Grèce: la fermeture des centrales au lignite provoque chômage et exode

Dans le nord de la Grèce, le maire de la ville de Ptolemaïda, ancien pôle de production d'électricité à base de lignite, ne cache pas son inquiétude.

Cette cité de Macédoine occidentale et sa région alentour risquent selon lui de "se transformer en Detroit", du nom de la métropole américaine frappée par l’effondrement de l’industrie automobile.

"Huit jeunes sur dix qui quittent la région pour étudier n’y reviennent jamais", déplore Panagiotis Plakentas, l'édile de cette ville de de plus de 31.000 habitants.

"Le chômage augmente et les emplois supprimés ne sont pas remplacés", explique-t-il à l'AFP.

Dans la région, seules deux centrales au lignite sont encore en activité. L'une fermera en mai et l'autre sera convertie au gaz naturel d'ici la fin 2026.

Onze d'entre elles ont déjà cessé leur activité dans cette région qui fut des décennies durant le centre de production d'électricité à base de lignite en Grèce.

- Très polluant -

La Grèce est engagée dans une vaste transition vers les énergies renouvelables. Pour ce faire, elle a prévu de se défaire d’ici à 2028 de la production d’électricité par la combustion de lignite, une forme appauvrie de charbon très polluant.

A Agios Dimitrios, un petit village proche de Ptolemaïda, trois hommes en tenue de travail savourent leur café face aux cheminées de la centrale thermique. Ils savent qu’avec sa fermeture programmée en mai, ils vont perdre leur emploi.

"Cette 'monoculture' du lignite a été à la fois une bénédiction et une malédiction pour la région", martèle l'un d'eux sans livrer son identité.

"D’un côté, elle a donné du travail pendant des décennies à la plupart des habitants", poursuit-il. "Mais la dépendance de l’économie locale à ce secteur a été si grande qu’elle nous fait sentir qu’il n’y a pas de lendemain pour nous".

A la place, la compagnie d'électricité publique, Public Power Corporation (PPC), a prévu un programme d’investissement de plus de cinq milliards d’euros sur les 3 à 5 prochaines années avec la création de vastes parcs photovoltaïques, des centres de données à haute capacité et des unités de stockage d’énergie.

Le président de la communauté locale, Ilias Tentsoglidis, fustige une "dé-lignitisation violente" et affirme que les projets alternatifs de PPC ne se concrétisent pas.

Des terres de la région avaient été expropriées par la PPC il y a des années pour l'extraction du lignite. Aujourd'hui les habitants préféreraient les récupérer pour les cultiver.

"Nos villages se vident et, dans la plaine la plus fertile de la région, on sème du verre et du béton" en référence aux panneaux photovoltaïques, critique M. Tentsoglidis.

La Macédoine occidentale affiche le taux de chômage le plus élevé de Grèce, à 16,5%, le double de la moyenne nationale (8,1%), selon l’office des statistiques ELSTAT.

Elle est aussi la région qui a enregistré le plus fort déclin démographique au cours de la dernière décennie, avec une baisse de 10,1% de sa population.

Selon les estimations des syndicats, plus de 10.000 emplois ont déjà été perdus en Macédoine occidentale, et ce chiffre devrait atteindre 20.000 lorsque le plan de transition verte sera entièrement mis en œuvre.

L'exploitation du lignite, très polluant, a également eu des répercutions sur la santé des habitants de la région.

Une étude publiée en décembre dans la revue internationale scientifique Atmosphere a établi un lien entre la diminution des maladies cardiovasculaires et l'amélioration de la qualité de l'air enregistrée grâce à la réduction de l'activité liée au lignite dans cette région.

- Poison -

Un tribunal a récemment condamné la PPC à verser environ 1,5 million d’euros de dommages et intérêts pour avoir contaminé la nappe phréatique en raison d’une mauvaise gestion des cendres issues de l’activité autour de la grande ville voisine, Kozani.

"Nous buvions du poison" sans le savoir, raconte, amer, M. Tentsoglidis. Et "nous nous sommes réveillés un matin et on nous a dit que l’eau n’était plus potable. Non seulement il ne fallait plus la boire, mais il ne fallait plus la toucher non plus".

L'avenir? Alexis Kokkinidis, un mécanicien de 45 ans, ressent "de l’incertitude et de la peur".

"La seule chose qui me retient ici, c’est l’attachement émotionnel", confie ce père de deux enfants, dont le contrat prendra fin en mai.

"Je suis né et j’ai grandi ici mais on ne peut pas vivre de sentiments".