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SCANDALE DES TERRES | Documents troublants – La paroisse de Saint-Julien dépossédée de 25 arpents de terres achetés en 1814

Ce terrain avait été acheté par les fidèles de la région en vue de l’agrandissement de l’église paroissiale

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Un « Excision Plan » réalisé par Gexim en 2005 confirme que lesdites terres sont passées sous le contrôle d’Alteo Milling Ltd

C’est un énorme dossier qui vient s’ajouter à la longue liste de scandales des terres. Des documents disponibles aux Archives nationales confirment que  des terres agricoles d’une superficie de 25 arpents, se trouvant autour de l’église et du cimetière de Saint-Julien, dans le district de Flacq, ont changé de propriétaires. Un rapport d’arpentage de la région, rédigé par l’arpenteur juré Camal Boodoo en 1947, stipule que les terres en question appartiennent à la Fabrique de Saint-Julien. Or, en 2005, la compagnie Gexim a réalisé un Excision Plan pour la distraction du terrain, comprenant l’église, l’école et le cimetière, des terres d’Alteo Milling Ltd. De plus, en 2018, le curé de la paroisse, a été amené à signer un contrat de métayage, où il est le preneur, avec la compagnie…

Tout est parti d’une banale discussion lors d’un dîner. Les paroissiens de Saint-Julien apprennent ainsi que leur curé voulait construire une maison de retraite, mais que la propriété sucrière Alteo Milling Ltd lui a fait savoir qu’il n’y avait pas de terres disponibles. Le prêtre de nationalité étrangère n’a aucune connaissance des terres qui appartenaient à la Fabrique de Saint Julien et qui étaient pendant tout ce temps sous culture de cannes.

Mais pas les paroissiens ! Parmi eux, Didier Kisnorbo, dont le père était cadre chez FUEL (aujourd’hui Alteo) et qui s’était occupé de la coupe de cannes sur ces terres, étant donné qu’il était aussi membre de la Fabrique de Saint-Julien. « Quand j’ai entendu cela, je suis tout de suite parti chercher dans les documents que mon père, décédé en 2007, avait gardés. Et il y avait effectivement un plan des terres de la Fabrique dans ses affaires », dit-il.

Le curé de Saint-Julien est tout de suite alerté et l’évêché prend également connaissance du dossier. Pendant deux mois, Didier Kisnorbo, habitué aux recherches pour retracer des documents liés aux terres, fouille dans les Archives nationales pour retrouver toutes les preuves concernant ce terrain de la Fabrique de Saint Julien. C’est ainsi qu’il découvre qu’en 1814, des catholiques de cette région, appelée à l’époque Quartier-de-Flacq, avaient cotisé pour acheter un terrain de 25 arpents dans le but de construire une plus grande église, entre autres. Pour cela, ils avaient organisé une souscription.

Le Registre des actes judiciaires du Quartier-de-Flacq indique que le 31 janvier 1814, les paroissiens avaient organisé une assemblée après la messe pour entériner cette décision. Le document des Archives indique ainsi : « En l’église paroissiale du Quartier de Flacq, après le service divin, se sont assemblés légalement les habitants de cette paroisse, ayant obtenu l’agrément de son Excellence, le Gouverneur Farquhar, à l’effet de délibérer sur les moyens les plus prompts et les moins dispendieux de donner un logement convenable à leur cure et d’avoir en même temps à cœur de restaurer et d’agrandir l’édifice servant aujourd’hui d’église, beaucoup trop petite pour contenir les paroissiens… » (SIC).

Un service à l’Église

Les 25 arpents de terres en question ont été achetés d’une dame Naulot qui, elle-même, les avait héritées de son oncle, Joseph Jacquin. S’ajoute à cela un terrain d’environ 17 arpents, qui comprenait déjà l’ancienne église et la cure. La totalité des terrains appartenant à la Fabrique de Saint-Julien, selon les documents des Archives, s’élève donc à 42 arpents. Pendant de nombreuses années, 25 arpents qui se trouvent autour de l’église, de l’école et du cimetière de Saint-Julien, étaient sous culture de cannes. « Ce que je sais, d’après ce que mon père disait, c’est que l’ancien administrateur de FUEL, sir Emile Seriès, avait pris l’engagement de s’occuper des terres. C’est un service qu’il rendait à l’église », ajoute-t-il.

Mais au fil des années, avec les changements opérés tant au niveau de FUEL qu’au niveau de la paroisse de Saint-Julien, les choses sont passées sous silence. L’actuel curé de la paroisse n’avait même pas connaissance que la Fabrique possédait des terres. C’est ainsi qu’en 2018, il a été amené à signer un contrat de métayage avec la compagnie Alteo Ltd, où il est le « preneur » pour l’utilisation des terres, alors que selon les documents des Archives, il en est le propriétaire.

Pire : en 2005, la compagnie Gexim, sous la signature de Ricardo Ramiah, a réalisé un Excision Plan de deux portions de terrain des terres d’Alteo. Selon le plan disponible aux Archives, les deux portions de terrain en question comprennent le cimetière et l’actuelle église, ainsi que l’école primaire.

Le rapport de Ricardo Ramiah – celui-là même que le ministère des Terres avait recruté pour travailler à la LRMU, et qui a dû démissionner par la suite – note que ces deux portions de terrains ont été « excised from the surplus of Domaine Union Regnard ». Il s’agit de l’ancien nom de FUEL/Alteo. Sur ce plan, toutes les terres autour de l’église et du cimetière sont marquées « Flacq United Estates Limited/Domaine Union Regnard ».

Or, si l’on compare le plan du même site, réalisé par M. Camal Boodhoo en 1947, puis par M. Chowrimoothoo et M. Murthoo en 1989 et 1993 respectivement, les terres autour de l’église et du cimetière sont marquées Fabrique de Saint Julien. À quel moment ces terres ont-elles changé de propriétaire ? C’est la grande question que se posent les paroissiens de Saint-Julien, qui ne veulent nullement laisser tomber l’affaire.

Ils rappellent que ce sont des paroissiens eux-mêmes qui, en 1814, avaient cotisé pour acheter ces terres. Parmi eux se trouvait un certain Jean-Louis Grosset, qui s’avère être l’ancêtre direct de Didier Kisnorbo. Ce qui, selon lui, donne toute la légitimité à son combat.

Averti de cette situation, le curé de Saint Julien a, à son tour, alerté l’Evêché. À ce niveau on laisse entendre que des pourparlers ont déjà démarré entre la Fabrique de Saint-Julien et la direction d’Alteo à ce sujet. « Pour l’heure, le dialogue est privilégié », fait savoir l’Evêché au Mauricien.

Du côté d’Alteo, un porte-parole indique aussi qu’il y a eu une discussion récente avec le curé de la paroisse de Saint-Julien, en vue d’éclaircir la situation.

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