SECOND TOUR DES MUNICIPALES EN FRANCE: Le Franco-Mauricien Naden Vythelingum élu conseiller municipal à Armentières

La commune française Armentières, ville située à 15 kilomètres de Lille dans le Nord-Pas-de-Calais, a un conseiller municipal pas comme les autres. Et il s’agit là d’une première dans l’histoire politique de cette collectivité territoriale : Seeneevassen (Naden) Vythelingum, candidat franco-mauricien du Parti socialiste, a été élu au deuxième tour des élections municipales en France. Il sera appelé, en tant que tout nouveau conseiller, à siéger au sein d’au moins deux commissions du Conseil municipal d’Armentières, dont la première assemblée est prévue pour le dimanche 6 avril.
Ce professeur de maths-sciences, qui a enseigné à l’Institut St-Louis-IFA durant 23 ans, savoure sa belle victoire au dernier scrutin municipal tout en invoquant le « sentiment de mission et de travail » qui l’habite. Naden Vythelingum nous a affirmé lors d’un entretien hier soir via Skype que « le vivre-ensemble » constitue la priorité de son mandat de six ans. D’où l’intérêt qu’il porte au sens même de la culture en milieu urbain et à l’éducation, ferment de toute cohésion sociale.
Néanmoins, la voie d’action royale qu’emprunte ce nouvel élu municipal de la République française a pour dénomination l’accueil des enfants en situation de handicap dans les milieux scolaires ordinaires : un engagement fondamental de sa vocation politique qui l’a amené à se professionnaliser davantage grâce à l’obtention d’un Certificat complémentaire pour l’adaptation scolaire des élèves en situation de handicap – qu’il a obtenu en janvier dernier après trois ans d’études assidues à Paris.
Ce “laissez-passer” politique en vue d’une action en profondeur, il le doit à cet électorat d’Armentières, qui comprend des dizaines de familles d’origine mauricienne, lesquelles lui ont assuré « un soutien sans réserve » au deuxième tour des élections municipales. Cela ne relève certainement pas du hasard, vu que le nouvel élu a été président-fondateur, de 1992 à 2012, de l’Association des Mauriciens du Nord ; il en est d’ailleurs membre du Conseil d’administration.
Quelle lecture suggère-t-il des résultats du Parti socialiste – déjà jugés « décevants et déprimants » par nombre d’observateurs politiques – à l’issue des dernières élections municipales dans plusieurs villes françaises ? Quelle interprétation donner à cette véritable percée de l’UMP et à la confirmation même de la montée en puissance du Front national sur la scène politique française ? Le conseiller franco-mauricien d’Armentières les attribue dans une large mesure à la conjoncture économique difficile au plan national. « A chaque crise économique, on constate la recrudescence des idées de l’extrême droite. Par ailleurs, certaines personnes se découragent de la politique en général. Frustrées, elles se rabattent, donc sur le FN. Les couches populaires ont, c’est là une évidence, été attirées vers ce parti d’extrême droite », confie-t-il.
Alors que la presse française dans son ensemble évoque la « déroute du Parti socialiste » au 2e tour des municipales, Naden Vythelingum, lui, se réjouit du fait que sa petite ville d’Armentières est demeurée un bastion du PS, et ce, pendant plus d’un demi-siècle… Bernard Haesebroeck, l’actuel maire d’Armentières, tête de liste PS-EELV-PCF, est l’héritier d’une longue assise socialiste, son père ayant occupé le fauteuil de maire dans cette ville durant 40 ans ! Au dernier scrutin municipal – comme pour ne pas se départir d’une logique implacable – la gauche a recueilli 26 des 35 sièges à pourvoir à Armentières, l’UMP sept et le Front national deux sièges. Ce qui contraste nettement avec bien des résultats dans d’autres villes françaises aux dernières municipales.
Le parcours d’exception en France de Naden Vythelingum puise sa sève et son inspiration dans l’engagement social, domaine d’action vers lequel il s’est senti attiré très tôt, à Maurice même déjà. Né en 1960 après le dévastateur passage du cyclone Carol, il a fréquenté l’école Notre-Dame-des-Victoires à Rose-Hill et a su conserver la saveur de la subtile éducation qu’il y a reçue. Ce politique de 54 ans se remémore « le charisme des religieuses et des prêtres », évoquant par là même une « main de fer dans un gant de velours » et ce caractère « indélébile » de leur enseignement au cycle primaire.
Tout en continuant ses études, au niveau secondaire, au New Eton College, il approfondira ses rapports au monde grâce à l’ouverture d’esprit que préconisait, et préconise toujours, le Tiruvalluvar Circle, en mettant l’accent sur le débat d’idées. Ce père de trois enfants nous fait également le récit de son passage au Castors Club, où la dextérité était le maître-mot, et celui de son adhésion au Club Alcatraz, qui lui a ouvert sur les êtres et les choses des perspectives intellectuelles dont il ne soupçonnait même l’existence. Il mettra, ses études secondaires terminées, le cap sur l’île de la Réunion, à la découverte de l’univers enchanteur des mathématiques et se rendra par la suite en France, à Lille, pour affiner ses connaissances en physique.
Quel regard porte-t-il aujourd’hui sur Maurice après tant d’années d’exil volontaire ? Naden Vythelingum estime que l’amour du prochain était, il y a de cela plusieurs décennies, bien plus palpable en notre île. Compte tenu de l’enrichissement matériel de certains Mauriciens, il dit noter un certain repli sur soi qui est comme aux antipodes du vivre-ensemble local dans sa plénitude d’antan. « Bon nombre de Mauriciens ont mis en veilleuse leur sens traditionnel de solidarité », lâche-t-il. Cependant, notre interlocuteur ne se complaît pas dans la critique facile : « Les Mauriciens ont encore un grand devoir d’exemple pour le monde, s’agissant de la notion de l’acceptation des uns et des autres et du vivre-ensemble. »
L’accomplissement de ce devoir-là ne passe-t-il pas par un engagement politique sincère et désintéressé pour le bien commun ? « J’encourage tous les jeunes Mauriciens à s’intéresser à la vie publique et à faire de leur mieux pour déterminer ce qu’ils peuvent apporter au pays. » Pour le nouveau conseiller d’Armentières, la posture d’un politique consiste à « rester simple et être au service de la population sans distinction aucune. Il importe aussi de respecter la parole donnée ».
De sages propos qu’il ne faudrait surtout pas prendre à la légère… par les temps qui courent.

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