Pénurie de légumes à Maurice : Rodrigues mobilise ses planteurs pour les cuisines mauriciennes

  • Une cargaison attendue le 2 mars
  • L’île envisage de produire 1 000 tonnes d’oignons pour le marché mauricien

Rodrigues est la parfaite réserve alimentaire de Maurice. C’est un fait ignoré. Port-Louis se rend davantage compte de l’aide que peut apporter les agriculteurs rodriguais en ces jours de pénurie de légumes. Mais Rodrigues ne veut pas être qu’une roue de secours et envoyer que quelques tonnes de giraumon, lalos, bringelles… pour dépanner les cuisines mauriciennes. L’île est disposée à devenir un véritable partenaire de l’Agricultural Marketing Board et exploiter les 2 500 hectares de terre agricole dont elle dispose pour fournir les marchés en produits frais, de qualité et sans organismes génétiquement modifiés et d’apport chimiques à l’excès. D’ailleurs, la cargaison de légumes qui sera acheminée à Maurice le 2 mars, assure le commissaire à l’Agriculture, Louis-Ange Perrine, sera issue d’une récolte où du fertilisant bio a été utilisé.

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On attendait une cargaison de giraumon, lalos, melons d’eau… de Rodrigues cette semaine, mais au final, ce sont 7 000 citrons (limons) qui sont arrivés à Maurice. Malheureusement, ces agrumes, certes très prisés, n’atténueront pas la pénurie de légumes à laquelle fait face Maurice depuis un certain temps. Mais selon Benny Ramcharan, assistant-directeur général de l’Agricultural Marketing Board (AMB), les consommateurs mauriciens pourront bientôt acheter d’autres fruits et légumes, y compris des aubergines, en provenance de Port-Mathurin, durant la première semaine de mars.

À Rodrigues, plus précisément du côté de la commission de l’Agriculture, le commissaire Louis-Ange Perrine explique « que le bateau qui avait quitté Rodrigues mardi dernier aurait pu avoir transporté davantage de citrons, voire 100 000 unités. » Toutefois, selon le commissaire à l’Agriculture, la distribution d’une importante quantité d’agrumes poserait problème à l’AMB, dans la pratique. Au prochain départ de Port-Maturin, le 5 mars, le bateau transportera des milliers de citrons vers Maurice. Si tout se passe bien, le bateau accostera à Maurice le 7 mars, date à laquelle le commissaire de l’Agriculture est aussi attendu au pays. Il y viendra en mission.

Si Rodrigues a l’habitude d’exporter ses produits agricoles à Maurice, l’exportation de mars sera quelque peu différente des précédentes. Louis-Ange Perrine explique : « Nous ne souhaitons pas exporter des légumes excédentaires sans faire une sélection au préalable. Tous les légumes qui seront envoyés à Maurice en mars seront des produits frais de qualité que nous sélectionnerons et qui sont de surcroît issus d’une agriculture qui prône l’utilisation de fertilisant naturel. Nous ne considérons pas Maurice comme une occasion pour faire du dumping, nous débarrasser des légumes invendus. C’est pour cette raison que nous publions un communiqué pour demander aux planteurs qui voudraient exporter leurs légumes vers Maurice de s’enregistrer auprès de la commission. Nous pensons qu’une cinquantaine de planteurs se manifesteront. »

Par ailleurs, un représentant de l’Agicultural Marketing Board se rendra à Rodrigues au début de mars pour participer à la sélection des légumes et ouvrir, voire renforcer la collaboration entre le board et la commission de l’Agriculture. Le commissaire assure que « l’exportation des légumes rodriguais ne va pas pénaliser les étals du grand marché de Port-Mathurin et les consommateurs locaux. » De son côté, Benny Ramcharan ajoute que le volume des légumes attendus déterminera le prix des produits maraîchers similaires. « Si nous recevons une quantité conséquente, il est évident qu’il y aura une baisse de prix des légumes. »
Entre-temps, à Rodrigues, le prix des légumes a aussi pris de l’ascenseur. « Actuellement une laitue se vend à Rs 60. La betterave à Rs 125 la livre. La pomme d’amour à Rs 180 la livre. C’est cher ! » constate Michaël Jolicoeur, 38 ans, lui-même planteur. Ce dernier, qui cultive le concombre, des cacahuètes, entre autres, à grande échelle, espère pouvoir faire partie des cultivateurs qui exporteront leurs récoltes à Maurice. Pour le commissaire à l’Agriculture, l’intervention des intermédiaires a influencé le prix des légumes au marché. « Les intermédiaires récupèrent les légumes auprès des planteurs pour les écouler à leur tour aux vendeurs du marché », indique Louis-Ange Perrine.

Pour contourner la problématique des intermédiaires et donner l’occasion aux Rodriguais de s’acheter des légumes à un prix abordable, la commission tient un Sunday Market à Terre Rouge. Ce marché dominical permet aux agriculteurs de proposer les légumes excédentaires au public. Ce concept sera étendu à deux autres villages de l’île.

Louis-Ange Perrine se dit satisfait de constater que les 2 500 hectares de terres agricoles à Rodrigues ont trouvé de l’intérêt auprès des agriculteurs de l’île. « Nous avons donné des incentives aux planteurs et changé leur vision de l’agriculture. Aujourd’hui, ils ont compris que l’agriculture ne se limite pas à la culture vivrière. Mais qu’on parle en termes d’agribusiness. Et ce retour vers la terre est quelque chose qui nous rend fiers », déclare le commissaire Perrine. Cependant, à Rodrigues, l’agriculture est un secteur qui n’implique pas uniquement des professionnels. Ce qui n’est pas pour déplaire la commission puisque les métiers de la terre vont aussi aider à court-circuiter le chômage. Avec le marché mauricien qui est appelé à s’ouvrir davantage aux producteurs rodriguais, ces derniers, affirme Louis-Ange Perrine, vont être encouragés à s’investir dans leurs activités. Et en prévision de la (re) conquête du marché mauricien, Rodrigues envisage de produire 1 000 tonnes d’oignons à destination de Port-Louis.

Si les averses qui ont affecté les cultures n’ont pas joué en faveur des agriculteurs et consommateurs mauriciens, en revanche, la pluie a été bénéfique pour les planteurs rodriguais. Depuis quelque temps, l’île a bénéficié d’un climat favorable à l’agriculture. De plus, les retenues collinaires dans les vallées ont fait leurs preuves. Les agriculteurs ont été encouragés à participer à la construction de ces systèmes de stockage d’eau. Et grâce à une pluviométrie qui a été particulièrement appréciée dans l’île, la retenue collinaire de 6000 m3 de Port Sud-Est est actuellement remplie à 100%.

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