AVRIL 1952: Zamana dénonce l’oubli organisé de Maurice Curé

Si, passionné de politique et de social, vous avez assisté à un des grands rassemblements tenus le 1er-Mai dernier, pour la Fête du Travail, avez-vous entendu un des orateurs prononcer le nom de Maurice Curé ? Quid des orateurs du Parti travailliste ou du MMM qui avaient l’attention plus braquée sur leurs thèmes de scandales du moment, mais même les syndicalistes auront oublié, ce jour-là, celui qui — l’Histoire ne peut le nier — fut le véritable initiateur du grand mouvement ouvrier et qui, à partir de la fondation du Parti travailliste en 1936, permit d’innombrables avancées sociales dans le pays.
Toutefois, pareil oubli ne date pas d’hier puisque, aussi tôt que 1952, soit seulement quinze ans après que Maurice Curé eut choisi de sacrifier sa carrière de médecin qui aurait pu sûrement le mettre à l’abri du besoin, le journal Zamana, organe du mouvement bissoondoyaliste imprimé par B. Bucktowarsingh au no. 14, rue Vallonville, à Port-Louis, dénonça déjà la marginalisation du fondateur du Ptr, lequel pour le journal fut, en réalité, le vrai « libérateur des travailleurs de notre pays ».
Zamana, publié en anglais, français et surtout, en hindi, dans la mesure où la publication militait également pour la promotion des valeurs et cultures ancestrales, trouva dans l’appel du Dr Curé aux travailleurs de venir l’écouter en masse au Champ de Mars le 27 avril 1952, l’occasion de pourfendre une « imposture et l’ingratitude (envers Curé) qui menacent de faire sombrer la société ». C’est de manière virulente que le journal, contrôlé par Sookdeo Bissoondoyal (ennemi politique juré de Seewoosagur Ramgoolam) vécut la situation de Maurice Curé à l’époque. Voici un large extrait de l’article :
« Ce n’est pas parce que l’oubli est une loi de la vie que nous devrions jamais faire un effort pour nous souvenir de ceux qui sont à la source même de certains des progrès politiques dont nous bénéficions énormément. Dans notre hâte coutumière, nous ne nous apercevons pas des racines qui nourrissent le fruitier devant la porte. La première cause de ce grand bien, c’est que l’arbre, c’est la graine qui s’est sacrifiée pour donner la vie et forme à ce que nous voyons dresser devant nous comme un miracle. La graine a disparu sans que nous sachions.
Mais c’est un devoir de ne pas être ingrat envers celui qui nous a fait du bien, envers cette cause première, cette graine qui s’est donnée pour le bien des autres. Il y a de mauvaises langues aujourd’hui, il y a de nombreux imposteurs prétentieux qui (lorsqu’on les regarde de près, il est visible qu’ils n’ont aucune valeur intrinsèque) veulent jeter la pierre au Dr Curé. Ils le font sans se gêner parce que l’ingratitude est si facile et n’exige pas que l’ingrat soit le moindrement intelligent. Mais les gens honnêtes devant s’ériger en protestataires fermes, lorsque l’imposture et l’ingratitude menacent de faire sombrer la société.
Nous entendons dire si souvent que la Nouvelle Constitution fut obtenue grâce aux discours de quelques membres du Comité Consultatif. Ceux qui ont cette prétention ne se rendent pas compte que la formation de ce comité a précédé des discours et que ce qui a précédé ce comité, ce sont des événements que personne n’a oubliés et qui ont eu pour force motrice le zèle et le sacrifice de quelques-uns. Ce zèle et ce sacrifice, nés d’une volonté supérieure, ont été la graine qui consentit à s’effacer pour l’émancipation de la majorité.
Lorsque ce drame se déroulait, il y a plus d’une quinzaine d’années de cela, beaucoup de ces imposteurs, qui ne se lassent pas de se faire imposer par leurs trucs, pensaient que TIME IS MONEY : qui à l’Information Office, qui dans leurs études, qui dans leurs cabinets de consultations réclamant des fees exorbitants comme praticiens qui, parce qu’ils possédaient certains appareils, mettaient en pratique la maxime anglaise.
Qui fait progresser la société ? Est-ce l’ami des riches exclusivement, est-ce le courtisan des officiels, est-ce le détenteur des permis et des privilèges ? Si nous évoluons, nous le devons toujours à la fermeté, à l’esprit de résistance pour le bien, à la persévérance de celui qui sait regarder au-delà des satisfactions personnelles et des ambitions du moment. Lorsqu’un homme se dit qu’il ne courbe pas sous les coups de l’oppression et ne lâche pas, la société fait un pas vers lui pour le bien général.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -