Viol d’une fillette de 3 ans : Manquements sur le plan légal et absence de protetion des enfants

— Mariam Gopaul (consultante et pédagogue) : « Certains adultes démissionnent devant leur rôle de protecteur de leurs enfants »

- Publicité -

— Edley Maurer (Safire) : « Il faut des structures d’aide et d’accompagnement tant pour les victimes que les agresseurs »

Le viol d’une fillette de trois ans à Cité Anoska, ce dimanche 28 juin, a bouleversé tout le pays. Pour Mariam Gopaul, consultante et pédagogue, la Chief Serving Officer (CSO) de LoveBridge, Priscille Noël, et Edley Maurer, directeur de Safire, « un cas d’abus sexuel sur un enfant, c’est un cas de trop ! » Ces observateurs sociaux font remarquer que « Maurice est signataire de multiples conventions destinées à protéger ses enfants. Et pourtant, les années passent, les cas qui remontent à la surface prouvent que nos enfants ne sont toujours pas suffisamment protégés ! » Ces interlocuteurs estiment également que « nos lois ne sont pas suffisamment dures. Il faut également davantage d’encadrement et de structures pour tant les petites victimes que les prédateurs et agresseurs. »

« Cette fillette n’avait pas d’adulte responsable pour veiller sur elle au moment où elle s’est fait agresser !, note Mariam Gopaul, d’entrée de jeu. Les statistiques démontrent que, dans les cas de pédophilie, le prédateur est le plus souvent une personne proche de la victime ; quelqu’un qui gravite dans le giron immédiat de l’enfant. Cette gosse ne s’est donc pas méfiée de son agresseur et, le plus triste, c’est qu’elle ne pouvait pas se défendre ! Où était l’adulte censé la protéger au moment de ce crime ? Où se trouve le papa de cet enfant ?» Son de cloche identique du côté d’Edley Maurer. Le directeur de l’ONG Service d’Accompagnement, de Formation, d’Intégration et de Réhabilitation de l’Enfant (Safire) rappelle que « cette fillette est une enfant, innocente et sans défense ! » Pour celui qui, depuis des années, côtoie au quotidien des enfants évoluant dans des milieux d’extrême précarité, « il y a une foule de choses à mettre en place si on veut changer la donne. Et cela se passe à divers niveaux de la société. Par exemple, quand j’étudiais aux Philippines, où il y a un très fort pourcentage de catholiques dans la population, il y a une loi très stricte : tout viol sur mineur est puni par une condamnation à mort ! La mise à mort du violeur est un élément qui est diffusé en direct à la population. Il est soumis à une injection mortelle… Je ne dis pas que nous devons répliquer l’exemple des Philippines. Cependant, cette méthode en dit long. D’une part, de sanctionner aussi sévèrement ces abus sexuels sur les enfants, cela donne à réfléchir à deux fois aux prédateurs. Et, secundo, diffuser l’exécution agit comme un ‘deterrent’, également. »

« Où est le Children’s Bill ? »

Maurice « n’a pas besoin d’être aussi radicale dans son approche, continue M. Maurer. Mais si nous renforçons notre cadre légal, si nous mettons en place des structures d’identification, d’aide, d’encadrement et d’accompagnement, cela impactera certainement la réalité ! Parce que bien que signataire de diverses conventions internationales, nos enfants continuent à être exposés et victimes de prédateurs et d’agresseurs ! Nos lois sont trop faibles, et le Children’s Bill n’est toujours qu’un projet…» Et de poursuivre : « Il faut une formation adéquate pour les enseignants, par exemple, afin qu’ils puissent identifier, d’une part, des enfants qui seraient victimes d’attouchements et de sévices sexuels — ces enfants ont des comportements qui permettent de déceler ces problèmes — et de l’autre, ceux des jeunes et ados qui ont, déjà, des tendances à la pédophilie. Moyennant des formations poussées avec des personnes ayant des compétences précises pour faire ce travail, les enseignants peuvent protéger d’éventuelles victimes et aider de futurs prédateurs à éviter de succomber à leurs pulsions ! »

Mariam Gopaul renchérit dans la même veine : « Nous avons besoin, au sein de la société, au point où l’enfant évolue, que ce soit à l’école, à la maison, de « whistleblowers » qui font savoir quand quelque chose ne tourne pas rond dans l’environnement immédiat des enfants à risques. On ne peut attendre que l’irréparable soit commis pour agir. Il faut anticiper et réagir au préalable, avant que ce ne soit trop tard. » Elle ajoute : « L’État ne peut pas tout assurer : on ne peut pas tout mettre sur le dos des agences gouvernementales. C’est pour cela qu’il faut que chaque Mauricien comprenne que c’est notre rôle, à chacun de nous, de veiller les uns sur les autres ! »

