Alors que l’analphabète n’a pas appris à lire ni à écrire parce qu’il n’a pas été à l’école, il est bon de souligner que nombre de ceux qui sont considérés comme étant analphabètes aujourd’hui sont en fait davantage illettrés, c’est-à-dire, qu’en dépit d’avoir été scolarisés, soit ne maîtrisent pas la lecture ni l’écriture soit alors cette maîtrise s’est estompée au fil des ans. Force est de constater dès lors qu’il y a un problème au niveau éducatif. En effet, si l’on se base sur la Mauritius Population 2023 Live Countrymeter, qui indique que le pays compte plus de 94 350 analphabètes, on sait que parmi, beaucoup ont été à l’école.
Josian Labonté, responsable du programme d’alphabétisation fonctionnelle à Caritas, confirme qu’il existe nombre de jeunes scolarisés jusqu’à l’âge de 15 ans, qui n’arrivent ni à lire ni à écrire. À l’écouter, la solution ne réside pas dans l’alphabétisation des adultes mais bien davantage dans un changement profond du système éducatif pour qu’il ne produise pas d’autres analphabètes. D’ailleurs, il fait ressortir que le travail des ONG en ce sens, quand bien même louable est-il, ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan. De surcroît, les ONG ont du mal à répondre aux demandes d’alphabétisation qui affluent. « De plus en plus de personnes ayant du mal à joindre les deux bouts, elles sont de moins en moins à s’engager comme bénévoles », dit-il.
Lindsey Collen, de LPT, est d’avis que le problème d’incapacité à lire et à écrire est lié à l’école. « D’après nos observations, à LPT, souvent, ceux qui n’ont pas été à l’école, apprennent plus vite ! L’école entrave la façon de réfléchir de nos jeunes en leur imposant une langue étrangère », dit-elle. Elle lance un cri d’alarme pour l’introduction de la langue maternelle comme médium d’enseignement pour toutes les matières.
La pandémie, dit-elle, a exacerbé le problème, mettant en relief les difficultés engendrées par les inégalités sociales : « Beaucoup n’étaient pas en mesure de se connecter pour des cours en ligne ou même suivre les cours à la télé ». Elle cite le professeur américain Jim Cummins pour soutenir que les enfants étudiant dans leur langue maternelle sont ceux qui sont les plus performants.
Edley Maurer, Project Manager de Safire, atteste également être témoin d’enfants de moins de 16 ans, ayant été scolarisés, mais ayant des difficultés à lire et à écrire. Si souvent, dit-il, on impute aux parents la responsabilité d’encourager à l’éducation, lui, juge que ces derniers sont certes conscients de l’importance de l’éducation. « Malheureusement, une fois en Grade 1, il y a des petits blocages pour certains enfants qui s’accumulent année après année. La situation ne s’est pas améliorée même si le ministère a introduit le Nine-Year Schooling. L’effet escompté n’est pas là encore ».
Le Manager de Safire affirme que les difficultés sont souvent liées aux problèmes familiaux. « L’école n’est pas assez armée pour agir et aider ces enfants. Il y a un gros investissement à faire si on veut diminuer le taux d’analphabètes, voire éradiquer sur le long terme », fait-il comprendre.
JOSIAN LABONTÉ (Caritas) :
« Des jeunes scolarisés jusqu’à 15 ans ne savent ni lire ni écrire »
En dépit des progrès réalisés dans le monde, les défis au niveau de l’alphabétisation demeurent une réalité. Le Covid-19 a accentué ces défis. Quel constat dressez-vous au niveau local depuis la crise sanitaire ?
La crise a quelque peu freiné l’apprentissage. À Caritas, aussi, les personnes analphabètes ont mis du temps avant de reprendre les cours post-Covid. Ce n’est qu’au deuxième semestre de 2022 qu’elles l’ont fait. Nous pouvons dire qu’entre 2020 et 2022, nous avons perdu pratiquement presque trois ans.
Avec cette coupure, j’estime qu’il y a pas mal de jeunes qui sont toujours à l’école mais qui ont accusé du retard dans leur apprentissage. Il se peut que ce groupe de jeunes vienne s’ajouter au nombre existant d’analphabètes. Nous ne disposons pas de chiffres mais il y aura quand même un plus fort taux dû à la pandémie.
