OCÉAN INDIEN – REALPOLITIK – Chagos : la GB tente un quitte ou double en défiant l’ONU

  • La Note verbale de Londres en date du 9 coïncide avec le coup d’envoi des auditions de la Special Chamber d’ITLOS à Hambourg sur la délimitation des frontières maritimes au nord de l’archipel
  • Cette démarche diplomatique des Anglais anticipe une éventuelle offensive de Maurice réclamant l’expulsion de la Grande-Bretagne de l’Indian Ocean Tuna Commission

Londres persiste et signe sur le dossier des Chagos en remettant en cause de manière formelle la résolution 75/295 adoptée à une écrasante majorité par l’assemblée générale des Nations unies le 22 mai de l’année dernière. Cette fois-ci, la Grande-Bretagne a transmis au secrétariat des Nations unies une Note verbale en date du 9 octobre pour contester formellement la réclamation de Maurice au sujet de la délimitation des frontières maritimes de l’archipel des Chagos sous la 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea. De l’avis des observateurs politiques et diplomatiques aguerris, cette position des Britanniques ne comporte rien de nouveau d’autant plus que le Premier ministre britannique, Boris Johnson, n’a nullement hésité de se soustraire aux engagements pris avec l’Union européenne pour conclure le Brexit, soit le divorce de Londres et de Bruxelles.
Dans cette « Note verbale 195/20 logged with the UN Treaty Section on 09 October 2020 » et rendue publique hier, à New York, Londres rejette la demande de Maurice pour une extension de la frontière maritime au sud de l’archipel des Chagos. Londres déclare que « the United Kingdom’s position in respect to our continued sovereignty over BIOT is set out in more detail in the United Kingdom’s submission to the report of the Secretary-General (A/74/834) dated 18 May 2020 » et ajoute que « The United Kingdom therefore continues to extend the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea to BIOT and apply its provisions » (voir texte complet de la Note verbale plus loin).

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Cependant, ce qui intrigue davantage la partie mauricienne dans la démarche diplomatique de la Grande-Bretagne demeure le Timing de la transmission et publication de cette Note verbale. Cette affaire de réclamation d’extension du territoire maritime de Maurice sous les Droits de la Convention de la Mer remonte au début de cette année, avec même une audition des deux parties par des instances compétentes des Nations unies se déroulant en août dernier. « C’est une tentative de remuer la boue de la part des Anglais alors que les États membres de l’ONU se sont déjà prononcés contre la Grande-Bretagne pour son occupation illégale d’une partie du territoire de Maurice et ont soumis Londres à une injonction pour évacuer l’archipel en vue de compléter le processus de décolonisation », fait-on comprendre dans les milieux bien informés à l’hôtel du gouvernement.
Cette étape intervient presque à la veille des auditions de la Special Chamber de l’International Tribunal on the Law of the Sea (ITLOS) à Hambourg au sujet du litige entre Maurice et l’archipel des Maldives quant à la « delimitation of the maritime boundary between Mauritius and Maldives in the Indian Ocean ». Cette Special Chamber, sous la présidence de l’ITLOS, a été constituée après une série de discussions à haut niveau entre Maurice et les Maldives en vue de résoudre de manière « amicale et de bon voisinage » ce litige de territoire maritime dans le sillage de l’Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice du 25 février 2019 et de la résolution 73/295 du 22 mai de l’année dernière.
Le premier round des auditions de cette Special Chamber devra consigner les arguments des Maldives concernant ce litige à partir de cet après-midi à Hambourg. Puis, jeudi, ce sera au tour de Maurice de faire entendre ses réclamations pour une extension des frontières maritimes au nord des Chagos. La Special Chamber prévoit également des séances supplémentaires le samedi 17 et le lundi 19 pour un second round d’argumentation si le besoin se fait sentir. D’ailleurs, une séance du Tribunal s’est tenue hier au cours de laquelle les juges ad hoc choisis, soit Nicolaas Schrijver (Pays-Bas) comme juge ad hoc pour Maurice alors que l’archipel des Maldives a porté son choix sur Bernard H. Oxman (États-Unis d’Amérique).

Difficile d’avancer à ce stade si la dernière Note verbale de Londres sera en mesure d’influer sur les délibérations du jour à Hambourg, qui plus est vu que l’archipel des Maldives a été un des rares États membres des Nations unies à voter avec la Grande-Bretagne contre l’adoption de la résolution sur les Chagos pilotée par le Sénégal le 22 mai 2019.

Cette dernière tentative diplomatique des Anglais renferme un autre objectif, à savoir contrarier le plan échafaudé par Maurice pour obtenir l’expulsion de la Grande-Bretagne de l’Indian Ocean Tuna Commission lors de la prochaine réunion plénière prévue vers la fin de cette année. À l’hôtel du gouvernement, l’on souligne qu’une décision en faveur de Maurice devant cette instance régionale devra constituer une « première étape décisive dans la mise à exécution des dispositions de l’Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice et de la Résolution 73/295 ».

Jusqu’ici, à chaque fois que Maurice a remis en question la présence de la Grande-Bretagne en tant que « Coastal State » au sein de l’Indian Ocean Tuna Commission, Londres a pu s’en sortir avec des astuces diplomatiques alors que le gouvernement mauricien met au point en collaboration avec le Chagos Legal Panel une stratégie décisive pour le prochain sommet se déroulant virtuellement en raison de la COVID-19.
Affaire à suivre…


La Note verbale de Londres
du 9 octobre à l’ONU

« The Permanent Mission of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland to the United Nations presents its compliments to the Secretary-General of the United Nations and has the honour to refer to a Note verbale from the Permanent Mission of the Republic of Mauritius to the United Nations to the Secretary-General dated 9 January 2020 (Nº 03/20 (NY/UN/395), contained in a Communication by the Secretary-General on 31 January 2020. This concerns the United Kingdom’s extension of the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea to the British Indian Ocean Territory (BIOT).
« The United Kingdom rejects the claims contained in the Note verbale of the Permanent Mission of the Republic of Mauritius. The United Kingdom has no doubt about its sovereignty over the territory of BIOT, which has been under continuous British sovereignty since 1814. Mauritius has never held sovereignty over the islands that now form BIOT and the United Kingdom does not recognise its claim.
« The United Kingdom’s position in respect to our continued sovereignty over BIOT is set out in more detail in the United Kingdom’s submission to the report of the Secretary-General (A/74/834) dated 18 May 2020.
« The United Kingdom therefore continues to extend the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea to BIOT and apply its provisions.
« The United Kingdom kindly requests that the present objection to the Note-Verbale be duly recorded, circulated and published, including in any relevant publication issued by the United Nations.
« The Permanent Mission of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland to the United Nations avails itself of this opportunity to renew to the Secretary-General of the United Nations the assurances of its highest consideration. »

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