Une analyse de la GTU Le Basic Retirement Pension (BRP) à 65 ans :  une stratégie qui fait des vagues

L’âge de la retraite a déjà été ramené à 65 ans pour la fonction publique, depuis 2008, suivant une recommandation du rapport du Pay Research Bureau (PRB) 2008.  L’annonce de l’extension de l’âge de la retraite avait été faite bien avant la publication du rapport 2008, culminant en diverses consultations et autres débats parmi les travailleurs.  En effet, c’est le PRB qui a été le fer de lance de l’extension de l’âge de la retraite, dans le but d’implémenter la politique du gouvernement.  La recommandation fut que l’âge de la retraite serait optionnel et étendu graduellement.  Les fonctionnaires atteignant 60 ans après juin 2008 bénéficieraient des mois additionnels, jusqu’à l’âge de 65 ans en juin 2018.

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En effet, c’est le PRB qui définit la stratégie, engagea le dialogue avec les syndicats, présenta le modèle d’implémentation et entama le changement, qui fut accepté presque à l’unanimité.

Ainsi, l’âge légal de la retraite dans la fonction publique est 65 ans, au lieu de 60 ans auparavant.

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Quant au secteur privé, ils ont évidemment emboîté le pas, avec la norme aussi passée à 65 ans.

La pension universelle (BRP)

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La pension universelle (Basic Retirement Pension) est une allocation, non-contributive, offerte à toute personne âgée de 60 ans ou plus, qu’elle ait travaillé ou non.  Cette personne doit être résidant (e) à Maurice.  La pension universelle est la même pour tout le monde et ne dépend pas du salaire de l’individu ou du travail effectué par celui-ci.

Le BRP est un revenu garanti pour les personnes âgées, à partir de 60 ans.

La pension universelle à 60 ans a toute une charge sensible et émotionnelle, représentant une bouée de confort, à tous ceux au bas de l’échelle.

Altérer l’âge de l’éligibilité pour la BRP les affecte profondément et les touche dans leur âme, surtout si cela se fait abruptement, brutalement, sans consultations ni dialogue.  Cette proposition n’a pas figuré dans le manifeste électoral de l’Alliance du Changement, n’ayant donc aucune légitimité populaire, même si le gouvernement a parfaitement le droit de proposer des politiques alternatives.

Le paradoxe

Depuis 2008, l’âge de retraite va jusqu’à 65 ans.  Et quid de la BRP?  Un fonctionnaire ou autre cadre du secteur privé pouvait prendre sa retraite à 60 ans ou continuer à travailler jusqu’à 65 ans, et quid de la BRP ?  L’éligibilité à la BRP est restée à …. 60 ans.  Nul n’a eu le courage de la porter à 65 ans, pour des raisons évidentes de dividendes politiques.

Ironie :  le fonctionnaire ou l’employé du secteur privé touche la pension universelle chaque mois aussi bien que son salaire.  Pire, il touche ses allocations de transport (Travelling) mais voyage gratuitement par bus, car étant un Senior Citizen.

Et cette situation perdureEst-ce possible ?

À la GTU, nous avions dénoncé cela depuis 2008 mais avons été victimes de sévères critiques de la part des autres « syndicalistes ».

La solution logique aurait été de permettre au fonctionnaire ou employé du secteur privé de travailler jusqu’à 65 ans mais sans toucher la BRP.  Il l’aurait touché à sa retraite, avant ou à 65 ans. Un salarié touchant la pension universelle ! Cela se passe qu’à Maurice.  Moody’s et le FMI en sont au courant, et ont démontré leur inquiétude.

A-t-on effectué un audit pour connaître le nombre de travailleurs dans cette situation, et le coût que cela comporte ? Est-ce cette pression et ce fardeau insoutenable qui ont poussé les autorités à carrément étendre l’éligibilité à la BRP à 65 ans ?

Au fait, le paiement de la BRP en sus du salaire équivaut à un véritable boulet pour les autorités.  Il fallait agir et corriger cette anomalie criarde.  Il a fallu du courage au gouvernement pour l’adresser et c’est à son crédit.

