Patrimoine historique et culturel : les cicatrices des inondations au Musée de Port-Louis et au Jardin de la Compagnie

Après Belal, le pays a été secoué dimanche dernier par d’autres inondations. Dans la capitale, la culture en a aussi pris un sacré coup, avec son musée sous eaux, et qui ne reflète plus cette aura. L’âme de Port-Louis s’est éteinte. Tout n’est actuellement qu’amas de boue, que les pelleteuses tentent en vain d’avaler. Sept pieds d’eau dans l’enceinte et le bâtiment du musée auront causé d’importants dégâts… et emporté les artefacts du musée.

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Pour tout Mauricien, surtout les Port-Louisiens, c’est un sentiment de fierté d’arpenter ces ruelles de la capitale et de s’imprégner de son histoire. L’attrait pour la culture que représente ce lieu contraste avec ces salles figées dans le temps. Le Musée de Port-Louis représente une expérience particulière. Jadis, visiter le musée était une aventure. Certes, cette notion de préservation du patrimoine était quelque peu Farfetched, l’idée étant juste de laisser vagabonder son imagination et de découvrir, les yeux presque rieurs, cette faune et cette flore. Et ce mythique dodo.

Ainsi, quel est notre étonnement, passant après les inondations de dimanche, de découvrir un lieu insalubre. Les dalles semblaient vouloir crier leur douleur sous ces amas de boues dégoulinants. De la boue qui formait, par endroits, de la pâte molle, alors que dans d’autres endroits, elle avait séché, laissant sur son passage des entailles comme des marques de chaussures qui auraient voulu garder en mémoire ce moment désolant. À côté du Musée de Port-Louis se trouve le Prime Minister’s Office. Entre voisins, il semblerait que l’on ne fasse pas état de sa misère et de sa détresse.

Aujourd’hui, la voie piétonnière menant au Jardin de la Compagnie et au musée s’est transformée en un bassin d’eau boueuse. Qu’il est loin ce temps où le Jardin de la Compagnie avait ce résonnement musical avec des concerts, des rassemblements politiques… Le Jardin avait aussi cette particularité de pouvoir accueillir sous ses banians centenaires un visiteur ayant envie de se poser. Et ces grands bustes importants de ces grands hommes qui ont façonné Port-Louis comme un écho au temps qui passe.

« On a frôlé la catastrophe »

Dans ce carré, difficile de rater le Musée de Port-Louis avec, pour autre grand voisin, un Jardin de la Compagnie affichant une mine défraîchie. Certes, de la boue a été retirée, « lavée », mais avec de la saleté toujours incrustée. Ce musée recèle surtout un véritable trésor historique, soit des artefacts divers reflétant l’histoire, dont la construction remonte de 1880 à 1884. Ce bâtiment classé comme site du patrimoine national renferme des spécimens uniques de notre faune et de notre flore, ainsi que d’îlots environnants.
Une petite porte d’entrée, qui sert d’ouverture au gardien, a été prise d’assaut par les inondations de dimanche. Ce lieu, raconte un témoin, a connu des secousses. Le niveau d’eau, avec le nouvel épisode de pluies torrentielles de dimanche, est monté jusqu’à sept pieds. Le vigile a dû marcher à tâtons pour rejoindre les escaliers du musée, évitant de justesse d’être emporté par les flots.

Certains ont encore en mémoire ces voitures flottantes dans le tourbillonnement de Belal. Les dégâts des inondations de dimanche ont été moindres, selon les dires d’un passant, car c’était un dimanche. Sans quoi les dégâts auraient été davantage considérables. Un frisson parcourt l’échine, et une dame âgée de dire, sur un ton peiné : « Depuis longtemps cette affaire de drains bouchés est devenue un problème. Avec les inondations, bientôt ce passage ne sera plus possible. »

En cette fin de semaine, des femmes s’affairent à déblayer les débris de boue et de branchages. Le spectacle du Musée de Port-Louis est désolant. La porte qui servait d’enclos a été comme arrachée sous le poids de l’eau. « Réchauffement climatique, tout le pays est concerné. Get Dubaï, Lasinn. Depi Covid, tou pei gagn mem problem, aster inondasion », se désole un homme pressant le pas.

Le Chairman du Mauritius Museum, Somduth Dulthumun, fait un constat des dégâts au musée, qu’il qualifie de considérables. Il explique que le passage du cyclone Belal avait également occasionné une montée d’eau de sept pieds dans la cour du musée et aux alentours du bâtiment. Mais ce dimanche, avec les inondations, la force de l’eau a été plus brutale, arrachant l’enclos qui donne sur la voie piétonnière.
L’eau s’est engloutie dans le musée, emportant sur son passage tous les artefacts importants… « Nous avons frôlé la catastrophe. Les torrents ont emporté les tables où se trouvaient les expositions. Encore un peu et nous aurions même perdu les squelettes des dodos. En moins de trois mois, nous avons subi une deuxième inondation de trop pour le musée », lâche le Chairman du Mauritius Museum. Les fondations du bâtiment sont de cinq pieds et, dimanche, l’eau a atteint 7,5 pieds, dit-il. Ce qui explique que l’intérieur et l’extérieur du musée aient été submergés par l’eau boueuse.

À la question de savoir s’il n’est pas temps de relocaliser le musée, Somduth Dulthumun répond par la négative : « C’est un bâtiment historique, un monument listé. Nous n’envisageons pas de le fermer. Il faut juste revoir la structure, dont les plaques posées sous le pont, et les pylônes qui se trouvent près du bâtiment de KFC, et qui empêchent l’évacuation des eaux. »

En tout, il estime les dégâts à Rs 1 milliard. « Il ne faut pas oublier que la première fois, avec Belal, plus d’une centaine de voitures avaient été emportées par les eaux, ce qui constituait un Total Loss. Il faut absolument dégager l’eau sous ses deux ponts, autrement, aux prochaines inondations, si cela se passe en jour de semaine, cela pourrait faire des morts. Et ce n’est pas ce que nous souhaitons. »

Dans le même ordre d’idées, il ajoute que toutes les dépenses encourues pour dégager les détritus amassés par les inondations de dimanche sont au frais du musée. Ainsi, si d’ici la fin de l’année le financement nécessaire n’est pas perçu, une autre solution devra être envisagée…

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