clés de la prévention

L’Atelier consultatif national sur la consommation de drogues s’est tenu de lundi à mercredi dernier au Caudan Arts Center. Ce forum a rassemblé divers acteurs engagés dans la prévention de l’utilisation de drogues, allant des organisations non-gouvernementales aux représentants du secteur public. Sewraz Corceal, du National Drug Secretariat, explique que cet exercice interactif a permis, entre autres, à chaque participant d’exposer les principaux problèmes rencontrés dans le cadre de leurs actions, et ce, à différents niveaux.

« Que ce soit les ONG ou dans des unités du ministère de la Santé, à l’exemple de la Harm Reduction Unit, nous sommes confrontés au manque de ressources humaines qualifiées que nous devons pallier. Des ONG ont d’une part des difficultés à retenir et renouveler leur personnel, lequel n’y reste pas longtemps pour des raisons liées au salaire. Et d’autre part, compte parmi leur personnel des membres compétents qui ont de l’expérience, mais qui ne sont pas qualifiés », explique Sewraz Corceal.

Ce dialogue, dit-il encore, était nécessaire pour renforcer les faiblesses identifiées, faire des propositions pour régler les problèmes qui font obstacle au travail de prévention sur le terrain et s’écouter. Une des solutions au problème de financement est de revoir le montant des fonds en provenance de la National Social Inclusion Foundation. Celle-ci, présente à l’atelier, a reçu le message des participants. Par ailleurs, en vue de l’évaluation de la National Drug Control Master Plan 2019-2023, le recrutement de consultants, experts auprès des Nations Unies, est en cours.

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