Canada: dernière ligne droite avant le vote après une campagne à l'ombre de Trump

Les candidats canadiens jettent samedi leurs dernières forces dans la campagne législative, à deux jours d'un scrutin qui s'inscrit dans un contexte de menaces inédites du président américain Donald Trump à l'encontre du pays.

Dans un Canada inquiet et déstabilisé depuis le retour du républicain à la Maison Blanche, les libéraux du Premier ministre Mark Carney sont donnés favoris pour le scrutin lundi. Une victoire qui marquerait un revirement spectaculaire.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait en effet toute tracée pour permettre aux conservateurs emmenés par Pierre Poilievre de revenir aux affaires après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau. Mais les attaques du président américain contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d'annexion, ont changé la donne.

Mark Carney, banquier central de 60 ans, jamais élu, ne cesse de rappeler que la menace américaine est réelle pour le Canada. "Ils veulent nos ressources, notre eau. Les Américains veulent notre pays", a-t-il prévenu.

En campagne samedi près de Toronto, il a attaqué son rival conservateur, l'accusant de "n'avoir aucun plan pour faire face à ce moment crucial, ni pour tenir tête au président Trump ou bâtir une économie canadienne forte".

"La président Trump a fracturé l'économie mondiale et trahi le Canada", a déclaré Mark Carney lors d'un rassemblement à Mississauga, une ville juste à l'ouest de Toronto.

"Nous n'avons pas besoin de chaos, nous avons besoin de calme. Nous n'avons pas besoin de colère, nous avons besoin d'un adulte", a ajouté cet anglophone, né dans l'ouest du pays, dont le français est limité.

En face, le chef conservateur veut convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance économique mondiale, de tourner le dos aux libéraux, et promet d'incarner un changement en réduisant les impôts et les dépenses.

Il faisait campagne samedi dans la province de Colombie-Britannique, sur la côte ouest, avant un rassemblement en Ontario dans la soirée.

"Vous ne pouvez pas supporter quatre années de plus comme celles-ci", a-t-il lancé à ses partisans. "A la mère célibataire dont le frigo, l'estomac et le compte bancaire sont vides et qui ne sait pas comment elle nourrira ses enfants demain, gardez espoir: le changement arrive", a-t-il déclaré.

- "Gouvernement fort" -

Dans ce contexte anxiogène, beaucoup de Canadiens voient ce scrutin comme historique: ils sont plus de 7 millions à avoir déjà voté par anticipation pendant le week-end de Pâques, sur les 28,9 millions d'électeurs appelés aux urnes.

Cette élection "est définitivement plus importante et différente" des autres, en raison de "tout ce qui se passe avec les Etats-Unis", estime auprès de l'AFP Nathalie Tremblay.

"Je pense que tout le monde se sent concerné", souligne cette habitante de Montréal qui espère l'élection d'un "gouvernement fort".

Simon-Pierre Lépine s'inquiète, lui, surtout de "dix nouvelles années de régression" si les libéraux, au pouvoir depuis 2015, forment à nouveau un gouvernement.

Leurs "dépenses trop élevées et leur mauvaise gestion" ont plongé le pays "dans un trou financier", estime l'entrepreneur de 49 ans, également à Montréal.

Selon les derniers sondages, les libéraux sont crédités d'environ 42,5% des voix et les conservateurs de 38,7%. Vient ensuite le Nouveau parti démocratique (NPD, gauche) à 8,6%, suivi par le Bloc québécois (parti indépendantiste) avec 6%, et le Parti vert à 2%.

- Faire face à Trump -

Les libéraux ont "réussi à imposer Mark Carney comme étant la bonne personne pour ce moment", où il faut faire face aux Etats-Unis, note Daniel Béland, professeur de sciences politiques à l'université McGill de Montréal.

Même s'il y a eu des efforts des partis d'opposition "pour changer le sujet de la campagne", ils ont échoué "et la donne n'a pas vraiment changé", ajoute-t-il.

"Les conservateurs espéraient qu'il y aurait davantage de débats sur le coût de la vie et les autres enjeux sur lesquels ils ont marqué des points", renchérit Tim Powers, analyste politique.

Il leur reste quelques heures pendant lequel ils vont se "démultiplier" sur le terrain, selon lui, car parfois "des surprises peuvent se produire encore la veille de l'élection".