Crises et dysfonctionnements

Le décès, « in custody », du détenu Jean Caël Permes le 5 mai est venu jeter l’opprobre une nouvelle fois sur certains dysfonctionnements et crises au sein de notre univers carcéral. Trois détenus sont en effet morts en seulement trois mois. Trois citoyens mauriciens, bien qu’ils ne soient pas des anges, placés sous la responsabilité de l’État, donc, puisque la prison est une agence étatique, et qui ont trouvé la mort dans des circonstances pour le moins… douteuses. Cette semaine, en plein débat autour du Covid-19 Bill, très animés d’ailleurs, la population, toujours en mode confinement, et se préparant à une reprise partielle, a été sérieusement secouée par ces nouvelles donnes.

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Louis Michael Louise, 41 ans, habitant Roche-Bois, est mort le 20 mars dans le sillage d’une mutinerie et d’incidents qui avaient éclaté à la prison de Beau-Bassin. Jean Alain Auguste, 30 ans, lui, a été découvert pendu dans sa cellule de la prison de haute sécurité de Melrose le 29 avril. Enfin, le cadavre de Jean Caël Permes, 29 ans, habitant Cité Sainte Claire, Goodlands, a été retrouvé le 5 mai, après son transfert de la prison de Beau-Bassin à celle de La Bastille, à Phœnix.

Le cas de Caël Permes et les allégations de brutalités et d’extrêmes violences à son égard, de la part d’une unité de gardes-chiourmes, n’a pas fini de faire couler (beaucoup) d’encre. Et pour cause : la violence en milieu carcéral n’est pas un phénomène nouveau. Mais quand des détenus meurent et que les circonstances sont loin d’être transparentes, les questions fusent. Dont celle de la confiance que l’on doit placer dans nos institutions, et surtout envers les hommes qui les dirigent.

Ce sentiment s’est sérieusement effrité dans le sillage de ces récents événements. Déjà, au début du confinement, où des dérapages ont été filmés et postés sur les réseaux sociaux, montrant certains éléments de la force policière passant des citoyens à tabac, le choc avait été très brutal. Les décès, cette fois derrière nos barreaux, sans compter une foule d’incidents qui ont déjà émaillé l’univers carcéral récemment, de même que plusieurs amendements à caractère répressif dans le Covid-19 Bill, font pour le moins tiquer. Sans oublier le doigt, semble-t-il menaçant, de l’Attorney General, Maneesh Gobin, à la télé nationale le week-end dernier… Transférer des éléments perturbateurs ou démanteler une unité à la prison ou au sein de la police ne sont pas les vraies réponses à ces problèmes, où le leadership semble faire sérieusement défaut.

Serions-nous en train de basculer dans un régime totalitaire et dictatorial ? Au sein de nos institutions pénitentiaires, d’ailleurs, certains semblent avoir déjà commencé à sévir et y prendre goût, à en croire des officiers de prisons, qui témoignent dans nos colonnes. Nos prisons, censées être des institutions réformatrices, seraient-elles devenues des camps de torture et de violences ? À en croire certains officiers, et non des moindres – car parmi ceux qui ont souhaité se confier au Mauricien, l’on compte des hauts gradés ayant plus de 30 ans de service –, nos geôles seraient des lieux où l’on cogne sans réfléchir sur les détenus, histoire de leur faire comprendre « ki sannla ki mari »… Une attitude qui nous mène à un autre débat : celui de l’état du globe après la crise du Covid-19.

Le nouvel ordre mondial comptera-t-il (enfin !) avec l’Afrique ? La crise sanitaire et ses corollaires socio-économiques verront les paramètres éclaboussés et les données, revues. Il est clair que sur l’échiquier, les pions d’hier n’auront très bientôt plus les mêmes valeurs.

Dans cette avenue, l’intervention cette semaine du président de la République malgache, Andry Rajoelina, sur la chaîne d’informations France 24, au sujet du « Covid Organics », remède élaboré par l’Institut malgache des recherches appliquées, est on ne peut plus pertinente. À une question sur la légitimité du « Covid Organics », Andry Rajoelina a en effet remis les pendules à l’heure, rappelant que de tout temps, le monde occidental, principalement, aura toujours eu tendance à sous-estimer tout ce qui provient du continent africain. Pourvu que ça change !

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