Maurice compterait plus de 94 350 analphabètes. D’après la Mauritius Population 2023 Live Countrymeter, Maurice enregistre 35 018 hommes analphabètes et 59 341 femmes analphabètes, ce qui fait du pays l’un des territoires africains avec les plus forts taux d’analphabétisme. Caritas, qui est une des associations phares dans cette lutte, mobilise environ 200 apprenants à travers l’île. Que devient la grosse majorité ?
Auparavant, Nous touchions facilement 400-500 personnes mais à cause du Covid-19, la reprise s’est faite avec moins de personnes. Caritas est une ONG. Nous n’avons pas de gros moyens et nous dépendons beaucoup des bénévoles. Or, avec de plus en plus de personnes ayant du mal à joindre les deux bouts, moins de gens s’engagent comme bénévoles.
Depuis deux ans, nous ne voyons pas beaucoup d’intérêt à être animateur. Qui dit moins de bénévoles dit moins d’apprenants. Tout comme d’autres ONG engagées dans l’alphabétisation, notre travail est une goutte d’eau dans l’océan.
C’est vrai que nous constatons plus de femmes dans les centres d’apprentissage. Ce qui ne veut pas forcément dire qu’il y a moins d’hommes analphabètes. Les statistiques peuvent nous montrer qu’il y a plus de femmes mais il existe un autre phénomène : beaucoup, qui ont passé le cycle primaire, voire qui ont un niveau de Grade 8 (Form 2) ne savent ni lire ni écrire.
C’est ce que nous appelons les analphabètes de retour, soit des élèves qui ont passé ce cap avec un strict minimum et qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas été en contact avec la lecture et l’écriture. Une fois qu’elles atteignent 25 ou 30 ans, ces personnes, par manque de confiance, se disent qu’elles ne peuvent pas lire ni écrire.
En dépit de la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, le problème demeure…
Il y a une confusion entre scolariser et alphabétiser. Scolariser ne veut pas forcément dire alphabétiser. Les chiffres nous l’ont d’ailleurs montré. Pas mal de jeunes scolarisés jusqu’à l’âge de 15 ans n’arrivent ni à lire ni à écrire.
Quelles sont ces causes de l’analphabétisme auxquelles il faudrait s’attaquer pour réduire le taux ?
Malheureusement, dans notre système scolaire, nous ne faisons pas de distinction entre l’alphabétisation et l’apprentissage d’une langue. Parfois, quand l’enfant est en bas âge et que nous passons trop vite à l’apprentissage d’une langue, par manque d’accompagnement et de maturité, il cumule du retard au niveau de l’alphabétisation.
L’alphabétisation, ce n’est pas lire et écrire simplement, c’est savoir comment lire et comment écrire. C’est une des lacunes qui existe. De plus, quand je travaille avec des enseignants de l’Extended Programme, je me retrouve devant des personnes qui ne sont pas assez formées même si ce n’est pas leur rôle d’alphabétiser des jeunes de cet âge.
Je trouve une lacune dans le nombre d’heures allouées à l’alphabétisation pour que le retard puisse être rattrapé. Un élève de l’Extended Programme qui ne sait ni lire ni écrire ne fait que quatre périodes de français en une semaine ou deux heures de kreol morisien.
C’est insuffisant, quand nous comptons les congés, les vacances, les intempéries. Dans les centres d’alphabétisation, il y a plus de Contact Hours avec les apprenants.
Caritas est également en faveur du kreol comme médium d’enseignement ?
Certainement. L’apprentissage de la langue maternelle à cet âge est très bénéfique pour l’enfant. Le parler est déjà acquis dans la langue maternelle et il est donc plus facile de construire dessus.
En quoi consistent vos cours ?
Nous faisons de l’alphabétisation fonctionnelle : donner des outils nécessaires pour fonctionner dans la vie de tous les jours. Une personne ne sachant pas lire et écrire doit affronter davantage difficultés que nous, autres alphabétisés, faisons machinalement au quotidien : lire les destinations des autobus, lire le dosage des médicaments, remplir un formulaire bancaire. Et pouvoir lire de petits messages simples en français et en anglais.
Existe-t-il de cours d’alphabétisation plus poussés pour ceux ayant complété la formation proposée ?
Nous avons le Centre of Learning à Barkly où nous donnons des cours basiques d’anglais. Après avoir acquis la base de l’alphabétisation, la personne peut venir approfondir ses connaissances en anglais et en français.
Le thème de la Journée cette année est : Promouvoir l’alphabétisation pour un monde en transition : bâtir les fondations de sociétés durables et pacifiques. Est-ce que vous avez innové dans vos cours pour vous adapter à ce monde en transition ?
