La cheffe de l'opposition bélarusse sceptique face à une rencontre Trump-Poutine

"Les dictateurs n'ont pas besoin de la paix": la cheffe de l'opposition bélarusse en exil Svetlana Tikhanovskaïa s'est dite sceptique samedi sur les pourparlers prévus entre Donald Trump et Vladimir Poutine au sujet de l'Ukraine, dans un entretien à l'AFP à Amsterdam.

L'opposante a également appelé le président américain à oeuvrer pour apporter la démocratie dans son pays, dont le président autoritaire Alexandre Loukachenko est un allié de Vladimir Poutine, soulignant qu'un Bélarus libre était "dans l'intérêt" des Etats-Unis.

Au sujet d'une rencontre prochaine entre Donald Trump et Vladimir Poutine, qui ont convenu de se retrouver rapidement à Budapest pour des pourparlers sur l'Ukraine, Mme Tikhanovskaïa a assuré ne guère placer d'espoirs dans cette perspective.

"En tant que voisins de la Russie, nous savons que les dictateurs n'ont pas besoin de la paix", a dit l'opposante de 43 ans, qui s'exprimait aux Pays-Bas en marge d'une réunion des socialistes européens.

"C'est pourquoi je ne crois pas du tout que Poutine soit ouvert à des négociations", a-t-elle poursuivi.

Le mois dernier, le Bélarus, dont le président cherche à se rapprocher de Donald Trump, a accepté de relâcher 52 prisonniers politiques après des contacts avec l'administration américaine.

"Nous sommes bien sûr extrêmement reconnaissants au président Trump pour son implication personnelle dans cette opération humanitaire de libération de prisonniers politiques", a dit Mme Tikhanovskaïa, qui a estimé que Washington ne "légitimait" pas le pouvoir d'Alexandre Loukachenko par ces contacts.

"Le président Trump a une approche plus transactionnelle. Il a besoin de succès. Il veut amener la paix dans beaucoup de régions. Et nous nous félicitons bien sûr de ces efforts", a-t-elle dit à l'AFP.

Pour autant, a-t-elle tenu à souligner, le pouvoir bélarusse dispose d'une "source permanente" de prisonniers politiques et que que pour 50 personnes libérées, 150 autres étaient arrêtées.

- "Dans l'intérêt des Etats-Unis" -

Donald Trump devrait comprendre que sans un Bélarus libre, il ne pourra y avoir de paix dans la région, a dit l'opposante de 43 ans.

"Il nous revient d'expliquer qu'il ne s'agit pas seulement d'otages. Il s'agit de l'avenir de notre pays. Et un Bélarus démocratique est aussi dans l'intérêt des Etats-Unis", a-t-elle ajouté.

Mme Tikhanovskaïa a été forcée à l'exil en Lituanie en 2020 après avoir représenté l'opposition à la présidentielle, prenant au pied levé le relai de son mari Sergueï Tikhanovski arrêté avant le scrutin.

De vastes manifestations dénonçant une élection truquée avaient fait vaciller le pouvoir avant que, soutenu par Moscou, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis près de 30 ans, ne déclenche une vague de répression.

Svetlana Tikhanovskaïa a indiqué que son équipe était "en contact permanent" avec l'administration américaine. "Ils ne font pas ces arrangements dans notre dos", a-t-elle dit.

- "Que justice soit rendue" -

L'opposante a relevé que la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye enquêtait tant sur Alexandre Loukachenko que sur Vladimir Poutine, à l'encontre duquel elle a lancé un mandat d'arrêt pour crimes de guerre présumés.

"Ils ont commis assez de crimes pour faire l'objet d'enquêtes, c'est certain", a-t-elle dit.

"Croyez-moi, pour les Bélarusses comme pour les Ukrainiens il est très important que la justice soit rendue. Nous ne pouvons compter sur la justice au Bélarus", a-t-elle ajouté.

"Nous avons besoin de voir que les institutions démocratiques sont suffisamment courageuses et décidées pour mettre les coupables face à leur responsabilité. Dans le cas contraire, les gens pourraient perdre confiance dans les institutions démocratiques", a-t-elle souligné.

Enfin, elle s'est ouverte de ses relations avec son mari, relâché cette année après plus de 5 ans de prison et apparu lors de son arrivée en Lituanie comme très marqué physiquement et psychologiquement.

"Il a bien sûr découvert une nouvelle réalité", a confié Mme Tikhanovskaïa. Lors de son arrestation avant l'élection en 2020 "il a laissé derrière lui une femme au foyer, et maintenant je suis une personne très importante", a-t-elle dit dans un sourire.

Elle a laissé entendre que l'ancien opposant "n'allait pas la concurrencer" aujourd'hui à la tête de l'opposition bélarusse.