Success story — Anil Digumber (chef cuisinier) : « C’est l’école de la vie qui m’a formé »

Parler d’Anil Digumber, c’est mettre en avant les qualités intrinsèques d’entrepreneur d’un homme de 53 ans qui a tout construit à partir de rien. D’apprenti cuisinier, il est devenu cuisinier attitré de trois de ses restaurants, Sirokan de La Gaulette, Le Coin Tropical de Chamarel et La Case 75. Aujourd’hui, il a décidé de se concentrer sur La Case 75. Anil Digumber, qui n’a jamais été sur les bancs d’une école hôtelière, se décrit comme un créateur de plats tout en insistant que c’est l’école de la vie qui l’a aidé à être un cuisinier entrepreneur prolifique. 

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Originaire de Palma, Anil Digumber parle de ses débuts modestes à l’âge de 13 ans comme aide-cuisinier dans les restaurants du Sea Breeze, La Bonne Marmite, Pearl Beach, l’Auberge de Rivière-Noire, Le Batelage, Le Domaine Anna. Évoquant sur son passage que la connaissance sur le terrain était une chose capitale pour grandir, mûrir et apporter sa contribution comme entrepreneur. Quand Anil évoque son parcours, il se souvient aussi de la chance d’avoir pu travailler avec des antiquaires et de connaître la valeur d’un meuble. « Pa ti pu kapav aste enn meb depri me mo finn familiariz mwa avek teknik vant alankan. C’est un milieu où seuls les initiés peuvent évoluer. Je remercie cette famille chinoise qui m’a appris les rudiments de ce métier et qui m’a permis de valoriser chaque objet. Je peux aujourd’hui, sans des études poussées, faire la différence entre une œuvre d’art de prix et même l’évaluer. »

Mais sa véritable passion, il la cernera dans la cuisine où il se décrit avant tout comme un créatif. Qu’il concocte un gratin de crabe, une langouste, du poisson, la technique de cuisson d’Anil est différente. L’homme aime principalement les mets à base de fruits de mer et de légumes qu’il en a fait sa signature en présentant un plat de légumes confits relevé par le sucre, le sel et les assaisonnements. Du cru, auquel il arrive à donner du goût. Sa véritable ascension, il la doit à un homme d’affaires de Saint-Félix et la découverte faite de ses plats par les invités de ce dernier au cours des banquets a vite consolidé ses talents de chef.

Au Sirokan de La Gaulette, il a le même effet sur ses clients et les étrangers qui le questionnent sans cesse sur son approche de cuisson. « J’ai beau leur dire que je suis un créatif, que je coupe ma viande d’une autre façon et que tout le talent que je mets en cuisine repose sur un concept simple, celui de valoriser les produits de notre terroir. Une autre de mes forces est de proposer du frais au client. » Anil attache une grande importance à sa clientèle tout en respectant leur commande, il lui arrive aussi de les surprendre. « Mo lafors, mo konn bann prodwi enn restoran bizin ena pu li dekole edan lakwizinn. Il faut avoir des idées et surtout il faut être rapide. Je peux tenir un crabe entre mes mains, le montrer vivant à mon client et dans une dizaine de minutes, lui servir son plat. »

L’équipe de Fulham et David Beckham sous le charme

Il raconte l’acquisition de son restaurant La Case 75, à l’entrée de College Lane Curepipe. Il s’agissait de la maison d’un médecin qu’il a restauré en restaurant avec cuisine centrale et bar à étage. Plus spacieux au rez-de-chaussée avec le tout sur une note de convivialité. Un espace qui convient aux entreprises, à la famille et à tous ceux qui veulent célébrer un événement précis. Cette maison appartenant à un médecin était à l’abandon, et Anil a eu l’idée de nommer son restaurant La Case 75. « La Case ti sonn pli familial. Et lors de mes recherches, j’ai noté que c’est en 1975 que l’ancien propriétaire avait fait l’acquisition de cette demeure », explique l’interlocuteur. Un espace qui convient aux entreprises, à la famille et à tous ceux qui veulent célébrer un événement précis. Anil Digumber mise beaucoup sur les plats de caractère relevé avec doigté et propose au final une gastronomie très recherché aussi bien par les Mauriciens que par les étrangers. Il se souvient encore de l’équipe de football de Fulham ayant goûté à sa cuisine de Sirokan de La Gaulette de même que David Beckham dont le nom et les commentaires figurent encore dans son livre d’Or.

