Spectacle jeunesse : Daniella, petite ravannière en devenir

La ravanne de Daniella est désormais – en plus du livre pour jeunes lecteurs d’Amarnath Hosany – un spectacle particulièrement enjoué qui ravit le cœur des tout-petits, même si ces derniers ne captent pas forcément les détails de l’histoire racontée. Outre une interprétation convaincante, ce conte musical très dynamique égraine du début à la fin des musiques, chansons et rythmes qui happent littéralement l’attention de toute l’assistance, qui a repris les refrains et frappé dans les mains avec enthousiasme dimanche après-midi au Caudan Arts Centre.

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Au chapitre des spectacles vertueux, La ravanne de Daniella coche toutes les cases… Il nous parle de notre patrimoine musical le plus précieux, à savoir le sega, et de son instrument fétiche le plus spécifique. Il évoque un de ses gardiens les plus actifs de son vivant, à travers le personnage de Michel Legris, interprété cette fois par le musicien Kan Chan Kin, avec son chapeau légendaire et son surnom de « Capitaine ». Il adapte pour la scène un texte littéraire, qui a été écrit pour les jeunes lecteurs par Amarnath Hosany, et publié début 2019. Et enfin, il plaide la cause des petites filles qui ne veulent pas s’en tenir aveuglément au rôle qu’on leur assigne, et qui veulent jouer de la ravanne comme n’importe quel petit garçon.

Si les choses évoluent de nos jours dans le domaine musical, si de plus en plus de femmes jouent la ravanne sans que cela pose problème, le fait est que les musiciens de séga sont encore le plus souvent des hommes, particulièrement ceux qui tapent sur notre plus célèbre tambour, pendant que les femmes dansent ou chantent… La ravanne de Daniella et le rêve de sa petite héroïne restent tout à fait actuels.

Cette reprise qui accueille l’homme-orchestre Kan Chan Kin à la place de Norbert Planel, qui jouait à la première du mois de janvier, fait bien sûr la part belle au tambour mauricien, que l’on entend résonner de bout en bout du spectacle. Mais elle présente aussi certains des instruments que ce luthier “upcycler” très inventif confectionne avec des objets de récupération pour le moins inattendus : tuyaux en PVC, entonnoirs, boîtes à gâteaux, etc. Le musicien interprète aussi les différents personnages masculins de cette histoire : le père assez bourru de Daniella, le jeune musicien du Club des Ravanniers et le Capitaine, ou le célèbre et regretté Michel Legris.

La comédienne et auteure Mélanie Pérès incarne le rôle de Daniella avec une magnifique expressivité. Dès les premiers instants, elle amuse, intrigue et s’attache l’attention des spectateurs, qui vont découvrir son histoire. Elle émeut dans le registre de la petite fille esseulée, qui a perdu sa mère et vit avec un père particulièrement autoritaire, pour lequel elle s’acquitte de toutes les tâches ménagères de la maison, une fois qu’elle est rentrée de l’école. Très travailleuse, Daniella a aussi de grands rêves au fond du cœur…

Joyeux et contrasté !

La conteuse Daniella Bastien frappe de sa ravanne et tient le fil rouge du spectacle en jouant à la fois le rôle de la narratrice et celui de la petite voix intérieure du… personnage de Daniella, qui la pousse à écouter ses désirs profonds, à entendre son cœur et, même, à franchir les obstacles qui lui paraissent insurmontables, comme de se rendre en cachette au grand concert du club des ravanniers dans son village de Quartier-Militaire. La petite fille s’imaginait dès son annonce parmi le public de cette soirée, tandis que son père cuverait tranquillement le dîner qu’elle lui aura servi dans un profond sommeil. La comédienne tire aisément les rires de la salle, en imitant le père plongé dans un profond sommeil après son repas bien arrosé.

Mais le père a d’autres plans, car il a justement décidé de se rendre à ce même spectacle. C’est la catastrophe pour la fillette, car il ne veut l’emmener avec elle, sous prétexte que ce n’est pas pour les petites filles… Elle parviendra tout de même à y assister, poussée par… sa voix intérieure et n’y tenant plus. Elle ne sait pas encore que ces moments se révéleront décisifs dans sa vie puisqu’ils vont déclencher une passion sans borne pour le sega et à ravanne. Pour cela, elle devra apprendre à en jouer… Quand elle frappe à la porte du club des ravanniers à cette fin, on lui rit littéralement au nez : « La ravanne, c’est pas pour les filles ! »

La chanson Tifi déziem lo, que Daniella réinterprète dans un long sanglot, illustre bien le nœud de cette histoire, mais elle n’en fait pas une fatalité. Daniella n’est pas une Cendrillon et ce spectacle distille de la joie et de la bonne humeur à grandes brassées, grâce à la musique, grâce à son espièglerie enfantine, aux talents des artistes et à une direction d’acteurs qui sait jouer sur l’humour dans une mise en scène signée Ashish Beesoondial, qui cultive aussi une certaine veine poétique… Avez-vous déjà entendu le son légèrement nasillard d’un didgeridoo en PVC au clair d’une lune en peau de ravanne ?


Ateliers musicaux en perspective

Samedi, il y avait un “after” à La Ravanne de Daniella, qui a particulièrement enthousiasmé les plus jeunes des spectateurs. Les xylophones en carreaux de céramique, le tubular en tuyaux PVC, les banjos et autres guitares en boîtes à gâteaux : tout cela était exposé à la sortie de la salle de spectacle. Les jeunes spectateurs ont pu les manipuler, les toucher, et même apprendre à en tirer quelques sons élémentaires, aidés par leur créateur, le musicien et luthier “upcycler” Kan Chan Kin, et quelques amis musiciens qui étaient venus à la représentation.

Ces instruments faits de bric et de broc présentent en effet l’inestimable avantage d’être robustes, et donc de mettre en confiance celui qui les utilise. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ils permettent vraiment de faire de la musique. Aussi l’inventeur nous confie qu’il rêve de pouvoir à l’avenir les emmener dans des écoles pour y faire des démonstrations et des ateliers d’initiation à la musique pour les enfants. À bon entendeur !

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