Nous y pensons. Nous avons déjà fait un projet pilote que nous n’avons pas encore diffusé : une application sur le portable pour pouvoir réviser des cours à la maison.
Alors que le pays souffre d’une cruelle pénurie de main-d’œuvre, diriez-vous qu’il est plus que crucial aujourd’hui que le pays donne à ces personnes analphabètes les outils nécessaires pour combler une partie de ce manque de main-d’œuvre ?
Bien sûr, c’est la première marche d’un escalier de Lifelong Learning et c’est ce qui va leur ouvrir les portes pour gravir les échelons. Nos cours étant reconnus par la MQA, nous formons aussi des employés de certaines entreprises. L’alphabétisation, c’est avant tout redonner confiance aux apprenants pour leur permettre d’intégrer d’autres formations professionnelles par la suite. Caritas a 35 ans d’expérience dans le domaine de l’alphabétisation et nous souhaitons apporter notre pierre à l’édifice pour lutter contre ce problème.
LINDSEY COLLEN (LPT) :
« Ceux qui n’ont pas été à l’école apprennent plus vite ! »
En dépit des progrès réalisés dans le monde, les défis au niveau de l’alphabétisation demeurent une réalité. Le Covid-19 a accentué ces défis. Quel constat dressez-vous depuis la crise sanitaire à Maurice ?
Je pense que le Covid-19 a exacerbé le problème. Pendant la crise sanitaire, en effet, les écoles étaient fermées et les inégalités sociales font que certaines familles n’ont pu combler ces jours sans classe. La routine scolaire a été rompue pendant deux ans et beaucoup de jeunes ont eu du mal à reprendre l’école.
De plus, le Digital Divide n’a fait que creuser l’écart. Beaucoup n’étaient pas en mesure de se connecter pour des cours en ligne ou même suivre les cours à la télé.
Maurice compterait plus de 94 350 analphabètes. D’après la Mauritius Population 2023 Live Countrymeter, Maurice enregistre 35 018 hommes analphabètes et 59 341 femmes analphabètes, ce qui fait du pays l’un des territoires africains avec les plus forts taux d’analphabétisme. Caritas, qui est une des associations phares dans cette lutte, mobilise environ 200 apprenants à travers l’île. Que devient la grosse majorité ?
Depuis le confinement, nous avons dispensé un cours à une vingtaine de personnes. Mais, le nombre de demandes est immense. Il faut d’abord définir l’alphabétisation ou le Literacy (en kreol).
D’après l’Unesco, il s’agit de la capacité de lire et d’écrire une phrase complète sur la vie de tous les jours dans n’importe quelle langue. En même temps, cette définition constitue un grand problème pour des pays comme Maurice. En effet, quand la langue maternelle n’est pas utilisée comme médium d’enseignement, beaucoup ne savent ni lire ni écrire dans leur langue maternelle.
Aujourd’hui, il y a une deuxième définition de Literacy qui a été développée par Jim Cummins, un professeur américain ayant identifié deux types de Literacy pour aider les enseignants à évaluer le niveau d’un élève en ce sens. Le premier est les Basic Interpersonal Communicative Skills (BICS) et le deuxième, la Cognitive Academic Language Proficiency (CALP).
Pour Cummins, le BICS est la capacité de base de communiquer qu’ont les locuteurs natifs d’une langue. À Maurice, beaucoup de personnes, même à l’université ont juste le BICS. Le touriste dira que tout le monde parle français et anglais à Maurice. Mais, il se réfère à cette capacité basique de s’exprimer dans une langue.
Or, ce n’est que dans sa langue maternelle que la personne peut avoir le CALP, c’est-à-dire la capacité de réfléchir rapidement dans une langue en termes logique et linguistique. Sinon, cela prend environ 6 ans après la scolarité secondaire pour acquérir cette capacité.
D’après Cummins, les enfants étudiant dans leur langue maternelle sont les plus performants. Ceux qui étudient dans une langue autre que leur langue maternelle, n’ont que le niveau BICS, même après triois ans. Ce problème d’analphabétisme a été aggravé au fil du temps car à l’école, quand nous imposons une langue autre que la langue maternelle de l’enfant, cela empêche le développement de son CALP.
Quand, à l’école, nous apprenons dans une autre langue, nous perdons cet aspect naturel que nous ne recevons pas dans une autre langue. La situation est pire aujourd’hui en termes de CALP.
Un jour, nous avons fait un test dans un collège coté. Nous avons demandé aux élèves du HSC d’écrire une phrase sur leur pays. Plus de 95% l’ont décrit comme un Small Island ou Iisland , ce qui montre qu’ils ne savent pas ce qu’est un pays. Il y a un problème d’acquisition de la connaissance.
Est-ce que LPT propose aussi des cours plus poussés pour ceux ayant complété cette formation en alphabétisation ?
Oui, nous avons un cours connu comme Post Alph, où les divers événements constituant l’actualité dans le pays sont abordés. D’après nos observations, à LPT, souvent, ceux qui n’ont pas été à l’école, apprennent plus vite !
L’école entrave la façon de réfléchir de nos jeunes en leur imposant une langue étrangère. Même les enseignants ne connaissent pas cette langue. Ce qui implique des imprécisions. Notre capacité de parler une autre langue est vive, rapide mais imprécise. Nous arrivons certes à parler aux touristes. Nous devinons ce qu’ils disent mais il y a des imprécisions.
Autrefois, trois-quarts de la population n’étaient pas scolarisés et un quart n’y avait été que quelques années. Aujourd’hui, la situation s’est inversée. L’école est obligatoire mais…
Quelles sont ces causes de l’analphabétisme auxquelles il faudrait s’attaquer pour réduire le taux ?
Depuis les années 50, l’Unesco a dit qu’il est obligatoire d’utiliser la langue maternelle pour que l’enfant ne subisse pas de tort. LPT avait fait un International Hearing en 2009 où un panel de juges avait écouté une cinquantaine de membres du public pour déterminer si du tort avait été causé aux enfants.
Ils ont conclu qu’il y avait beaucoup de tort cognitif, intellectuel, émotionnel et psychologique car les enfants ont un lien psychologique avec leur langue maternelle. La séparation de leur langue maternelle cause un tort immense. C’est une cruauté.
Le thème de la Journée cette année est : Promouvoir l’alphabétisation pour un monde en transition : bâtir les fondations de sociétés durables et pacifiques. Est-ce que vous avez innové dans vos cours pour vous adapter à ce monde en transition, où l’on ne se passe plus d’outils technologiques dans la vie de tous les jours ?
Nous avons constaté que beaucoup savent déjà faire des manipulations de base même s’ils ne savent pas bien écrire. Nous leur apprenons à utiliser leur portable par exemple pour suivre l’évolution d’un cyclone. Et, ils apprennent souvent plus vite que ceux qui ont été à l’école.
Pour conclure ?
Une personne alphabète peut exprimer d’une manière grammaticalement correcte une réflexion sur sa vie de tous les jours. Il est urgent d’introduire la langue maternelle comme médium d’enseignement pour toutes les matières.
EDLEY MAURER (SAFIRE):
« Aucune amélioration avec le 9-Year Schooling »
En dépit des progrès réalisés dans le monde, les défis au niveau de l’alphabétisation demeurent une réalité. Le Covid-19 a accentué ces défis. Quel constat dressez-vous depuis la crise sanitaire à Maurice ?
Quand nous parlons d’alphabétisation, nous pensons le plus souvent aux adultes. Toutefois, cela concerne aussi les enfants de moins de 16 ans, qui ont été à l’école, mais qui sont analphabètes.
Même s’ils ne le sont pas à 100%, ils ont des difficultés à lire et à écrire. Par exemple, les résultats de l’Extended Stream l’an dernier sont très alarmants malgré tout le soutien derrière. La situation ne s’est pas améliorée même si le ministère a introduit le Nine-Year Schooling. L’effet escompté n’est pas là encore.
Il y a donc un problème dans le système d’apprentissage ?
Oui. Il faut aller trouver le problème à la racine. Souvent, nous disons que l’effort est à faire du côté de la famille mais moi, je pense que toutes les familles souhaitent envoyer leurs enfants à l’école. Le transport est gratuit. La preuve, c’est le nombre d’enfants inscrits en Grade 1 chaque année. Les parents sont conscients de l’importance de l’éducation mais malheureusement, une fois dans le Grade 1, des petits blocages pour certains enfants s’accumulent année après année.
D’où viennent ces blocages ?
Quand le système comporte beaucoup de compétition, il y a pas mal d’enfants issus de parents ayant eux-mêmes une bonne base dès la naissance, qui peuvent s’adapter. Quand nous mélangeons les enfants ayant un cadre familial stable et d’autres qui ont des difficultés familiales, et qu’il n’y a pas une bonne pédagogie inclusive, l’écart se creuse au fil des années. Les difficultés sont souvent liées aux problèmes familiaux. L’école n’est pas assez armée pour agir, et aider ces enfants.