Certes, le métier n’est pas facile, il a dû se heurter aux exigences des clients difficiles, et raconte une anecdote selon laquelle une dame a accepté de payer Rs 1 500 par tête à celui et celle qui acceptait de dévider les poubelles de la cuisine pour retrouver sa bague valant une fortune. La dame est repartie heureuse d’avoir retrouvé son précieux bijou et les employés heureux de se faire une petite manne à l’époque. « Mo ti ankor ala tet Sirokan, 1h du matin ankor pe fouy poubel. Enn lot proprieter ti pu an koler, me mwa se diferan », confie-t-elle.

Aller vers l’essentiel
Des anecdotes, il en a des tonnes et se souvient encore de ce groupe de chefs venus discuter affaires pour leur compte à son restaurant, qui a fini par se concentrer sur la qualité de ses plats proposés et qui a demandé ses recettes. Anil a même reçu les éloges d’un membre de l’équipe l’Étoile Michel venu manger incognito. « Je n’avais que 23 ans lorsqu’au cours d’un dîner à l’hôtel de Belle Mare, on m’a présenté comme le plus jeune chef de la brigade présente. Ce moment a été exceptionnel. J’étais entouré de 600 personnes et avoir un tel mérite m’a encouragé à ne jamais baisser les bras », relate Anil Digumber, fier de son parcours mais tout en restant un homme humble. Marmiton, cuisinier, homme d’affaires, Anil ne compte plus les étapes de métier de sa vie, lui préfère se concentrer sur l’essentiel. Sa générosité de cuisinier couplé à son flair de businessman lui procure une paix d’esprit. « Je privilégie avant tout la sincérité et l’honnêteté d’un travail bien fait. Avec la COVID-19, cinq personnes peuvent bien manger pour Rs 500 par tête. » Il insiste que l’école de la vie qui comprend le travail sur le terrain lui a enseigné le dur labeur mais lui a également apporté la joie d’être autonome dans ses prises d’action. « Un jeune ne pourra pas cuisiner pour 3 000 pèlerins. Moi, j’ai tout fait from scratch to nothing. Je me suis servi de mon esprit créatif, de mes mains pour façonner et j’ai mis mon cœur dans ma cuisine que j’offre aujourd’hui en partage à mes clients. »

Se réinventer, c’est ce que fait Anil Digumber à chaque occasion. Il n’a jamais été à court d’idées en 38 ans de carrière tout en martelant qu’il n’a jamais été sur les bancs d’une école hôtelière. Quand on lui demande de citer un de ses plats signatures, Anil Digumber dit que son riz parfumé, son poulet Shanghai, bœuf au poivre vert, crabe à l’étouffée ou son gratin fruits de mer, tous ont un caractère propre à eux. « Le secret est dans le goût et ma réussite réside dans la préparation de chacun de mes plats. » Un de ses questionnements est qu’aujourd’hui, les cuisiniers veulent prendre du galon sans faire la part belle à leur créativité. « Pour perdurer dans le milieu de la restauration, il faut savoir capter l’essence des produits et les restituer sur la table en étant rapide, en ayant le goût du visuel à travers les couleurs proposées dans les plats, et surtout de savoir lire dans le regard du client qu’il a eu cette explosion culinaire en bouche digne d’un plat proposé par un chef étoilé. Car nos étoiles, ce sont les clients à travers leur satisfaction d’avoir dépensé peu pour avoir un repas de qualité. Il faut aussi se rappeler que pour atteindre le sommet, il a fallu travailler dur et le meilleur cadeau qu’un chef reçoit, c’est quand sa salle de restaurant ne se désemplit pas. COVID ou pas, un client sait quand il peut faire confiance ou non à un restaurateur et toute ma success story repose sur ce détail », conclut Anil, heureux que La Case 75 ait toujours cette reconnaissance. Anil n’a pas fini d’étonner. Ce petit entrepreneur devenu grand a encore mille projets qui fourmillent dans sa tête. Mais comme il le dit si bien, il faut donner le temps au temps.

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