SEPT-CASCADES: Double Noyade, Le lieutenant Sookur accusé d’homicide

Un peu plus de 96 heures après la double noyade de Sept-Cascades ayant coûté la vie aux Privates Louis Sylvestre Nanon (22 ans) et Nitish Kumar Binda (23 ans), le Central CID a fait voler en éclats la tentative de cover up élaborée par la Special Mobile Force (SMF). Après une première séance d’interrogatoire des cinq autres aspirants membres du Groupement d’Intervention de la Police Mauricienne (GIPM) en simultané mais dans des locaux séparés du QG du Central CID, les hommes de l’assistant commissaire de police (ACP) Pregassen Vuddamalay ont pris la décision dans la soirée d’hier d’inculper provisoirement le lieutenant Atmanand Sookur de la SMF d’homicide involontaire. Pendant plus de trois heures à partir de 6 h 30 ce matin, le suspect, qui a retenu les services de Me Sanjeev Teeluckdharry, a été mis en présence des preuves accablantes démantelant la version officielle d’accident impliquant principalement le constable Nanon montée de toutes pièces et véhiculée officiellement par la SMF depuis samedi.
Le lieutenant Sookur, instructeur du groupe d’aspirants membres du GIPM, qui a passé une première nuit en cellule au Moka Detention Centre, a comparu à la mi-journée devant le tribunal de Curepipe pour le délit provisoire d’homicide involontaire. Lors de son interrogatoire, qui a été enregistré sur caméra dans les locaux de la Major Crime Investigation Team (MCIT), le prévenu a répondu à certaines questions des enquêteurs sous la double supervision des ACP Vuddamalay et Jangi ; il a préféré garder le silence face aux autres interrogations susceptibles de l’incriminer davantage.
Dès les premiers instants de ce drame, les explications officielles de la SMF, tentant d’accréditer la thèse de l’accident, en particulier la glissade imaginaire du Private Louis Sylvestre Nanon, qui avait soi-disant enlevé ses boggies suite à des problèmes à la cheville, ne tenaient pas la route. Mais les enquêteurs du Central CID, qui avaient pris le relais de leurs collègues de Vacoas dans cette enquête, avaient besoin de la collaboration d’au moins un des jeunes membres de la SMF présents sur les lieux du drame pour établir les faits.
Un premier élément intrigant, qui allait éveiller les soupçons des enquêteurs du Central CID, était le fait que les cinq membres de la SMF, collègues des deux victimes, avaient en leur possession des copies d’un document. Ce document relatait la séquence des événements sur l’accident de Sept-Cascades et correspondait à la version déjà communiquée à la CID de Vacoas, dirigée par le chef inspecteur Ramsay. Outre l’inspecteur Dawoodharry, porte-parole de la SMF, le Private 365 Jolicoeur, le Private 3501 Lalbeeharry, le Private 5718 Ramdony, le Private 3988 Quirin et le Private 383 Kureeman, avaient été convoqués par le Central CID hier après-midi.
Après les premières confrontations aux documents préparés, les aspirants membres du GIPM, faisant partie de l’escouade du lieutenant Sookur, devaient à tour de rôle passer aux aveux en modifiant complètement leurs dépositions sur le drame de samedi. D’abord, ils ont été unanimes à concéder qu’ils étaient en présence de ces photocopies depuis samedi. Ils affirment ne pas savoir d’où émanaient ces informations, mais que le document leur avait été remis par le lieutenant Sookur, leur instructeur.
Ces cinq membres de la SMF devaient consigner séparément des versions des faits concordantes et complètement différentes sur ce qui s’est produit depuis leur descente de l’autobus de la SMF, immatriculé 327 RM 07, à Sept-Cascades à 9 h 05 samedi dernier. D’abord, la marche en direction de la station hydroélectrique de Tamarind Falls d’une durée de 40 minutes.
Puis, ce fut la remontée à la quatrième cascade en passant par les première, deuxième et troisième. À chacun des paliers, les membres de l’escouade de la SMF ont été soumis à des exercices physiques éprouvants sous la férule du lieutenant Sookur. Ils affirment qu’en atteignant la quatrième cascade, à la hauteur du Bassin des 55 Mètres, ils ressentaient des efforts physiques consentis plus tôt au point d’être totalement épuisés.
Extrême fatigue
C’est à ce moment précis qu’ils allaient recevoir des instructions du chef du commando qu’ils devaient se préparer pour se jeter à l’eau en vue de nager d’un rivage du bassin à l’autre. Ils n’avaient eu d’autre choix que d’exécuter les ordres malgré leur état d’extrême fatigue en enlevant leurs Combat Shoes et casques de protection.
Jusqu’ici, la version officielle de la SMF était que le programme de formation de samedi dernier ne comprenait pas de séances de natation pour les membres de la SMF sous le commandement du lieutenant Sookur. Ce détail majeur confirmé par les cinq témoins indistinctement contredit carrément la thèse de la « glissade accidentelle dans l’eau du Private Nanon ».
Les indications sont qu’à un certain moment Louis Sylvestre Nanon s’est retrouvé en difficultés dans l’eau. Dans sa première version à la CID de Vacoas, le Private Quirin avait soutenu que « monn inn trouv Nanon so labous ouver ek li pa ti kapav kriye ». Nitish Kumar Binda devait tenter de lui porter secours avant d’être emporté sous l’eau. Le Mauricien n’a pu obtenir confirmation officielle du fait qu’au moins deux autres membres de la SMF du groupe auraient été sauvés in extremis vu leur état d’épuisement après les séances d’exercices physiques depuis le matin du drame.
Un autre élément majeur : dans un premier temps la séance d’entraînement de samedi dernier devait être consacrée à des exercices de Mountain Climbing au Corps-de-Garde mais des changements sont intervenus subséquemment. Dans les milieux autorisés de la SMF, l’on affirme que ce changement de programme est courant en tenant en ligne de compte le facteur temps, entre autres.
Ainsi, dès hier soir, une escouade du Central CID a procédé à la saisie d’une série de documents officiels à la SMF, dont des Diary Books, des Work Tickets et autres Routine Orders pour les séances de formation des aspirants membres du GIPM à des fins d’enquête.
Sur la base des examens des témoignages et des documents placés sous séquestre, le Central CID devait travailler jusqu’à environ 23 heures hier pour établir le schéma d’interrogatoire du lieutenant Sookur de ce matin. Après sa comparution en cour de Curepipe à la mi-journée, le suspect a été remis en liberté sous caution.
Les indications sont que le Central CID se prépare à effectuer une reconstitution des faits avec les témoins, membres de la SMF, et ensuite avec le lieutenant Sookur dans les Sept-Cascades demain, si le temps le permet.
En marge de ce volet de l’enquête, les limiers du Central CID ont envoyé les photocopies des documents saisies sur les cinq jeunes membres de la SMF à des fins d’analyse. Le premier objectif : déterminer l’auteur de cette opération de cover up et de perverting the course of justice. Des inculpations provisoires sont à prévoir à ce chapitre.
De son côté, l’inspecteur Dawoodharry, qui avait donné à la presse la version de « la glissade accidentelle » samedi a été longuement interrogé par le Central CID hier après-midi. Il a pris comme ligne de défense qu’il n’a fait que répéter ce qu’il a appris d’autres sources. Il n’est pas à écarter que le porte-parole de la SMF soit entendu de nouveau à une étape ultérieure de l’enquête en vue d’élucider les circonstances dans lesquelles a été ourdi ce complot pour couvrir les véritables circonstances du drame de Sept-Cascades.

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