Post-confinement : Le Sud perd le Nord et peine à se relever

Kumar Rujnah (marchand d’ananas) : « Nou pe viv kouma zwazo… Travay lizour pou manze aswar »

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Plages fermées : nouveau coup dur pour les plaisanciers

Les activités ont repris presque normalement dans le Sud depuis le week-end dernier, avec la phase 2 du déconfinement. Toutefois, pour les petits commerçants et les Self-Employed, la situation demeure très difficile. Déjà très affecté par la première vague et la marée noire du MV Wakashio, l’année dernière, le Sud peine à se relever. De plus, les pluies torrentielles de ces dernières semaines sont venues compliquer davantage la situation. Avec les plages qui restent fermées, les plaisanciers et skippers sont à nouveau au chômage forcé.

Au marché de Mahébourg, les étals sont peu garnis et il n’y a pas foule. D’ailleurs, l’accès y est contrôlé : prise de température et désinfection des mains à l’entrée, et sortie par la porte latérale. Les prix des légumes font tiquer la clientèle. Le giraumon se vend à Rs 25 la livre, quelques brindilles de cotomili à Rs 20, une botte de brèdes tom pouce, avec deux tiges, à Rs 25…

Une maraîchère confie toute sa peine, devant les quelques légumes installés devant elle. « La situation est très très difficile. On n’arrive même pas à dormir la nuit. Cela fait deux mois qu’on n’a pas travaillé et, juste à la reprise, il y a eu ces pluies. Il n’y a même pas de légumes. Les prix ont augmenté, les gens n’achètent pas », ajoute-t-elle.

Toute la détresse se lit sur le visage de cette mère de famille. Sa grande préoccupation : « Mon fils a pris un Loan pour lancer un petit business dans le tourisme et, depuis un an, il ne travaille plus. Tous les jours il me dit : “maman, comment on va faire, comment on va payer le prêt ?” Il ne dort plus. Cela me fait de la peine de le voir dans cet état, mais je ne peux rien faire pour l’aider. Mon travail ne marche pas non plus. Si on savait qu’on allait se retrouver dans cette situation, on n’aurait pas pris cet emprunt. »

Un peu plus loin, à New-Grove, on croise Kumar Rujnah qui vend des ananas dans sa camionnette. Il fait comprendre que, d’habitude, il a un emplacement, où il vend ses fruits. Mais depuis le confinement, il est contraint de faire le déplacement dans différentes régions pour pouvoir joindre les deux bouts. « Avec la situation actuelle, je ne peux attendre que les clients viennent vers moi. Depuis le confinement, on n’arrive pas à travailler. Qu’il y ait beau temps ou mauvais temps, on est obligé de sortir pour gagner son pain. La vie est devenue très dure. Rien n’est plus comme avant. »

Baisser les prix

Lorsqu’il sort le matin, Kumar Rujnah n’est jamais sûr si sa vente lui permettra même de couvrir les frais du carburant dépensé. De plus, il a un employé et il faut également assurer son salaire. « Nou inn vinn koumadir zwazo… Travay gramatin pou manz tanto », dit-il. Habitant de Mahébourg, il dit devoir circuler dans plusieurs régions pour espérer trouver quelques clients. « Aujourd’hui, on peut être à Curepipe, demain à Rose-Belle… Il faut aller un peu partout. »

Les ananas de différentes tailles sont disposés dans le caisson. Le prix varie entre Rs 10 et Rs 25, soit 4 pour Rs 100. « Généralement, quand les hôtels sont ouverts, un ananas comme cela se vend à Rs 75. Aujourd’hui, on est obligé de le vendre à Rs 25. D’un côté, c’est bon pour la clientèle, car c’est accessible, mais pour nous, la situation est difficile. » De plus, avec la pluie, il faut faire vite, car l’ananas est un fruit qui se gâte rapidement.
Les ananas viennent de Camp-de-Masque-Pavé, région réputée pour la culture de ce fruit. « La situation est très difficile pour les planteurs également. Ils ont attendu 12 mois pour la récolte et voilà qu’on s’est retrouvé en confinement. Ils sont contraints de vendre à petit prix. De même pour nous. Parfois, on rentre à la maison sans avoir pu couvrir ses frais. Parfois, je m’arrête à un endroit et je peux attendre pendant une heure sans avoir fait une seule vente.

C’est pour cela que je dois rouler pour chercher les clients. »Quant à savoir s’il n’est pas risqué pour lui de venir jusqu’à New-Grove, avec les récents cas de la COVID-19 enregistrés dans ce village, Kumar Rujnah répond : « Vous savez, je pense à ma cuisine avant tout. J’ai une famille à nourrir et je dois travailler. Je prends mes précautions au mieux, avec le masque, les gants et le “sanitizer” aussi. » Et d’ajouter quand même : « Nou pran lerisk pou al gayn nou bouse manze. Bizin fer lakwizinn roule… Kan ariv lafin dimwa, ena det pou peye agos adrwat… Ou pena swa. »

À New-Grove toujours, le gérant de Ton Rose Snack est assis sous la varangue de son commerce, alors que les grosses averses annoncées commencent à s’abattre sur le village. « Travay inn byen tonbe », concède-t-il. Après le confinement, l’année dernière, dit-il, la situation était déjà très difficile. « Elle l’est deux fois plus après le deuxième confinement. Même si on a enlevé le Lockdown, on ne voit pas les clients. Il n’y a même pas de gens dans la rue. Mercredi, après l’annonce des trois cas recensés à New-Grove, il n’y avait presque personne dans la rue. Je crois que les gens avaient peur. »
Depuis, dit-il, la situation a quelque peu évolué. « Il y a beaucoup de Fake News qui sèment la panique parfois. Heureusement qu’on est venu faire les tests PCR dans la localité également. Depuis, on n’a pas entendu de nouveaux cas. Peut-être que cela a servi à rassurer les gens. » De toute façon, dit-il, il faudra apprendre à vivre avec le virus et prendre ses précautions. Après 40 ans à tenir ce petit commerce dans le village, « c’est la première fois que je traverse une période aussi difficile », confie-t-il.

 

 

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