PORTAIT : Tuvarika Gunesh, jeune parlementaire

Avez-vous déjà entendu parler du PFJ, le Parlement Francophone des Jeunes ? C’est une émanation de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie qui fonctionne depuis plus de quarante ans. Le PFJ existe depuis une dizaine d’années et a pour objectif «de réaliser une simulation parlementaire des plus réalistes pour illustrer, avec les nouvelles générations, le modèle de la démocratie parlementaire, et former ainsi de véritables citoyens responsables au sein de l’espace francophone.» La sixième réunion du PFJ a eu lieu au début de juillet en Côte d’Ivoire. Maurice y était représentée par Tuvarika Gunesh, dont voici le portrait.
Tuvarika est l’aînée d’une famille de trois enfants dont la mère est Senior Court Officer et le père sergent, à la prison de Beau-Bassin. Au départ, Tuvarika rêvait d’aller faire ses études secondaires au Lycée Labourdonnais où étudient ses cousins, mais son rêve ne se réalisa pas. Elle fit ses études primaires à l’école de Mare d’Albert et secondaires, d’abord au collège France Boyer de la Giroday puis, pour le HSC, au collège Maurice Curé. Enfant, Tuvarika veut devenir avocate sans doute inspirée par deux de ses tantes qui sont avocate et magistrate. C’est donc sans surprise qu’après ses études primaires elle s’inscrit au cours de droit à temps partiel à l’université de Maurice. Pourquoi Maurice et pas une université étrangère comme le font de nombreux jeunes Mauriciens ? «C’est d’abord une question de moyens financiers et c’est ensuite un choix logique. Dans la mesure où je compte exercer à Maurice plus tard, je pense qu’il vaut mieux étudier ici.» Et pourquoi des études à temps partiel ? «C’est aussi une question de choix et le suivi de conseils qui m’ont été donnés. Dans la mesure où le marché du travail mauricien est très difficile en ce qui concerne les professions légales, je préfère apprendre une autre matière pour ne pas avoir de mauvaises surprises plus tard. C’est pourquoi j’ai aussi commencé des études de comptabilité menant à l’obtention d’un ACCA. De toutes les manières, il est toujours bon d’avoir plusieurs cordes à son arc, non ?» Est-ce que les cours sont difficiles ? «Pour la comptabilité, c’est étalé sur un semestre, ça va. Pour le droit, c’est un peu plus compliqué. Ce n’est pas dur, mais ce n’est pas facile non plus. Il faut apprendre, lire les textes, les jugements, les précédents, les appels. Et puis les examens sont réputés difficiles et les échecs fréquents.» Que pense l’étudiante en droit de l’affaire du «football betting» qui a éclaboussé le judiciaire ? «Tout cela est navrant et va faire diminuer la confiance que le public a dans la justice. Déjà que les Mauriciens ont tendance à penser que les affaires en cours prennent trop de temps.» Et que pense-t-elle de la polémique provoquée par la déclaration du juge Balancy sur le dernier texte de loi concernant le droit d’appel du DPP voté par le Parlement ? «J’ai lu que le juge a expliqué qu’il s’était exprimé en tant que citoyen et non en tant que juge. Cela me semble correct.» Comment est-ce que l’étudiante en droit – et en comptabilité – est devenue un des participants à la sixième session du Parlement Francophone des Jeunes ? «Par hasard. Un dimanche au mois de juin, j’ai lu une annonce dans le journal qui faisait un appel à la candidature pour participer au PFJ, avec un délai d’une semaine seulement. Je ne savais pas ce qu’était le PFJ, mais j’ai remplis les conditions pour y participer. Je suis membre d’une ONG universitaire, l’AIESEC ; j’étudie le droit ; j’ai entre 18 et 23 ans et je parle assez bien le français. En plus de ça, j’avais déjà bossé avec l’AIESEC sur un des thèmes de rédaction proposés. J’ai décidé de tenter ma chance et j’ai entamé les démarches requises, incluant la rédaction d’un texte sur l’un des thèmes proposés. Ma candidature en main, je me suis donc rendue à l’Assemblée nationale pour la déposer, tout en me disant que j’ai peu de chances d’être sélectionnée. Une semaine plus tard, j’ai reçu un appel du secrétariat du Parlement m’annonçant que j’avais été sélectionnée et devais passer un entretien. A partir de là, tout s’est passé très vite. L’entretien s’est bien déroulé, avec des questions sur la culture générale et sur la francophonie. Puis, j’ai eu l’occasion de me familiariser avec les rouages du Parlement, j’ai assisté à une session parlementaire afin de comprendre comment se passe la présentation et le vote d’un texte de loi et j’ai eu droit à une formation rapide sur ce qu’on attendait des participants au PFJ.» Combien de candidats au programme? «Je ne l’ai jamais su mais on m’a dit qu’il y en avait pas mal et qu’il avait fallu faire une sélection. Le jour de l’entretien, j’ai rencontré une candidate qui venait de Rodrigues qui avait été retenue, comme moi. Mais, par la suite, j’ai appris que sa