Stephan Toussaint (ministre de l’Autonomisation de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs) : « Si la situation était différente… »

Après une année marquée par un confinement total et l’arrêt pendant trois mois de toute compétition sportive, l’heure est au bilan. Le Mauricien a rencontré Stephan Toussaint, ministre de l’Autonomisation de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs, pour connaître le sien. Dans l’entretien qui suit, il nous parle du manque de visibilité pour l’année prochaine, mais aussi des projets réalisés par le MAJSL et ceux qui seront mis en chantier en 2021. Il s’est confié à Jonathan Oriant.

- Publicité -

Stephan Toussaint, l’année 2020 tire à sa fin. Démarrons par une question simple. Comment le confinement et la pandémie de Covid-19 ont-elles affecté le MAJSL ?

Nous avons été frappés de manière directe par la pandémie et le confinement. Et cela a affecté les finances. Tous les ministères ont subi une réduction de leur budget. C’est la première chose. Mais dans un autre sens, nous n’avons pas été affectés outre mesure.

Que voulez-vous dire ?

Nous avons pu maintenir pas mal de nos activités pendant le confinement. Elles se sont tenues de manière virtuelle certes, mais elles ont eu lieu. Je parle ici du ministère de manière générale et pas seulement du département des sports.

Quelles activités justement ?

Des formations telles que le National Youth Civic Service (NYCS), celles du Duke of Edinburgh’s International Award et toutes les autres formations pour la jeunesse que nous avons pu maintenir pendant le confinement.

Peut-on mesurer leur impact finalement ?

Selon les renseignements recueillis, elles ont aidé pas mal de jeunes à rester actifs pendant cette période où le pays était confiné.

Nous avons parlé du volet jeunesse. Qu’en est-il du volet sportif ?

Il y a eu des hauts et des bas ! Nous avons dû renvoyer ou carrément annuler beaucoup d’entre elles. En mars-avril, nous devions tenir trois championnats d’Afrique (ndlr : cyclisme, judo et haltérophilie). Nous n’avons malheureusement pas pu tenir ces grandes compétitions internationales.

Quelle a été, dès lors, la réaction du MAJSL devant ces annulations ?

De notre côté, nous avons décidé de maintenir les allocations de bourses de haut niveau (ndlr : bourses de la High Level Sports Unit), même s’il n’y a pas eu d’entraînement ou de compétitions internationales, même si le budget a été réduit.

Pourquoi avoir maintenu les bourses de la HLSU ?

Certains des athlètes bénéficiaires d’une bourse ne travaillent pas et nous comprenons parfaitement cela. C’est cette allocation qui leur permet de continuer leur activité sportive. Sans cette allocation, beaucoup auraient déjà jeté l’éponge. Pour nous, c’est une très grande satisfaction que d’avoir pu maintenir les bourses.

Il y a eu des bruits annonçant une hausse dans les bourses…

Si la situation était différente, nous aurions fait encore mieux. Nous allions augmenter le barème des bourses. Mais dans la situation actuelle, le maintien des bourses de haut niveau est extraordinaire.

Quels sont les autres aspects affectés, hormis l’aspect financier ?

La réponse la plus difficile à trouver concerne surtout l’après-Covid-19. Nous avons très peu de visibilité sur les compétitions et sur ce que sera l’année 2021.

Il n’empêche que, malgré le manque de visibilité, les athlètes mauriciens resteront actifs…

En effet. Nous avons plusieurs échéances qui nous attendent, avec les JO 2024, dont le comité Horizon Paris 2024 qui tourne à plein régime, les Jeux des îles 2023, les Jeux de la CJSOI 2022. Certes, il y a des projets et des compétitions à venir, mais il y a toujours un peu de brouillard autour.

Vous aviez annoncé, au cours de la présentation de votre bilan annuel, une révision des bourses de la HLSU. Qu’en est-il ?

Personnellement, je penche pour une augmentation. Quand je parle de révision, je ne parle pas de retirer les bourses. Mais dans le cas d’une éventuelle amélioration de la situation économique l’année prochaine, alors, nous allons suivre les recommandations de la Sports Policy et revoir les allocations des athlètes de haut niveau à la hausse.

Pourquoi ?

Pour encourager les athlètes à fournir des performances encore plus brillantes sur la scène internationale. C’est aussi simple que ça !

Venons-en justement aux performances, mais des fédérations cette fois. La Mauritius Football Association (MFA) ne fait-elle pas un pied de nez au MAJSL en donnant l’impression de n’avoir rien à faire de l’avis du ministère ?

Comme toute fédération, la MFA est indépendante et répond à sa fédération internationale. Il faut bien le souligner. Les fédérations sont redevables envers le MAJSL du fait qu’elles reçoivent un financement. Quand une fédération a fauté, nous prenons en considération la faute commise, et dans le cas de la MFA, et par ricochet du Cercle de Joachim, nous avons pris plusieurs actions.

Lesquelles ?

Puisqu’il s’agit d’un transfert de joueurs, c’est le ministère du Travail qui est concerné. Il y a eu une complainte à la police. Par rapport à un document que j’avais reçu à l’assemblée, le MAJSL a fait une déposition à l’ICAC. C’est au tour des institutions d’enquêter maintenant.

Mais concrètement, peut-on parler de sanctions du MAJSL envers la MFA ?

