- Les cas entendus par la Commission Justice et Vérité toujours en attente d’être transmis à la Cour par la Land Research and Monitoring Unit
- Seul le cas Kisnorbo entendu à la Land Division de la Cour Suprême
La création de la Land Division de la Cour suprême il y a deux ans représentait l’espoir pour ceux dont les familles ont été dépossédées de leurs terres. Toutefois, deux ans après, un seul cas, soit celui de la famille Kisnorbo, en attente depuis 14 ans à la Cour Suprême a été entendu. Les victimes déplorent la lenteur des procédures au niveau de la Land Research and Monitoring Unit (LRMU) du ministère des Terres qui n’a transmis aucune plainte à ce jour. Elles réclament un Fast Track pour ceux dont les cas ont déjà été entendus par la Commission Justice et Vérité. Un appel est lancé en ce début d’année pour une accélération, alors que la Cour a reconnu en août dernier la validité de la plainte de la famille Kisnorbo contre Alteo Agri Ltd.
Après deux grèves de la faim, dont une de 15 jours, pour réclamer la mise sur pied d’une Land Court, comme recommandé par la Commission Justice et Vérité, Clency Harmon croyait arriver au bout de son combat. Cependant, deux ans après la création d’une Land Division au niveau de la Cour suprême, son cas n’a pas avancé d’un iota.
Sa famille revendique les terres ayant appartenu à son ancêtre, Frédérique Bonnefin et actuellement occupées par plusieurs parties, dont la compagnie sucrière Medine. La Commission Justice et Vérité avait jugé que son cas est Genuine. Tout comme ceux des familles Kisnorbo et Tancrel, entre autres.
Clency Harmon se demande ainsi pourquoi la Land Research and Monitoring Unit (LRMU) du ministère des Terres et du Logement met autant de temps à monter les dossiers pour les transmettre à la Land Division, alors que des recherches préalables avaient déjà été faites, dans le sillage des travaux de la Commission Justice et Vérité. « Nous demandons à ce qu’il y ait un Fast Track pour les victimes qui ont déjà été entendues par la Commission. Ces cas sont genuine. Ma plainte a été logée depuis 2007 et j’attends toujours », dit-il.
Environ 46 familles s’étaient déjà tournées vers la Cour Suprême avant la mise sur pied de la Land Division en 2020. Parmi celles qui ont déposé devant la Commission Justice et Vérité, seul le cas de la famille Kisnorbo a été entendu en août dernier. Celui-ci est jugé comme étant déterminant dans la lutte des victimes de spoliation des terres car la juge Ratna Seetohul-Toolsee avait statué que la plainte était recevable. Et ce, rejetant ainsi la prescription de 30 ans, mise en avant par Alteo Agri Ltd pour sa défense. C’est dire l’impatience des autres victimes à voir leurs cas être appelés devant la Land Division.
Les cas remontant à de nombreuses années, les victimes estiment qu’il y a urgence. Déjà qu’il a fallu attendre près de 20 ans après le rapport de la Commission Justice et Vérité pour la mise sur pied de la Land Division de la Cour suprême. Selon la plainte de la famille Kisnorbo, leurs ancêtres ont été dépossédés de leurs terres en 1809.
Répondant à une question parlementaire en août dernier, le Premier ministre adjoint, Steve Obeegadoo, avait laissé entendre que 309 cas avaient déjà été traités par la Land Research and Mediation Unit opérant sous son ministère. Réponse qui avait laissé les victimes sceptiques. Ils avaient demandé à publier la liste de ces cas pour plus de transparence. Toutefois, tel n’a pas été le cas.
Outre l’accélération des procédures, les victimes souhaitent également que l’État les soutienne dans leurs luttes, à toutes les étapes car beaucoup n’ont pas les moyens nécessaires. « Un jour il y a quelqu’un qui m’a dit que la Cour suprême allait sans doute me donner raison mais qu’il était disposé à aller jusqu’au Privy Council, précisant que je ne pourrai le suivre jusque-là », s’insurge Clency Harmon. Pour cela, il souhaite que le gouvernement fasse venir les Law Lords à Maurice, comme l’avait fait Rama Valayden lorsqu’il était Attorney General, afin de réduire les coûts.
Par ailleurs, après la mauvaise expérience selon laquelle un arpenteur-juré ayant travaillé pour des barons sucriers dans l’expropriation des terres avait été nommé à la Land Research and Monitoring Unit, les victimes ne veulent plus faire confiance. « Nous voulons choisir nos propres avocats, nous ne voulons pas qu’on nous attribue quelqu’un qui aurait des intérêts ailleurs. Que le gouvernement nous donne le soutien financier déjà prévu pour cela », fait-on comprendre.
Soulignons que le gouvernement a injecté Rs 50 millions dans la Land Research and Monitoring Unit pour travailler sur les cas d’expropriation. À l’Assemblée nationale, le DPM Obeegadoo avait déclaré que Rs 5,5 millions avaient déjà été utilisées à août dernier. Là également, les victimes avaient réclamé la transparence.
Danielle Tancrel : « Quelle déception ! »
Pour Danielle Tancrel dont la famille a également été dépossédée de ses terres, la création de la Land Division était tant attendue pour faire avancer les choses. « Lors des débats parlementaires du 28 août 2020, il a été mentionné à maintes reprises que le projet de la Land Division est un point crucial pour les cas des dépossédés de leurs terres. Le ministre Lesjongard, lui-même, a fait ressortir que la dépossession des terres implique une tragédie humaine dans plusieurs familles et qu’il serait contraire à l’éthique de revendiquer une grandeur ou de brandir une bannière de victoire au vu des longues années d’attente et de souffrance de certaines personnes pour la création de cette ‘Land Division’. Mais quelle déception, à ce jour, aucun cas de dépossession de terres n’a été logé devant cette instance, par la LRMU. »
Elle se demande ainsi s’il y a un plan de travail concret et précis, qui permettrait aux victimes de savoir quand leurs cas seront entendus. « Si le gouvernement a bien compris notre douleur et nos souffrances, nous faisons appel au Premier ministre afin que les cas de terres de la Commission Justice et Vérité soient logés dans les plus brefs délais et de mettre un terme à cette attente injustifiée. » Elle rappelle que le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait déclaré à l’Assemblée nationale, le 28 août 2020 : « The proposed Land Division of the Supreme Court will provide that legal avenue that has been awaited since long. Mr Speaker, Sir, it is my sincere wish that the legitimate rights of the descendants of slaves and indentured labourers who claim that they have been wrongly dispossessed of their lands, are upheld through a Court process that is respected and trusted by one and all . »