COLLECTIONNEURS : Les coquillages, luxuriance de formes et de couleurs

C’est au total 8000 coquillages en provenance des mers du monde entier, représentant une diversité d’environ 1500 espèces qui seront présentés dans quelques jours au public dans un espace de 150m2 au Ruisseau Créole à Rivière-Noire. Dans ce nouveau musée, né de la passion d’Eric Lecourt pour les coquillages, les visiteurs pourront découvrir de nombreux spécimens de toutes les grandes familles de ces mollusques marins, du plus minuscule mesurant 1 millimètre au plus grand faisant 400mm. En attendant l’ouverture imminente, il nous dévoile ses trésors…
Qu’ils vivent au fond des lagons ou enfouis dans le sable, qu’ils soient végétariens ou carnivores ou même empoisonneurs, impossible de rester insensible à la beauté et à l’infinie variété des coquillages que l’on trouve rarement aujourd’hui sur nos plages. Ceci à cause de la pêche intensive, des activités marines détruisant leur habitat ou récolte abusive. Puisqu’ils se font de plus en plus rares sur nos plages et dans nos eaux, certains collectionneurs ont pu conserver et constituer une belle collection qu’ils proposent de faire découvrir. À l’instar d’Eric Lecourt âgé, de 58 ans et habitant Rivière Noire.
Arborant un look décontracté, Eric Lecourt qui nous reçoit cet après-midi du mardi au Ruisseau Créole, s’accorde une petite pause. Les soixante-huit vitrines ayant été installées depuis quelques jours, celui-ci se rend à son musée, The World of Seashells, chaque jour très tôt le matin pour y disposer les coquillages de sa collection. Ce jour-là, il en était à sa vingt-septième vitrine. Sur 150m2, 8000 pièces de sa collection provenant des quatre coins du globe seront dévoilées aux visiteurs dans deux à trois jours — la date exacte n’étant pas confirmée, dépendant de la fin de l’ordonnancement du musée cette semaine.
Dans chacune des vitrines, les coquillages sont réunis selon leur famille, leur nom, leur auteur, leur provenance. Ici se côtoient, dans une diversité de formes et de couleurs, les trésors de sa collection : des cônes ou conidae, des cypre, des tereba, des volutes, des lambis et d’autres superbes spécimens. Ceux-ci proviennent entre autres de la Méditerranée, du Japon, du Sénégal, de l’Inde, des Maldives. Les coquillages de nos côtes ainsi que celles d’Hawaï, de Californie, de la Colombie, du Mexique, de L’Australie, de la Mer Rouge, de la Nouvelle-Calédonie sont aussi à l’honneur. « Ils proviennent de toutes les régions du monde», nous dit Eric Lecourt. De vitrine en vitrine, on y découvre les espèces existant sur les différents continents. Les collectionneurs trouveront tous les noms des coquillages répertoriés à juillet 2014 sur le World Register of Marine Species (WoRMS ou Régistre mondial des espèces marines).
Offrande de la mer aux hommes
The World of Seashells, Eric Lecourt le dédie à ses parents, Pierre et Gyslaine Lecourt de Billot. Car c’est de ces derniers qui avaient commencé leur collection en 1960 qu’il a hérité la première partie de ce florilège.
Il se souvient de l’époque de son enfance quand «sur les plages on trouvait encore des quantités de coquillages échoués, que l’on pouvait ramasser». Une offrande bienveillante de la mer aux hommes, avant la déformation industrielle de nos plages. C’est à la mort de son père en 1981 qu’il décide de reprendre la collection, constituée d’environ 2000 pièces. Mais pendant longtemps, ils seront conservés dans des caisses, tiroirs, vitrines, car cet ancien employé de la propriété sucrière de Savannah, marié et père de quatre enfants, ne disposait pas trop de temps pour s’en occuper.
Les années passent, les enfants devenus adultes, et lui s’apprêtant à prendre sa retraite anticipée, il consacrera ses loisirs à s’occuper de ses coquillages, à les nettoyer, les disposer soigneusement dans les vitrines de son bureau. C’est ainsi que peu à peu, il se laissera gagner par la passion du collectionneur surtout lorsque sa collection commence à s’agrandir grâce à un généreux donateur, en la personne de Félix Lorenz et plus tard à l’achat de toute la collection de la boutique Argonaute. «J’ai reçu en 2006, une partie de la collection d’un de mes amis, Félix Lorenz, conchyliologiste allemand, auteur de plusieurs ouvrages sur les coquillages. Avant de racheter toute la collection d’Argonaute de Geneviève Gheo, la veuve de Jean Gheo, grand collectionneur. Mais c’est aussi au gré de mes nombreux voyages, que ce soit lors de belles promenades au bord de l’eau ou lors de mes plongées sous-marines en Egypte (Mer Rouge), à Madagascar, en Allemagne, que ma collection a encore pris de l’ampleur», dit-il.