Depuis l’année dernière, la MFA ne reçoit pas de financement direct du MAJSL. Nous finançons la formation et d’autres items. Mais dans les faits, la MFA ne touche pas un sou du ministère. Et finalement, le Cercle de Joachim ne reçoit pas son allocation, celle qu’on appelle le Regionalisation Grant.

Comment donc régler cette question ?

Je suis un fervent de la communication. Pas plus tard que la semaine dernière (ndlr : aux alentours du 10 décembre), nous avons tenu une réunion avec la MFA pour évoquer certaines choses et nous essayons de régler les questions soulevées.

Il existe par ailleurs l’impression que le MAJSL veut garder sous contrôle la MFA en créant en parallèle des écoles de foot…

Ces écoles de formation n’existent pas seulement en football. Le MAJSL a mis sur pied des écoles en basket-ball, en volley-ball, en badminton, en judo, en lutte, entre autres. Au départ, on ne comptait que des écoles de football. Et nous ajouterons d’autres disciplines.

Mais dans le fond, il existe une sélection du MAJSL et une autre de la MFA…

Cela ne veut pas dire que nous avons deux sélections. Le ministère forme ces jeunes, qui sont par la suite disponibles pour les équipes de la Premier League. Je lance d’ailleurs un appel aux dirigeants de ces équipes pour qu’ils accordent une place à ces jeunes joueurs.

Tout à fait autre chose : la création de Local Active Mauritius Partnerships (LAMPS). En les nommant dans les 20 circonscriptions, ne donne-t-on pas une teinte politique à cette initiative ?

Pas du tout ! Les LAMPS sont un dérivé d’Active Mauritius. Le but est de travailler dans les différentes régions, y compris Rodrigues, avec les ONG, les municipalités, les conseils de district. Pour répondre à la question, c’est non. Je n’ai pas vu mes collègues ministres et députés s’afficher lors des différentes activités Camps de Vacances que nous organisons. Délimiter par circonscription ne veut pas dire politiser.

Le MAJSL a signé un partenariat avec une firme privée (Evaco) pour la construction d’une infrastructure sportive. Est-ce dans l’esprit de ce que vous vouliez lors de votre nomination en tant que ministre ?

Oui ! C’est justement le genre de partenariat privé-public que nous souhaitons. Il faut comprendre que l’État ne peut pas tout faire seul, que le privé ne peut pas tout faire seul, les athlètes ne peuvent pas tout faire seuls. L’idée est de regrouper le maximum de personnes de bonne volonté. Dans le cas d’Evaco, cette entreprise a voulu offrir une infrastructure sportive et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions collaborer. On a le terrain, ils ont le savoir-faire. Et ce sont les personnes de Cap Malheureux qui en seront les bénéficiaires. Un pas de plus pour notre National Sports and Physical Activity Policy (NSPAP).

Quel bilan tirez-vous justement du NSPAP deux ans après son lancement ?

Le bilan est positif. Déjà, nous avons une politique sportive. C’est quelque chose qui n’existait pas auparavant. Cette initiative touche aujourd’hui tout le sport, de la base à l’élite. On voit donc Active Mauritius, lancé l’année dernière. La Team Mauritius, qui s’occupe de l’élite, sera lancée vers la fin du mois de janvier. On aurait pu lancer la Team Mauritius, mais avec le confinement, tout a été chamboulé. Coaching Mauritius, dont le travail a commencé, sera lancé l’année prochaine. Il y aura aussi un Sports and Physical Activity Bill.

En début d’année, le MAJSL avait demandé l’apport du public pour une nouvelle Sports Act. Où en sommes-nous ?

Nous lançons encore cet appel à tous ceux qui auraient des idées, aux membres du public et à tous ceux concernés. Nous espérons pouvoir apporter ce projet de loi à l’Assemblée en 2021.

Lors de votre appel au public, quelle a été sa réaction ?

La demande a été bien accueillie. Certains athlètes nous ont envoyé des suggestions. Mais je note que seulement certaines fédérations ont joué le jeu. Nous espérons que d’autres athlètes et coaches pourront envoyer des propositions.

Qu’en est-il des dirigeants ? Y aura-t-il une section bien défi nie qui touche à leur morale et à leur “character” ?

Toutes les personnes dans le giron du sport doivent prendre leurs responsabilités. Le ministre a sa part de responsabilité, de même que tout autre dirigeant de fédération. Et c’est idem pour les athlètes et les coaches. Mais il y a toujours des choses à améliorer. C’est pour cela que nous voulons venir de l’avant avec une nouvelle loi-cadre pour répondre aux besoins et la nouvelle réalité du sport, et ce, pour plusieurs années à venir.

Pour conclure, une dernière question. Récemment, les termes “club fictif” et “fédération fictive” sont souvent revenus sur le tapis ? Comment est-ce que la nouvelle Sports Act va combattre ce phénomène ?

Il faut tout d’abord faire une distinction. Plusieurs clubs et fédérations dits fictifs sont en effet, enregistrés officiellement auprès du Registrar of Associations, selon les renseignements dont nous disposons. Mais ce qui est vrai aussi, c’est de dire que plusieurs ne fonctionnement pas ou que très peu, avec très peu d’activités organisées. Ce qui devrait aider, c’est que ces clubs et fédérations deviennent plus actifs pour le bénéfice de leurs licenciés. Selon la loi, le ministère ne peut en aucun cas s’immiscer dans les affaires de ces clubs et fédérations concernés. Et il faut le préciser, aucun de ces clubs et fédérations ne s’est tourné vers le ministère pour une quelconque aide financière.

 

 

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -