Sommet Mercosur: l'accord avec l'UE en attente, Lula en invité encombrant de Milei

Le Brésilien Lula devait jeudi ravir la vedette au sommet des pays sud-américains du Mercosur à Buenos Aires, avec une visite prévue à sa vieille alliée politique Cristina Kirchner, en détention à domicile: rien moins que l'opposante N.1 à son hôte du jour, l'ultralibéral Javier Milei.
Le bloc régional du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie), réunit en sommet semestriel ses chefs d'Etat, le regard tourné vers Bruxelles, où se joue l'avenir d'un accord de libre-échange entre l'UE et le bloc sud-américain.
Luiz Inacio Lula da Silva (centre-gauche) prend jeudi pour six mois la présidence du bloc, en relais de son voisin argentin Milei: deux dirigeants aux antipodes idéologiques, à l'inimitié notoire, et qui n'ont toujours pas tenu de tête-à-tête en 18 mois de présidence Milei, malgré leur présence ensemble à divers forums.
Rien n'indiquait mercredi que le sommet de Buenos Aires dérogera à cet évitement.
Une "bilatérale" bel et bien prévue, par contre, jeudi après le sommet, est celle entre Lula et Cristina Kirchner, l'ex-présidente péroniste (2007-2015), qui depuis trois semaines purge à domicile une peine de six ans de prison et d'inéligibilité, pour administration frauduleuse pendant ses mandats.
Soumise à une liste restreinte de visiteurs (famille, médecins, avocats), elle a demandé - et obtenu - de la justice l'autorisation expresse que Lula puisse venir la voir chez elle. La présidence brésilienne a confirmé à l'AFP la tenue de la réunion.
Mais la justice a aussi rappelé à "CFK" Kirchner que son assignation à résidence l'enjoint à "s'abstenir de tout comportement susceptible de troubler la tranquillité du voisinage et/ou de perturber la cohabitation pacifique de ses habitants".

Référence aux centaines de sympathisants qui se sont relayés sous ses fenêtres, en une veille bruyante et quasi-permanente, les jours suivant sa condamnation en juin. Et éventuellement, référence à la nuée de médias que devrait attirer jeudi la venue de Lula.
Le sommet proprement dit, dans une déclaration finale "déjà agréée", selon le chef de la diplomatie argentin Gerardo Werthein, devrait réaffirmer l'importance stratégique, pour le bloc Mercosur, de l'accord de libre-échange avec l'UE, signé fin 2024 au bout de 25 ans de négociations, mais qui doit être ratifié par les pays européens.
L'accord permettrait à l'UE d'exporter notamment plus de voitures, machines ou spiritueux vers l'Amérique du Sud. Et en retour, faciliterait l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, au risque de fragiliser certaines filières agricoles européennes.
La France considère l'accord inacceptable en l'état et veut le voir complété par des mesures additionnelles pour "protéger certains marchés agricoles clés", a récemment plaidé son président Emmanuel Macron.
- Lula convaincu de signer avec l'UE -
Paris a intensifié ses efforts auprès de pays européens pour les rallier à son opposition, alors que le texte juridique de l'accord pourrait être présenté "d'ici quelques jours" au vote des Etats membres, selon la Commission européenne.
Mercredi depuis le Brésil, Lula s'est redit convaincu qu'il signera l'accord avec l'UE "durant (son) mandat de président du Mercosur", soit avant fin 2025. "Ce sera le plus grand accord commercial de l'histoire, avec 722 millions d'habitants répartis entre les deux blocs et un PIB de 27.000 milliards de dollars", a-t-il plaidé.

Dans l'attente, et faute d'UE, le Mercosur avance... avec d'autres Européens. Les chefs de diplomatie sud-américains réunis mercredi ont annoncé la finalisation d'un accord de libre-échange avec l'Association européenne de libre-échange (AELE) qui regroupe Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse, non-membres de l'UE.
Cet accord, conclu initialement en 2019 mais soumis par la suite à révision, crée un marché de près de 300 millions de personnes, facilitant l'accès de 97% des exportations des pays concernés, couvrant notamment biens et services, investissements, propriété intellectuelle.
Les deux blocs s'engagent à garantir la signature du traité "dans les prochains mois de 2025", a affirmé M. Werthein.
Une avancée apaisée, pour un Mercosur, qu'il y a quelques mois encore, Javier Milei menaçait de quitter "si nécessaire" afin de poursuivre son rêve hypothétique d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis de son allié Donald Trump.
D'ailleurs, le sommet devrait parapher une autre avancée douanière: un accord infra-Mercosur sur une liste accrue de produits exemptés du tarif extérieur commun du bloc. Initiative répondant au panorama tarifaire mondial, né de la guerre commerciale américaine.