Pour l’enrichir davantage, il visitera des salons internationaux. La rencontre avec de nombreux collectionneurs étrangers lui a aussi permis de faire des échanges et d’apporter de nouvelles pièces à sa collection. «Chaque année, depuis 2006, je me rends à Paris au mois de mars où se tiennent les rencontres internationales du coquillage. Le salon est le rendez-vous incontournable de ces collectionneurs du monde entier. Ils sont 75 à exposer. Cette manifestation est l’occasion pour les passionnés de venir admirer la diversité, les plus belles coquilles en provenance des quatre coins du globe. C’est un espace de rencontre, mais aussi l’opportunité d’échanger», dit-il.
Redoutables
Ainsi, en l’espace de quelques années, il collectera une magnifique collection de plus de 10 000 pièces. Mais que faire de tous ces trésors marins entassés chez lui dans des boîtes? L’idée du musée commence alors à germer. «Je trouvais que c’était malheureux de ne pouvoir partager leur beauté avec d’autres. L’idée d’exposer ma collection a commencé à prendre forme il y a deux, trois ans de cela», nous dit-il. Il consacre alors tout son temps à une nouvelle activité : recherches scientifiques, tri, identification des espèces. Ceci en faisant des recherches dans les livres spécialisés sur le sujet et internet. Les conseils et l’aide de son ami Félix Lorenz lui seront aussi précieux.
Bien que le musée ne puisse pas accueillir toutes les pièces de sa collection, Eric Lecourt est fier de pouvoir en exposer au moins une grande partie. Chez lui, le plus minuscule est un Giberula qui fait 1 mm et le plus grand, un Tritonus Charonia qui fait 400mm. Ce géant est une espèce protégée mondialement. Car il est le principal prédateur connu de l’étoile de mer Acanthaster qui se nourrit principalement de corail. «Le Tritonus Charonia mange les Acanthaster, responsables de la destruction des récifs coralliens, dont elles consomment les polypes en grande quantité». 
Gastropodes, mollusques, bivalves…, ils n’ont plus de secret pour cet habitant de Rivière-Noire qui est devenu un spécialiste en la matière. De lui, on apprend que les coquillages sont classés en quatre grands groupes en fonction de leurs habitudes alimentaires. Il y a ceux qui vivent dans le sable et qui se nourrissent un peu de tout, dont des vers, d’autres, de mollusques (dont, parfois, leurs propres congénères), d’autres encore de poissons. Et enfin d’autres qui se délectent d’algues. Il existe aussi certaines espèces qui représentent un réel danger pour l’homme. Comme des certains cônes de grande taille appartenant à la classe des Gastropodes. Carnivores, ils injectent un poison pour tuer leur proie. «Le Conus geographus présent dans nos lagons, est particulièrement redoutable. Sa piqûre peut même être mortelle et il n’existe pas d’antidote au venin de ce cône.»
Au World of Seashells, on y trouve une variété de cônes dont certains sont inoffensifs, dans une grande variété de motifs. La valeur des coquillages dépend essentiellement de leur rareté. «Des spécimens d’une même espèce, mais présentant des motifs différents, coûtent plus cher, car ils sont moins commun», dit-il.
« Professeur Tournesol »
Pour lui, les régions les plus riches en variétés, c’est aux Philippines, en Egypte et à Madagascar qu’on les trouve. «70% des coquillages proviennent des Philippines», dit-il. Toutefois, c’est dans une des régions les plus pauvres en coquillages qu’il a pu dénicher une nouvelle espèce. C’est en effet à St-Brandon qu’a été découvert un spécimen qui porte aujourd’hui son nom. «Lors d’une promenade en bord de mer à St-Brandon (sur l’archipel Cargados Carajos), ma femme, mon fils, et moi avons recueilli une dizaine de coquillages identiques qui ressemblent à des cônes que nous ne connaissons pas. Après avoir été examiné par le conchyliologiste Félix Lorenz qui découvre qu’il s’agit d’une nouvelle espèce, il sera baptisé « Lecourtorum »», raconte-t-il.
Si Eric Lecourt reste fasciné par la variété des formes et des couleurs des coquillages, il porte en ce moment un intérêt tout particulier aux micro-shells, des coquilles microscopiques. Ainsi, lorsqu’il n’est pas au musée, cet homme que ses enfants aiment appeler « Professeur Tournesol », s’installe à son bureau et à l’aide d’une loupe binoculaire, les prélève dans une petite quantité de sable. Ces animalcules, d’une taille parfois inférieure à 1mm, sont aussi un domaine où il reste encore beaucoup à découvrir, dit-il.

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