Comment tenir compte des problèmes familiaux des jeunes pour mieux lutter contre l’analphabétisme ?
Il faut dès le Grade 1 effectuer une bonne évaluation, prendre en considération des difficultés existantes et proposer à certains enfants un accompagnement spécifique selon leur environnement familial. Il y a un gros investissement à effectuer si nous veoulons diminuer le taux d’analphabètes, voire éradiquer sur le long terme.
Alors que le pays souffre d’une cruelle pénurie de main-d’œuvre, diriez-vous qu’il est plus crucial aujourd’hui que le pays donne à ces personnes analphabètes les outils nécessaires pour combler une partie de ce manque de main-d’œuvre ?
Tout à fait. La plupart des parents qui ont des difficultés en Grade 1 sont eux-mêmes analphabètes et n’ont pas une formation professionnelle. Maurice, de nos jours, requiert de la main-d’œuvre qualifiée.
Il faut donc prendre tout cela en considération et commencer à partir de Grades 9 et 10 à guider les jeunes vers une insertion professionnelle, leur montrer quelles sont les demandes sur le marché de l’emploi, les former et les canaliser vers ces métiers pour qu’ils puissent plus tard être autonomes.
À ce moment-là, ils ne finiront pas sans emploi, à la rue. De surcroît, aujourd’hui, il y a beaucoup de tentations d’argent facile qui font que certains se demandent pourquoi se former pour tel type de travail quand de l’autre côté il y a de l’argent facile proposé sur le terrain…
Si nous n’attaquons pas le problème dans tout son ensemble, année après année, un nombre additionnel d’analphabètes s’ajoutera au chiffre existant.
Le thème de la Journée cette année est : Promouvoir l’alphabétisation pour un monde en transition: bâtir les fondations de sociétés durables et pacifiques. Est-ce que vous avez innové dans vos cours pour vous adapter à ce monde en transition, où l’on ne se passe plus d’outils technologiques dans la vie de tous les jours ?
Oui, nous avons travaillé avec la National Social Inclusion Foundation (NSIF) et plusieurs ONG pour dire que si nous voulons vraiment donner accès à un emploi aux enfants de rue et éviter qu’ils gagnent leur vie dans la rue, il faut innover. Dans le Mainstream, il y a le National Certificate of Education (NCE).
Nous, au niveau des ONG, avons introduit le NC1. Même s’ils ne sont pas scolarisés, ces jeunes ont la possibilité d’avoir un examen à l’âge de 15-16 ans. Il y a donc une transition entre quitter la rue, se former et avoir un certificat de Level 1 pour ensuite poursuivre une formation professionnelle au MITD. Ce qui leur permet, même s’ils n’ont pas poursuivi leur scolarité, d’avoir un parcours normal comme les autres jeunes. Il est important de les former pour qu’ils s’adaptent au monde moderne.
Existe-t-il de cours d’alphabétisation plus poussés pour ceux ayant complété la formation proposée ?
SAFIRE est aussi membre de Street Child United, une organisation anglaise. Il y a des programmes internationaux auxquels participent aussi nos enfants en situation de rue. Il y a la possibilité d’acquérir des compétences au niveau du leadership dans un réseau international.
Les participants sont formés pour qu’en retour ils réinvestissent dans la communauté. Il y a par exemple un Tanzanien qui faisait partie de ce réseau en 2014 et qui a aujourd’hui fondé une entreprise dans son pays. Il est parmi les jeunes leaders ayant percé de la rue pour devenir directeur d’entreprise.
Cette année, deux de nos jeunes ont été sélectionnés pour participer à ce programme. Ils ont déjà commencé à suivre une formation en ligne avec d’autres jeunes d’autres pays et voyageront incessamment dans le cadre de cette formation.
Le mot de la fin ?
Le gouvernement a accordé un peu plus d’attention au pré-primaire. Je pense que tout cela fait partie d’une vision à long terme. Cette vision devrait être de donner à chaque enfant mauricien une chance égale au niveau de l’éducation.
Tout le monde doit mettre la main à la pâte pour que le projet réussisse. Espérons que dans dix ans, ces enfants aujourd’hui au pré-primaire, ne connaîtront pas d’échec au niveau du NCE. Il y a de l’espoir.