La réalité

La BRP est devenue une charge bien trop lourde pour l’économie, au fil du temps, surtout avec le quantum grossissant chaque année.  La BRP absorbe à elle seule 26% du budget national.  Au fait, la BRP et les autres pensions engloberont environ 70 milliards dans les années à venir.  Ainsi, il fallait agir et réformer.  Il fallait relever progressivement l’âge de l’éligibilité de la BRP, afin d’harmoniser le système des pensions et de garantir la soutenabilité du système.

Pour ce faire, le gouvernement annonce un ajustement progressif de l’âge d’éligibilité à la BRP, au travers du budget 2025-26, prenant la population de court.  Il n’y a pas eu de débats antérieurs ni des annonces préliminaires. On déplore l’absence totale de consultations à ce sujet.  La proposition est contestée de par son annonce abrupte, voire brutale.  Les explications affluent après l’annonce quand le contraire qui aurait été propice. La réforme est ainsi massivement rejetée par une large frange de la population.  Pour de nombreux travailleurs ayant travaillé durant toute une vie dans des métiers physiquement éprouvants et éreintants, l’extension de l’éligibilité à la BRP est perçue comme un coup de massue, une grande injustice, une décision inhumaine. Ceux dépendant exclusivement de la BRP pour subsister, voire survivre, se sentent meurtris.  Ils ne savent comment et quoi faire.  Ils réclament justice.  La colère gronde. On frôle l’explosion !

Que faire ?

  1. Le gouvernement a intérêt à geler la proposition, du moins pour le court terme.  Il aura à venir avec un plan explicatif détaillé, engageant, dans le sillage, une consultation nationale intense. La mesure est inévitable dans le moyen terme, mais c’est la méthodologie qui a choqué. Aucun indice pré-budgétaire. La population l’apprend, avec un choc. Ceux/celles approchant la soixantaine ne la digèrent pas. Ils crient à la trahison. Et réclament justice. Une réforme majeure, d’une telle envergure, ne  passerait pas avec un trait de plume, comme une lettre à la poste.  Engager un dialogue avec la population est un « must ».
  2. N’y avait-il pas d’autres sources de revenus ?

Le gouvernement a fait appel aux entreprises, banques et autres conglomérats, à travers la Fair Share Contribution, pour aider le pays.  Et l’appel a été positivement entendu, selon les mots du Premier ministre.  Ne pouvait-on pas leur faire un appel pour plus d’efforts ?  N’y a -t-il pas d’autres partenaires économiques à participer dans cet élan national, et ce pour les trois ans à venir ?

Un appel national de solidarité aurait été primordial.

  1. La pilule aurait été moins amère si le gouvernement aurait fait preuve d’exemplarité :  amener les ministres, junior ministers, députés, Speaker, Président de la République à s’impliquer, en faisant des sacrifices, avec une diminution dans leurs salaires et autres bénéfices.  La population aurait compris que tout le monde, et surtout les dirigeants, s’y mettent.  N’est-ce pas le moment idéal pour abolir le poste de Vice-Président, comme promis lors de la campagne électorale ?  Même si on est en alliance… N’est-il pas temps de limiter les largesses du gouvernement, avec départs pour l’étranger, souvent en catimini, et souvent avec de grandes délégations ?

N’est-il pas temps de revoir les allocations des Board Members et des Chairmen ?

N’est-il pas temps de limiter le nombre de conseillers auprès des ministres ?

La population attend un signal fort et clair.  Que les gaspillages soient du passé !  Que l’effort soit national ?

  1. Au pire, après la tornade, le gouvernement devrait songer à proposer une extension à 62 ans, au lieu de 65 ans, avec les explications tangibles, en plus.  Cette proposition passerait en douceur, et la population saurait que, dans le temps, l’éligibilité sera étendue à 65 ans, car il faut, à tout prix, assurer la viabilité du système des pensions.  Car avec le modèle actuel, nous mettons en péril l’existence même du système des pensions non-contributives.

Comment convaincre la population ?

  1. Engager un dialogue concret, avec des argumentaires solides, structurés autour de données factuelles, enjeux sociaux et économiques avec des tableaux comparatifs.
  2. Élaborer sur le vieillissement de la population et l’espérance de vie.
  3. Extrapoler sur le ratio cotisants/retraités, qui ne cesse de rétrécir, et la réalité démographique actuelle … pour préserver l’équilibre du système actuel des pensions.

Vinod Seegum

Négociateur GTU

 

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