Université de Maurice : les dessous de la démission surprise du VC Jhurry

Alors que, jeudi dernier, le conseil d’administration de l‘université de Maurice s’apprêtait à discuter d’une éventuel renouvellement de son mandat de Vice Chancelier (VC), le Professeur Dhanjay Jhurry a soumis sa démission surprise. Qu’est-ce qui a poussé Dhanjay Jhurry à démissionner alors que, selon toute probabilité, son contrat allait être renouvelé pour une nouvelle période d’une année ?

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Éléments
de réponse

Scientifique connu, Dhanjay Jhurry a été le premier lauréat du « Best Mauritian Scientist Award » du Mauritius Research Council. À son retour au pays après ses études à l’Université de Bordeaux, il se joint comme Lecturer en chimie à l’Université de Maurice avant de devenir Associate Professor et Head du Département de Chimie à la Faculté des Sciences. En 2013 il se porte candidat au poste de Vice Chancelier, mais sa candidature est rejetée a la dernière minute. Le candidat conteste cette décision en saisissant l’Equal Opportunities Tribunal qui finit par lui donner raison. Dhanjay Jhurry repose sa candidature au poste de VC de l’UoM en 2017 pour succéder au Pr Romeela Mohee, dont le contrat , arrivé a expiration en décembre 2016 , n’avait pas été renouvelé.

Cette deuxième tentative sera la bonne pour Dhanjay Jhurry qui des sa nomination fixe les objectifs qu’il s’est donne en tant que nouveau VC, dans une déclaration au Maurice . « Je veux que les personnes qui seront appelées à travailler avec moi ressentent toute la motivation qui m’anime et l’esprit que je partage », dit-il. Le Pr Jhurry estime que ce sera au Senior Management, dont il fait désormais partie, de donner l’exemple. « Je veux gagner la confiance de tous ces gens qui attendaient un espoir. Si chacun fait un effort, nous pouvons faire le travail ensemble. Je ferai mon travail dans la plus grande objectivité car je veux faire comprendre que tant que l’UoM va mal, le pays va mal. Donnez-moi les moyens pour arriver jusqu’au bout », dit-il.

A l’issue de son contrat de trois ans il postule pour un deuxième mandat de trois ans. Mais, à la surprise générale, le conseil d’administration de l’université décide de ne lui accorder qu’un prolongement d’une année qui sera renouvelé pour une même période l’année suivante. Ce renouvellement annuel restera en travers de la gorge du Vice Chanchelier et d’ailleurs il le fait savoir sans sa lettre de démission « on personnal grounds » adressée au président du conseil de l’université. Dans le quatrième paragraphe de cette lettre de démission, qui par ailleurs dresse le bilan de son action, le démissionnaire écrit . « I wish to extend my deepest thanks to the Prime minister, the Vice Prime minister and you as the Chair of the Council for having given me the chance to lead the UoM. I have served the University with passion, compassion, optimism and above all with utmost probity. My performance has been rated excellent by the council all throughout the years but I regret that my contract after an initial period of 3 years was renewed on a yearly basis causing me a lot of prejudice and moral dommage.” Effectivement ce renouvellement du contrat, année par année, avait suscité beaucoup de commentaires au sein de l’université et dans le monde de l’éducation tertiaire.

“Conflit of interest”, “unlawfull
payment”,
“abusive remarks”

Des le début de son mandat, les relations entre le Vice chancelier et le personnel enseignant s’étaient dégradés, ce dernier l’accusant de plus mettre en valeur son image de marque que de faire la promotion de l’institution, et certaines de ses décisions ont été contestées. Ce fut, notamment, le cas du professeur Narsingen dont le droit à l’expression et les activités extra universitaires ont été remises en cause par l’université. Cette affaire, qui fait actuellement l’objet d’une procédure devant les tribunaux, avait écorné l’image de l’UoM au niveau international. Mais malgré cela, le contrat du Vice Chancelier avait été renouvelé deux ans de suite et allait l’être pour une troisième fois, lors d’une réunion du conseil prévue pour la fin de ce mois.

L’élément qui a poussé le Vice chancelier à présenter sa démission est le contenu d’une lettre non signée, adressée au Premier ministre la semaine dernière, avec copie à d’autres personnalités du monde éducatif et politique ainsi qu’à la presse. Cette lettre fait état de cas de « conflict of interest » , d’ « unlawfull payment » et de « faute grave » qui auraient été commis par le Vice Chancelier. En dépit des recommandations du Pay Research Bureau, le Vice Chancelier aurait approuvé, en 2020, le paiement d’augmentation de salaires et d’arrérages pour quelques enseignants de l’université, sans obtenir les approbations nécessaires, ce qui relèverait d’un « unlawfull payment. » La lettre souligne ensuite que parmi les bénéficiaires de cette mesure, figuraient deux membres de la famille du Vice chancelier, ce qui serait un « conflit of interest » avéré. On a découvert, par la suite, que certains des bénéficiaires de la décision du Vice Chancelier n’étaient pas éligibles à ce paiement et il leur a été demandà de rembourser. Ce qu’un des « benéficiaires » a refusé, en logeant un cas en Cour contre l’université de Maurice.

C’est cette lettre, dont le contenu doit déboucher sur une enquête, qui aurait incité le Vice Chancelier à présenter sa démission surprise. D’autant plus que, depuis quelques semaines, une autre lettre avait été envoyée au président du conseil d’administration de l’université. Elle émane d’un chef de département qui dit avoir fait l’objet « d’abusive remarks » lors d’une réunion qui a eu lieu en décembre dernier et au cours de laquelle le Vice Chancelier « was hitting the table while speaking to me. »

Ces deux missives obligeant le conseil d’administration à faire ouvrir des enquêtes sur leur contenu, le Vice Chancelier a préféré prendre les devants et soumettre sa démission. Il l’aurait fait, selon certaines sources généralement bien informées, pour suivre le récent exemple de l’ex-Senior Chief Executive du ministère de la Santé impliquée dans le scandale Molnupiravir: se faire payer, en procédure accélérée, lump-sum et pensions avant que les conclusions des enquêtes sur la gestion d’institutions, dont ils étaient les responsables, ne soient connues.

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