SÉCURITÉ ALIMENTAIRE : Initiative citoyenne, Parlement Populaire, « Maurice est au bord d’une crise alimentaire ! »

Le Parlement Populaire (PP) a remis un document des plus alarmants au gouvernement concernant la sécurité alimentaire à Maurice. Cette instance de débats citoyens déplore, entre autres, les 75% d’importation de notre alimentation, les 33% d’exportation de notre production agricole et l’absence d’une stratégie nationale en matière de sécurité alimentaire et d’occupation des sols. Le PP propose la création d’un High Powered Committee sur la question, ainsi que des mesures d’encouragement à la production, à l’information et à l’éducation agricole.
« La situation en matière de sécurité alimentaire est suffisamment critique pour que les participants au PP aient souhaité tirer la sonnette d’alarme pour alerter le gouvernement et la population mauricienne dans son ensemble. Maurice est au bord d’une crise alimentaire ! » a déclaré la principale animatrice du PP, Catherine Boudet, lors d’une rencontre avec la presse hier au centre Social Marie Reine de la Paix, à Port-Louis. Elle était entourée de certains de ceux ayant participé aux débats sur la sécurité alimentaire à Maurice. « Le problème de notre insécurité alimentaire ne fait certes pas la Une des journaux, mais le PP estime que le sujet est si alarmant qu’il nous fallait la considérer en priorité », a-t-elle ajouté. Le PP, qui se réunit habituellement à la Sal Travayer, au siège de la CTSP, à Rose-Hill, a consacré quatre séances de trois heures à la question de l’insécurité alimentaire entre les 9 et 30 mai derniers.
« Le problème de l’insécurité alimentaire est une véritable épée de Damoclès suspendue sur nos têtes et sur celles des futures générations », a renchéri un autre participant aux débats, Faizal Jeeroburkhan. Selon le document circulé, la situation est loin de l’autosuffisance alimentaire avec 75% d’importation, et alors même que le pays n’est pas autosuffisant, 33% de la production agricole mauricienne est consacrée à l’exportation. Le document rappelle que la sécurité alimentaire existe, selon le comité de la sécurité alimentaire mondiale de la FAO, dès lors que tous les humains d’un pays ont à tout moment la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. « L’insécurité alimentaire, c’est donc au contraire le risque pour la population de ne plus pouvoir accéder à une nourriture saine, en quantité suffisante et à un prix accessible », ajoute Catherine Boudet.
Plan stratégique
Selon le document, notre dépendance « alarmante » aux denrées alimentaires importées est le premier facteur de notre vulnérabilité alimentaire. « Avec l’augmentation du prix des denrées alimentaires au niveau mondial dans le sillage de la crise de 2008, les consommateurs mauriciens sont lourdement pénalisés, surtout les plus pauvres. Cette crise a entraîné une hausse des prix de 50 à 200% selon les produits », y précise-t-on. Le PP déplore par ailleurs que malgré l’existence d’un Food Security Strategic Plan 2013-2015, il n’existe, à l’heure actuelle, aucune politique publique visant à assurer la sécurité alimentaire des Mauriciens. « Ce document ne contient aucune stratégie affichée pour atteindre l’objectif recherché d’autosuffisance alimentaire. Il se contente de déclarations d’intentions et de propositions sommaires, de nature “cosmétique “: accès à la terre, recherche et développement, mécanisation. »
Le document regrette d’autre part que le plan stratégique 2013-15 passe sous silence le fait qu’au niveau de l’accès à la nourriture la population locale se trouve en compétition avec la population touristique. « Avec plus d’un million de touristes par an, et en prenant en considération que les meilleurs produits vont aux touristes, on reste en réalité dans une logique “export-oriented” en matière de production alimentaire. » Le PP doute, en outre, que la population mauricienne ait été placée au coeur des priorités de ce plan stratégique. « Alors que l’autosuffisance est recherchée – mais bien loin d’être atteinte –, le rapport propose en même temps d’encourager l’exportation des produits agricoles. Ce qui laisse à penser que non seulement la population mauricienne n’est pas placée au coeur des priorités, mais que c’est encore et toujours une approche économico-financière qui est privilégiée. »
Le PP estime également que ce plan stratégique 2013-15 aborde le problème de manque de terres « à l’envers » pour expliquer notre insuffisance alimentaire. « Le rapport aborde le problème des terres à l’envers, en se contentant d’établir des objectifs théoriques sans se préoccuper de l’évolution des sols, au lieu de commencer par prendre en compte l’espace disponible en fonction d’un plan d’occupation des sols, qui prévoirait les espaces à réserver à l’habitat, à l’agriculture, aux infrastructures, aux réserves naturelles, pour ensuite fixer des objectifs de production en fonction de cet espace existant », peut-on y lire.
High Powered Committee
Après cette analyse circonstanciée de notre situation alimentaire, le PP, en présentant ses recommandations, précise que notre objectif devrait être concret et simple : « produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons ». Dans cette perspective, le PP préconise la création d’un High Powered Committee avec, entre autres objectifs, de définir une politique agricole nationale et la mise en place d’un plan d’occupation des sols. « Présidé par le ministre de l’Agro-industrie, son rôle sera de coordonner les actions liées à la lutte contre l’insécurité alimentaire afin d’élaborer une véritable politique intégrée allant vers la sécurité alimentaire et idéalement l’autosuffisance alimentaire », précise-t-on.
Des mesures d’encouragement à l’autosuffisance des citoyens (au moins en légumes), des mesures d’encouragement à la production locale – accompagné d’un plan d’occupation des sols –, la démocratisation de l’accès à l’information, la formation et l’éducation agricole ainsi que la promotion de l’agriculture biologique, sont quelques-unes des propositions du PP pour assurer une meilleure sécurité alimentaire. « Le PP n’est pas un Parlement parallèle, mais une instance de délibérations démocratiques qui envoie à nos décideurs politiques les points de vue de la société civile sur un sujet donné », a précisé Catherine Boudet.

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