Soudan: le pouvoir accuse les paramilitaires de cibler les mosquées à El-Facher

Le pouvoir au Soudan a accusé mercredi les paramilitaires d'avoir ciblé les mosquées et le Croissant-Rouge à El-Facher lors de leur prise de cette ville clé, où "les massacres continuent" selon des images satellite analysées par le Humanitarian Research Lab de Yale.

Après la prise d'El-Facher dimanche à leurs rivaux, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) contrôlent désormais l'ensemble du Darfour, vaste région de l'ouest du Soudan couvrant le tiers du pays.

Commandées par le général Mohamed Daglo, les FSR, qui ont installé au Darfour une administration parallèle, contrôlent désormais l'ouest du Soudan et certaines parties du sud, avec leurs alliés. L'armée contrôle le nord, l'est et le centre du pays ravagé par plus de deux ans de guerre.

Les experts craignent à la fois une nouvelle partition du Soudan et un retour des massacres qui avaient, dan les années 2000, ensanglanté le Darfour entre pouvoir et milices. Les combats se concentrent maintenant sur la région stratégique du Kordofan (sud), voisine du Darfour.

"Plus de 2000 civils ont été tués au cours de l'invasion de la milice (des FSR) à El-Facher, ciblant les mosquées et les volontaires du Croissant-Rouge", a affirmé Mona Nour Al-Daem, chargée de l'aide humanitaire au gouvernement pro-armée.

Le passage frontalier d'Adré entre le Soudan et le Tchad "a été utilisé pour introduire des armes et du matériel pour les milices", a-t-elle ajouté lors d'une conférence de presse à Port-Soudan (est), siège actuel du pouvoir.

De rares images de l'AFP en provenance de Tawila, où ont fui des milliers d'habitants d'El-Facher, montrent des déplacés portant leurs affaires sur leur dos ou sur leur tête. Certains montent des tentes, d'autres, parfois blessés avec des jambes bandées, sont assis près de bidons d’eau dans des conditions précaires.

Depuis dimanche, plus de 33.000 personnes ont fui les violences, majoritairement vers la périphérie d'El-Facher et vers Tawila, cité située à 70 km plus à l'ouest et qui accueille déjà environ 650.000 déplacés selon l'ONU.

- Responsables du PAM expulsés -

Il reste environ 177.000 civils à el-Facher, cité historique où plus d'un million de personnes vivaient avant la guerre, selon les chiffres les plus récents de l'ONU.

Les communications satellite restent coupées -sauf pour les FSR qui contrôlent le réseau Starlink-, les accès d'El-Facher restent bloqués malgré les appels à ouvrir des corridors humanitaires. Dans ce contexte, il est extrêmement compliqué de joindre des sources locales indépendantes.

Dans un communiqué mardi, des militants pro-démocratie ont accusé les FSR d’avoir tué des blessés qui recevaient des soins à l’hôpital saoudien d’El-Facher.

Les analyses d'images satellite d'El-Facher "corroborent des preuves que les massacres ont continué dans les 48 heures ayant suivi la prise par les FSR" d'El-Facher, incluant des exécutions près de deux hôpitaux et des "tueries systématiques" sur les talus de fortification à l'est de la ville, selon un rapport du Humanitarian Research Lab de Yale.

De leur côté, les autorités à Port-Soudan ont décidé d'expulser les deux principaux responsables du Programme alimentaire mondial (PAM) dans le pays, sans donner de raisons, a annoncé le PAM.

"Les besoins humanitaires au Soudan n'ont jamais été aussi importants, avec plus de 24 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë", a-t-il ajouté en précisant avoir pris contact avec les autorités pour protester contre cette décision.

- Pourparlers dans l'impasse -

Depuis la chute d'El-Facher après 18 mois de siège, les accusations d'exactions -nourries par des flux de vidéos violentes sur les réseaux sociaux et des analyses d'images satellite-, se sont multipliées contre les combattants du FSR.

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a alerté lundi sur le "risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres, les viols et les razzias des milices arabes Janjawid dont sont issues les FSR.

L'Union européenne a dénoncé la "brutalité" des paramilitaires et le ciblage "ethnique" de civils, après le "tournant dangereux" de la prise d'El-Facher.

Les pourparlers menés depuis plusieurs mois par le groupe Quad réunissant les Etats-Unis, l'Egypte, les Emirats arabes Unis et l'Arabie saoudite sont restés dans l'impasse, selon un responsable proche des négociations.

Leurs propositions de trêve se heurtent "à l'obstructionnisme continu" du pouvoir Burhane, selon lui.