Priscille Noël, CSO de LoveBridge, fait remarquer que « les agressions physiques ou autres sur les enfants peuvent survenir indépendamment de la classe sociale à laquelle appartient l’enfant. Il ne faut pas croire que ce sont seulement les enfants issus de foyers pauvres qui sont des victimes : les abus sexuels sur les enfants frappent tout le monde. » Sur la même longueur d’onde que les deux autres interlocuteurs, elle suggère « des cadres légaux qui permettraient une meilleure gestion de toute la problématique. Par exemple, pourquoi pas un registre national de délinquants sexuels, comme cela se fait dans d’autres pays ? Les crimes sexuels ne doivent pas rester impunis, ni être oubliés après avoir fait la une des médias pendant quelques jours. C’est un sujet qu’il faut prendre avec tout le sérieux et lui accorder un traitement adéquat. Ainsi, un registre de délinquants sexuels permettrait de « monitor » ces éléments qui représentent des dangers latents dans quel que soit le quartier où il va vivre ! La police aura la charge de procéder, régulièrement, à vérifier si le sujet se porte bien, s’il respecte les consignes dictées par la loi, comme de ne pas s’approcher des enfants, par exemple. »

« Marquage à la culotte ! »

Et E. Maurer d’ajouter : « Réhabiliter les agresseurs est aussi important : il faut traiter ces personnes, leur faire suivre des thérapies et des programmes afin qu’ils parviennent à se contrôler et combattre leurs pulsions. » Et celui-ci d’élaborer : « Il s’agit d’un accompagnement très précis et individuel. C’est comme si on passait un bracelet au potentiel prédateur : il sera soumis à ce qu’on appelle dans le jargon footballistique un « marquage à la culotte » mais, encore une fois, ce type de travail sur des personnes ne peut être fait au petit bonheur. Il faut des personnes et des techniciens ayant une formation pointue et des compétences spécifiques, afin que ces efforts portent leurs fruits ! » Tout le processus, soutient encore M. Maurer, « qu’il s’agisse des enfants, des victimes, voire des prédateurs, concerne un encadrement spécifique. On a tendance à tout mettre sur le dos du psychologue. Mais il n’y a pas que lui : il faut tout un ensemble de personnes ayant des compétences et des aptitudes multiples et professionnelles ! »

Il ne s’agit pas, conviennent M. Gopaul et P. Noël « d’accuser ou de juger des parents ; nous avons, à Maurice, des contextes difficiles où certaines mamans ont à faire des choix délicats entre quitter leurs enfants sous la garde de voisins, grands-parents, oncles, et aller travailler, ou les garder elles-mêmes.» Cependant, soutient la pédagogue et consultante, et ancienne représentante de l’Unicef à Maurice : « nombre d’adultes démissionnent devant leurs rôles de protecteurs de leurs enfants. On voit cela dans les cas de familles recomposées ou désunies, par exemple. Les enfants sont ballottés d’un proche à un autre, quand ils ne sont pas carrément livrés à eux-mêmes ! Et c’est là qu’ils deviennent encore plus vulnérables, hélas ! »

« Impératif d’être à l’écoute des enfants ! »

La pédagogue et consultante Mariam Gopaul est catégorique : « Nous n’avons, actuellement à Maurice, aucune structure d’écoute destinée à nos enfants. Et c’est très grave. » Elle prend l’exemple de circonstance : « L’école reprend cette semaine, après une coupure très longue et durant laquelle, tous les enfants n’ont pas eu une expérience similaire… Je m’explique : dépendant du statut social de leurs parents, certains enfants s’en sont très bien sortis. Ils ont pu étudier, s’amuser, découvrir des choses… Bref, ils ont vécu ce confinement plutôt bien et ont accumulé des connaissances. D’autres, en revanche, se sont retrouvés dans des foyers dissolus, où certains n’ont même pas eu accès aux émissions éducatives retransmises via la télé nationale. Tous ces enfants, indépendamment de ce qu’ils ont individuellement vécu, ont repris le chemin de l’école. Est-ce qu’ils vont s’en sortir ? Et comment ? » Pour notre interlocutrice, « il aurait fallu, durant le confinement et pendant la période avant le retour sur les bancs des institutions, avoir un soutien psychologique, des groupes de paroles, des espaces d’écoute. Car être à l’écoute de l’enfant est impératif : cela permet de déceler où, quand et comment ça va mal. » Edley Maurer acquiesce : « L’enfant éprouve le besoin de se dire. C’est comme cela qu’on comprend ses besoins et attentes. Sans ces espaces, l’enfant se renferme et s’isole. Et c’est là qu’il peut développer des comportements déviants, se laisser influencer en mal et se laisser piéger… Dans la foulée, il faut également une politique d’éducation sexuelle qui se respecte et ce, dès un très jeune âge. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -