Distribution d’eau – Robinets à sec : Curepipe s’embrase

  • Manifestation jusqu’à fort tard dans plusieurs quartiers de la Ville Lumière des abonnés de la CWA, excédés de ne pas avoir d’eau depuis plusieurs jours
  • “Noun plein!”, disent les citoyens, qui réclament la démission d’Ivan Collendavelloo

Alors qu’on célébrait la veille la Journée mondiale de l’eau et que le Premier ministre p.i. et ministre des Utilités publiques, Ivan Collendavelloo, a lancé un appel aux Mauriciens de “respecter et ne pas gaspiller l’eau”, des centaines de Curepipiens sont descendus dans les rues, hier, pour exprimer leur colère. “Noun plein!” scandait la foule grandissante aux allures des gilets jaunes français. Exaspérés du calvaire qu’ils vivent avec le robinet à sec depuis plusieurs jours, les habitants de Forest-side, Cité Atlee et Cité Joachim ont bloqué la route principale menant à La Brasserie pendant plusieurs heures, hier après-midi. Même la pluie battante ne les a pas découragés. Et le mouvement de protestation a gagné plusieurs autres quartiers de Curepipe. “Nou envi baigné, brosse ledents, cuit manger pou nou zenfans”, ont-ils fait comprendre. La SSU a dû être mandée sur les lieux pour tenter de rétablir rétablir l’ordre. Mais ni la présence policière, ni les camions-citernes déployés par la CWA et encore moins la présence de la députée du PMSD, Malini Sewocksing n’ont calmé la fronde. Réclamant la démission du ministre des Utilités publiques, les habitants de Curepipe sont restés jusqu’à fort tard dehors, bloquant les routes principales et attendant que la distribution d’eau soit rétablie comme promis.

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Depuis deux mois, la distribution d’eau se fait au comptegouttes dans plusieurs régions de Curepipe. Cité Atlee, ForestSide, Cité Joachim, et plus loin à la rue La Croix, le calvaire est le même. “Delo couler vers 6h di matin, ek enn demi-heure après, dithé pa gagn letan fer, linn fini arrêter”, se plaignent les ménagères. Plusieurs plaintes ont été faites auprès de la CWA. Si des camions-citernes ont sillonné ces régions pour une distribution d’eau, les habitants s’insurgent que c’est l’eau de la rivière qui leur est distribuée. “Nou finn gagn ti million ek lever dan delo camion. Ena dimoun pe malade. Zenfan pe gagn la gratelle”, déplorent-ils. Et depuis une semaine, leur calvaire a empiré. Pas une goutte d’eau. C’est ce qui a fait déborder le vase, hier, les Curepipiens déplorant un total manque de considération de la part des autorités. “Kouma pou viv? Nou pa kapav aster delo bouteille pou baigné!”, disent-ils. On leur avait fait comprendre que l’eau coulerait à 13h, hier après-midi. Mais à 15h30, les robinets étaient toujours à sec. “Sa même kinn déclenche tou!”, disent-ils, excédés.

“Nou pas oulé koz-kozé, fer selfie are politicien, nou oulé délo”

La présence de la force policière n’a pas refroidi la foule qui, au contraire, grandissait au fil des heures, les manifestants préférant attendre sur place que l’eau coule de nouveau pour libérer les rues. Ils ont bloqué la circulation, empêchant les autobus se dirigeant vers La Brasserie ou Curepipe de rouler. Les deux camionsciternes, escortés par trois véhicules de police envoyés par la CWA pour tenter de calmer la colère populaire, n’ont pas servi à grand-chose. “Nou pa pe fer dezord. Nou lé nou droit. Nou lé nou délo”, scandaient-ils.

À un moment, la foule de Cité Atlee et Forest-Side s’est déplacée vers le Pont Carbonel pour bloquer cette artère principale de Curepipe. La présence de la députée bleue Malini Sewocksing a décuplé leur colère, ces citoyens estimant que certains politiciens, dont Edley Chimon, ancien candidat du PTr à Curepipe également, cherchent un capital politique de leur calvaire.

Malini Sewockinsing a tant bien que mal tenté d’expliquer aux manifestants qu’elle n’avait aucun pouvoir pour rétablir l’eau, rien à faire. Sa présence sur les lieux dérangeait. “Nou pas oulé koz-kozé, fer selfie are politicien. Nou oulé délo”, ont-ils insisté. Après discussion avec la police, ils ont tout de même accepté de dégager la route principale A10 et de regagner La Brasserie Road pour manifester dans leur région. Mais déjà, le mouvement se propageait dans d’autres artères de Curepipe. Plusieurs personnes au niveau de la Rue La Croix et Commerson sont également descendues dans les rues. Devant l’ampleur de la manifestation, les autorités ont augmenté le nombre d’officiers de l’ordre à Curepipe, où le mouvement de grogne, au fi l des heures, gagnait d’autres quartiers également privés d’eau depuis plusieurs jours. Déplorant qu’il n’existe aucune communication entre eux et la CWA, les Curepipiens réclament qu’on leur dise la vérité. “Au moins, koz are nou! Nou conner pa pou gagn délo ni zordi ni demin, mais dire la vérité!”, disent-ils, remerciant, par là-même la police pour le maintien de l’ordre.

“Kifer lezot l’endroit gagn délo? Kifer guette figir?”

Si quelques têtes brûlées ont tenté d’allumer un feu au milieu de la route avec des pneus usagés, très vite, les manifestants eux-mêmes se sont assurés que la situation ne dégénère. Ils ont indiqué aux forces de l’ordre que “pa zis cité Atlee ki là, pa zis cité St Luc et Joachim, c’est plusieurs régions Curepipe ki là. Nou pa pe fer dezord, nou pa pe zourer, nou bizin zis délo. Nou pe reklam délo parski nou pe gagn ariéraz lor papier délo kinn vinn plis ki Rs 1,000 alors ki robinet sec.”

En janvier dernier, deux jours de suite, les habitants de Forest-Side étaient également descendus dans les rues pour exprimer leur colère car privés d’eau depuis plusieurs jours. Après ces manifestations, la CWA avait fini par ouvrir les vannes et établi un nouveau programme de distribution pour les régions de La Brasserie et de Forest-Side, mais au compte-gouttes. “Éna dimoun fini ale travay, lerla délo couler. La oussi, enn larme. Pa kapav rempli tank”, disent-ils. Leur exaspération a poussé les habitants à descendre dans les rues. “Kifer lezot l’endroit gagn délo? Kifer guette figir?”, demandent-ils.

À 20h30 hier soir, ils étaient encore très nombreux dans les rues de Curepipe. Outre un important regroupement à Cité Atlee, plusieurs centaines de personnes s’étaient regroupées devant le Stade George-V. Les routes en direction de la gare paralysant l’accès vers le centre de Curepipe et vers le Sud avaient été bloquées, forçant l’intervention de la SSU. Une déviation des véhicules arrivant de la Vigie a dû être effectuée sur la rue Pasteur.

Aux alentours de 21h, le député PTr Arvin Boolell s’est déplacé au Stade George-V. Il a confié aux manifestants que le directeur de la CWA – avec lequel il venait d’avoir une conversation téléphonique – lui a donné la garantie que la distribution d’eau sera rétablie à 4h ce dimanche matin. Arvin Boolell a indiqué que, selon la CWA, des réparations avaient été faites sur le réseau et qu’il faut maintenant attendre demain pour que la situation se rétablisse. Après cette annonce, faite en présence de la responsable de communication à la CWA, Dorina Prayag, même si peu convaincus, ces manifestants de George V ont regagné leur domicile.

Plus loin au niveau de Winner’s, les habitants de Cité Atlee et Forest-side ne décoléraient pas. Les manifestants ont allumé un feu devant la caserne des pompiers. Feu rapidement maîtrisé. Il a fallu à nouveau l’intervention d’Arvin Boolell ainsi que celle du syndicaliste Ashok Subron pour calmer les esprits. La foule s’est peu à peu dispersée, non sans avoir fait comprendre que “si 4h pena delo, nou redesan.” Au niveau de l’entrée de Cité Joachim, la situation est restée tendue jusqu’à fort tard. Après avoir mis le feu au milieu de la route pour la bloquer, les manifestants sont restés massés sur les lieux, ne voulant pas entendre qu’il faille attendre jusqu’à 4h du matin pour que l’eau coule.

DERNIÈRE HEURE

À l’heure où le Week-End mettez sous presse tard hier soir, seuls les habitants de Cité Joachim étaient toujours massés dans les rues. Avec un feu alimenté de feuilles de bananiers et de matelas usagés, ils avaient bloqué l’accès vers Curepipe via La Brasserie.

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