Charbon : quand les Chinois menacent le climat

La Chine l’avait promis à la conférence de Paris sur le Climat en 2015 : elle réduira ses émissions de gaz à effets de serre, et donc de CO2. Une promesse que le géant asiatique n’a que partiellement tenue. Car si Pékin a engagé des actions pour mettre un frein à sa production énergétique liée au charbon, elle a, dans le même temps, intensifié l’exportation de cette source d’énergie fossile.

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La Chine se bat d’un côté chez elle pour limiter sa production d’énergie liée au charbon, mais de l’autre, le premier émetteur de CO2 au monde exporte cette technologie polluante en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, selon les experts. Les émissions de CO2 de ces centrales à charbon financées par la Chine pourraient handicaper les efforts mondiaux pour freiner le réchauffement climatique provoqué par les carburants fossiles, en particulier la houille, mettent en garde ces spécialistes.

“La Chine est le leader mondial pour prendre des mesures et faire les investissements nécessaires pour progressivement décarboner son économie”, explique Tim Buckley, du think tank Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA). “Mais au niveau international, la Chine continue d’investir dans une série de projets charbon, en contradiction directe avec sa stratégie énergétique nationale.”

Le charbon représente 40% des émissions mondiales de CO2, et plus des 2/5e de l’électricité mondiale est produite grâce à cette énergie, soit près du double de la part du gaz naturel et 15 fois plus que l’éolien et le solaire combinés. Un quart des centrales à charbon en projet ou en construction hors de Chine sont soutenues par des institutions financières officielles et des entreprises chinoises, selon une étude de l’IEEFA. “Le risque est d’enfermer ces pays dans quelque chose qui n’est pas bon pour eux à long terme, et c’est incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris”, qui vise à limiter le réchauffement à maximum +2°C, souligne Christine Shearer, auteure de cette étude qui doit être publiée prochainement.

Le Giec prévient.

Nombre des bénéficiaires des largesses chinoises (Égypte, Nigeria, Kenya, Sénégal, Zimbabwe…) n’ont aujourd’hui aucune ou très peu d’énergie produite par le charbon et pas de charbon pour alimenter les futures centrales. “Cela veut dire qu’ils devront construire des infrastructures d’importation ou des mines de charbon”, note Christine Shearer.

Pour limiter le réchauffement à +1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, les scientifiques du Giec ont souligné qu’il faudrait réduire les émissions de près de la moitié d’ici 2030. Malgré tout, les institutions financières chinoises ont engagé plus de 21 milliards de dollars pour développer 31 gigawatts de centrales à charbon dans une douzaine de pays, et 15 milliards de dollars supplémentaires sont en projet pour financer des capacités de 71 GW dans 24 autres pays, selon l’IEEFA.

Il existe déjà aujourd’hui près de 2,500 centrales à charbon d’au moins 30 mégawatts, pour une capacité totale de quelque 2,000 GW, selon l’organisme Global Coal Plant Tracker. “De nouvelles infrastructures houillères enterreraient nos chances de contenir le réchauffement bien en dessous de +2°C”, met en garde Heffa Schuecking, directrice d’Urgewald, Ong allemande spécialiste du secteur du charbon.

Selon l’Onu, pour garder le monde sous les +1,5°C, il faudrait quasiment éliminer le charbon des mix énergétiques d’ici 2050. Le charbon utilisé en Chine (la moitié du total mondial), a largement diminué ces dernières années, tout comme les émissions de CO2, même si ces dernières sont reparties à la hausse cette année.

Dans le reste de l’Asie, la forte demande d’électricité a provoqué un boom de la consommation de charbon. La Corée du sud et le Japon financent aussi des énergies fossiles à l’étranger, mais leur part de marché se réduit face aux Chinois. “Les entreprises chinoises sont plus prêtes à se frotter à des pays et à des marchés risqués”, explique Han Chen, experte du Natural Resources Defense Council.

“Ils ont le choix”.

La Chine a tout à fait conscience des critiques grandissantes envers cette politique de financement du charbon, note Laurence Tubiana, ancienne négociatrice française et cheville ouvrière de l’accord de Paris. Mais face à une économie chinoise qui ralentit, les géants publics du charbon cherchent de nouveaux marchés à l’étranger, commente Christine Shearer.

Reste que, selon une dizaine d’experts interrogés, Pékin pourrait investir différemment à l’étranger. “Ils ont le choix”, souligne Oliver Sartor, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). “Cela semble hypocrite de faire le ménage à la maison et d’investir dans le charbon à l’étranger.”

Selon Laurence Tubiana, “le secteur privé chinois, dynamique et très impliqué dans les renouvelables ou les véhicules électriques, pourrait être un moyen parfait pour l’influence chinoise à l’étranger”. D’autant que plusieurs projets houillers financés par la Chine ont rencontré une forte opposition, notamment au Sénégal ou au Bangladesh, déjà frappés par les effets du changement climatique. Renato Redentor Constantino, de l’Institute for Climate and Sustainable Cities à Manille, pense que la Chine fera le choix des renouvelables : “Mais elle ne le fera pas toute seule (…) Il doit y avoir une pression de la part des autres pays et de la société civile.”

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