PATRIMOINE MONDIAL—PRÉSERVATION DE LA CULTURE LOCALE: Abaim et les enfants du Morne sortent « Made in O Morn »

À l’occasion du 180e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, commémorée le 1er février, des enfants du Morne encadrés, entre autres, par le groupe Abaim, ont présenté une première production musicale/documentaire sur des chansons d’enfance et des jeux d’antan dans cette région du pays. Cette double production CD/DVD, à double vocation pédagogique et divertissante, est une incursion dans un univers qui a presque disparu avec le temps qui passe.
Le CD compte six titres : « Une petite collection de jeux-chansons d’antan sortant de l’enfance ». Le DVD quant à lui explique le projet, de sa genèse jusqu’à sa réalisation avec des images du village, dont la montagne du Morne, des témoignages d’enfants, de mamans et d’habitants de l’endroit sur ces chansons et ces jeux, des démonstrations des jeux, le tout rythmé par une douce mélodie et quelques extraits des clips.
Ce projet, une initiative du Morne Heritage Trust Fund (MHTF) qui gère le site du patrimoine mondial de l’UNESCO, a démarré en 2012, indique son ex-directrice, Colette Lechartier, qui intervient dans le documentaire. Elle explique que d’une part, le Trust Fund a pour responsabilité d’oeuvrer à la promotion sociale des habitants du Morne et que d’autre part, puisqu’il y a un manque d’infrastructures de loisirs adéquates pour les enfants et les jeunes de la localité, le MHTF a voulu monter un projet qui vise à développer leur intellect et leur potentiel. « Un projet qui mettrait en valeur les enfants », précise-t-elle. C’est ainsi que le Trust Fund a sélectionné le groupe Abaim qui a une longue expérience concernant le travail avec les enfants et le collectage et la dissémination du patrimoine culturel immatériel.
Intervenant dans le documentaire, Alain Muneean, du groupe Abaim, observe d’emblée que les enfants font face à un manque d’espace pour s’exprimer, que ce soit en termes de paroles, d’art ou de musique. Serenza Seinde, une des enfants qui participent au projet, indique qu’au début, ils se réunissaient au Morne les samedis pour jouer. « Chacun était appelé à proposer un jeu. On jouait ensemble et on en a fait des chansons », raconte-t-elle. Alain Muneean ajoute que les enfants ont eux-mêmes participé au collectage auprès des aînés de la localité. Des chansons qui sont peu ou pas connues ailleurs dans le pays, comme « O Lasikande ». Quelques paroles entonnées par la doyenne du Morne, Elizabeth Louise, leur confèrent toute leur authenticité. Dans le documentaire, elle se souvient du temps où les enfants se regroupaient pour inventer jeux et chansons car ils n’étaient pas autorisés à rester auprès des adultes. Paroles confirmées par Yolande Labeauté, mère de famille, d’une autre génération, qui vit au Morne. Elle reprend « O Lasikande », preuve de la transmission de cette culture orale dans la région.
Alain Muneean affirme qu’il y a un certain nombre de jeux et de chansons qu’il a découvert au Morne et qui n’existe peut-être pas ailleurs dans le pays. « On pense qu’il y a des choses spécifiques au village du Morne sur lesquelles nous avons pu mettre le doigt », dit-il. Pour lui, ce qui importe dans ce genre de travail, c’est le plaisir de voir la dimension fédératrice de ces chansons et de ces jeux plus que d’avoir une explication rationnelle de leurs origines, car souvent, il n’y en a pas. Il insiste toutefois que la parole est importante parce que rythmique. « Cela donne la cadence ».
Dans le processus de collectage, affirme-t-il, il découvre l’existence de tout un monde d’enfance avec son jargon spécifique. « Ils nous déversent une floraison de mots qu’ils semblent être les seuls à comprendre (…) Comme un professeur d’université qui fait un cours. Cela nous confirme à quel point les enfants sont de grands intellectuels ».
La ravanne garde une place centrale dans cette production. Selon Elizabeth Louise, « les jeunes de l’époque n’avaient pas de radio. Ils n’avaient que le séga tambour. Nou danse sante ». Alain Muneean observe que les enfants du Morne ont une fibre particulière pour cet instrument. « La manyer ki zot resevwar ritm ravann li pa kouma ce ki nou ena ayer ». Pour lui, le défi était de restituer cette expression de manière fidèle. L’ingénieur de son du projet, Philippe de Magnée, affirme que puisqu’il est difficile d’enregistrer la voix de 35 enfants en studio et que la ravanne n’a pas non plus une belle sonorité lorsqu’enregistrée à l’intérieur, puisque c’est un instrument qui se joue « dan lakour ou bor lamer », bref en plein air, il a monté une chorale d’enfants et a produit un enregistrement live.
Les CD/DVD proposés dans une belle pochette accompagnée d’un résumé du projet et des paroles des chansons sont disponibles au bureau du Morne Heritage Trust Fund, au Morne. Téléphone : 4515759.

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