candidature a été refusée. On a fait ressortir le fait que Maurice pouvait envoyer un représentant garçon et une représentante fille, pas deux filles.» Mais aucun étudiant en droit mauricien n’a répondu à la demande de candidature pour l’PFJ, ils ne lisent pas les journaux ? «Ils lisent les journaux puisque dans les cours nous discutons souvent des questions puisées de l’actualité évoquée par la presse. Mais c’était la première fois que Maurice participait à cette activité et peut-être qu’on n’a pas assez communiqué sur ce sujet.» En tout cas, le dimanche 7 juillet, la représentante de notre pays au PFJ quitte Maurice pour la Côte d’Ivoire. En passant par Dubai et Accra, elle fera dix-huit heures de vol avant d’arriver à sa destination : Abidjan. «Dès mon arrivée, j’ai été tout de suite mise dans le bain. Nous étions soixante participants, venant de trente pays déjà répartis dans une des quatre commissions. : politique, affaires parlementaires, santé et développement et éducation et culture. Nous avons eu droit à un accueil chaleureux avant la rencontre avec les autres participants d’origines diverses, l’échange culturel, l’introduction des commissions, les travaux de commission. Etant affectée à la Commission des Affaires Parlementaires, j’ai pu participer aux débats en ce qui concerne le rôle du Parlement de nos jours et j’ai eu également l’occasion de me faire entendre et de valoriser mes idées. Travailler en équipe demandait quelque peu d’efforts parce qu’on devait être à l’écoute des autres et considérer les propositions de tout un chacun avant de conclure quoi que ce soit. Après de longues heures de travail assidu, nous sommes tombés d’accord sur un texte de loi, rédigé de façon à respecter les critères d’un Parlement et en évitant tout avis divergeant. J’ai été élue, avec un autre membre de ma commission, pour aller présenter notre texte de loi dans l’Assemblée nationale de la Côte D’Ivoire, devant les membres de la Commission des Affaires Parlementaires de l’APF. Et cela, je dois dire, a été une expérience inoubliable. Prendre la parole dans une Assemblée internationale pour représenter sa commission était vraiment exceptionnel.» La semaine passée en Côte d’Ivoire aura été une semaine de travail avec, à la fin, une petite demi-journée consacrée au tourisme. «Je ne sais pas si les parlementaires en mission travaillent autant, mais je peux vous dire que nous les jeunes on n’a pas arrêté pendant une semaine.»
Tuvarika Gunesh ramène de sa semaine à jouer aux parlementaires beaucoup de souvenirs et une proposition qui a été déjà soumise au Speaker de l’Assemblée nationale. «Sans aucun doute, je sors épanouie et enrichie de cette expérience. J’ai appris beaucoup de choses mais j’ai aussi tissé des liens d’amitié à vie avec les autres participants. Le PFJ a été une source d’inspiration. Ce serait, pour Maurice, quelque chose de révolutionnaire d’avoir un Parlement qui réunit les jeunes Mauriciens de 18 à 23 ans qui ont un intérêt dans les divers sujets qui les touchent comme la politique, le développement, la santé et l’environnement, la technologie et l’égalité des genres, que ce soit entre hommes et femmes ou l’homosexualité. Cela permettrait un échange d’idées et un échange intellectuel. Ce serait aussi créer un cadre approprié pour encourager les jeunes à s’intéresser et à participer à la politique. Ce serait une plate-forme pour les jeunes de faire leurs propositions et en débattre.» Du Parlement des Jeunes Francophones au Parlement mauricien il peut n’y avoir qu’un pas. Est-ce que Tuvarika pense déjà au moyen d’entrer eu Parlement en faisant de la politique ? «Cela m’intéresse, mais il n’en est pas question avant la fin de mes études. Je souhaite moins entrer dans un parti politique que dans un mouvement de jeunes pas affilié à un parti ou une tendance politique. Mais un nouveau mouvement au sein duquel les jeunes pourraient se retrouver. Il faut mettre du sang neuf dans la politique mauricienne, il faut préparer les jeunes parce que l’avenir, c’est eux : il faut qu’ils se préparent à prendre la relève, même si les aînés n’aiment pas trop céder la place en politique comme dans les autres secteurs de la vie.» Et en dehors de l’APJ, de l’AIESEC et des cours que fait Tuvarika Gunesh dans la vie ? «Les mêmes choses que les jeunes de mon âge, bien qu’il ne me reste pas beaucoup de temps entre mes cours et mes activités. J’écoute de la musique, je lis, je sors avec mes amies et je regarde des films d’horreur : j’adore ça !» Il n’y a pas de petit ami dans cette liste d’activités ? «Parce que je n’en ai pas. Je n’ai pas le temps entre mes cours et mes activités sociales et mon engagement dans une ONG. Ma priorité, c’est faire le maximum pour avoir un bon diplôme pour pouvoir décrocher un bon travail. Pour l’amour, on verra après.»

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