Enjeu — Finances publiques : La double échéance du 15 avril

D’ici à la fin de juin, quand seront adoptées à l’Assemblée nationale des budget estimates de l’ordre de Rs 120 milliards pour l’exercice financier 2019-20, les conjectures axées sur les kado bidzeter du gouvernement Piti/Papa iront s’intensifiant. Dans l’immédiat, les premières certitudes portent sur le calendrier menant à cet exercice de prestidigitation financière exécuté par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, constituant l’une des dernières étapes du présent mandat. Du côté de Lakwizinn du Prime Minister’s Office, avec l’un des Top Chefs en délicatesse personnelle, l’on est conscient de l’importance cruciale du prochain budget par rapport à l’échéance des prochaines élections générales. Déjà, une première date est évoquée, soit le dimanche 8 décembre, comme étant celle du scrutin. Dans la conjoncture, les dates à retenir restent le vendredi 22 mars pour la présentation par le chef commissaire, Serge Clair, à l’Assemblée régionale, du budget de Rodrigues autonome. Des investissements de Rs 4 milliards pour le projet de la piste d’atterrissage à Plaine-Corail devraient figurer dans ce regional budget speech. Puis, il y a le lundi 15 avril, date imposée aux Supervising Offcers des ministères et départements du gouvernement pour la soumission des budget proposals, both expenditure and revenue à la budget cell du ministère des Finances. À cette même date, les partenaires sociaux auront déjà formulé leurs memoranda dans le cadre des consultations prébudgétaires. Tout semble confirmer que le prochain budget devrait être présenté à l’Assemblée nationale au début de la première quinzaine de juin, avec les débats budgétaires s’échelonnant jusqu’au vendredi 28 juin au plus tard et le Finance Bill adopté bien avant le vendredi 19 juillet, jour de l’ouverture des 10e Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI) se déroulant à Maurice.

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Les premières indications quant aux orientations budgétaires en cette dernière année du mandat du gouvernement Lepep se résument à deux budget calls. D’abord, la teneur de la 2019-20 Budget Circular Letter N°3 de 2019 du ministère des Finances aux Senior Chief Executives et Supervising Officers des ministères et départements. Puis, l’appel pour des propositions venant des différents stakeholders en vue des pre-budget consultations. Aux fonctionnaires, le secrétaire financier, Dev Manraj, fait état de quatre principes cardinaux devant être suivis lors des procédures pour les budget estimates, soit :

l une utilisation judicieuse des ressources financières disponibles avec une right prioritising des projets d’investissements

l une lutte contre le gaspillage et les dépenses non-productives dans le secteur public

l le maintien de la buoyancy in revenue collection et

l l’adhésion à ce qui est présenté comme la golden rule des finances publiques, à savoir “borrowing only to finance quality investment”.

La Budget Circular N°3 souligne que pour le prochain budget, “we must keep this momentum to further meet the aspirations of the population, continue to improve public service delivery and tackle new challenges while ensuring sound fiscal management by reducing the budget deficit and public sector debt”. Même si le ministre des Affaires étrangères, Vishnu Lutchmeenaraidoo, a fait une virulente sortie contre ceux qui jubilent avec le taux de croissance réalisé par l’économie au cours de ces dernières années, soit 3%, le ministère des Finances s’enorgueillit du fait que “the last four budgets have enabled Mauritius to make significant strides towards realising its vision of a modern and inclusive high-income country”.

Comme pour donner le ton du bilan en cette année électorale, la Budget Circular avance que “the country has become more resilient to external shocks, and absolute poverty and income inequality have been reduced. The unemployment rate is the lowest in the past ten years and inflation is low and under control. The country’s foreign currency reserves are the highest level ever”. Pour le prochain exercice financier, l’accent pourrait être mise sur “a widespread integration of Artificial Intelligence and other modern technologies with the aim of achieving a significant improvement in public service delivery”.

Néanmoins, les dotations budgétaires du ministère de la Sécurité sociale devraient constituer un focal point à la lecture du prochain budget. Même sans “une éventuelle générosité électorale” avec la pension de retraite de Rs 6 210 allouée individuellement à 216 076 bénéficiaires ajustée au minimum wage, le budget des social benefits devrait se rapprocher des Rs 25 milliards en 2019-20, contre Rs 20,8 milliards en 2017-18, soit le plus important item de dépenses courantes. Sans être expert en économétrie, l’on comprend que chaque Rs 100 de hausse de la Old Age Pension représentera une somme additionnelle de plus de Rs 200 millions par an au titre des allocations sociales à la retraite dans le budget.

Mais l’équation du budget des prestations sociales ne s’arrête pas à la seule mesure électoraliste pour s’assurer d’un bank vote potentiel. Avec le phénomène du vieillissement de la population, un des leitmotiv des Article IV Consultations du Fonds monétaire international, la viabilité à long terme du National Pensions Fund et du National Savings Fund se pose. Logiquement, le projet visant à mettre sur pied une Mauritius National Investment Authority (MNIA) annoncée dans le discours du budget de 2017 devrait être au cœur des préoccupations dans le prochain budget.

Et pour cause! Le ministère des Finances avait fixé au 7 mars la date limite pour des commentaires sur un working document incluant une ébauche d’un texte de loi sur la MNIA, dont l’une des attributions est d’insuffler un élan plus dynamique dans la gestion des contributions des employés et des employeurs au NPF et au NSF. “The Mauritius National Investment Authority will act an agent principally for the NPF and the NSF to carry out their investment management functions”, ajoute le document officiel à cet effet.

Plus loin, les autorités soulignent que “the establishment of the MNIA will ensure that an improved management of the NPF and NSF Portfolios as markets get more sophisticated and more challenging, that proper risk management is carried out taking into consideration the aggregate size of the two funds and the greater diversification of investments is achieved, while improving the prospects for a higher rate of return”.

Challenge

Les données puisées du site web du ministère de la Sécurité sociale indiquent que sur un portfolio de Rs 118,4 milliards du NPF, 57% des fonds représentant la somme de Rs 67 milliards sont placés dans des government stocks and bonds et de treasury bills et treasury notes, Rs 35 milliards dans des titres à la Bourse et dans des foreign equities et mutual funds. Dans le dernier NPF Investment Monitoring Report, les actuaires d’AON révèlent que le rate of return dégagé sur ces investissements est de 1,6%, le benchmark return étant de 1,5%.

Pour le portefeuille de Rs 26,8 milliards du National Savings Fund, le pattern des placements est sensiblement le même, sauf que le rate of return n’est que de 1,2%, soit inférieur au benchmark de 1,7%. Ainsi, la MNIA, qui devrait remplacer l’Investment Committee du NPF et du NSF, devra faire face au challenge de dynamiser ces placements avec un “institutional framework for a professional management and investment of assets and funds vested into it, consistent with international best practices”. Sauf que la loi devra être adoptée et appliquée dans les meilleurs délais.

Dans le contexte budgétaire, même en prélude aux prochaines élections, la performance des corps et sociétés parapublics retrouve toute leur importance, surtout en matière de gestion des fonds publics. À ce tableau, trois d’entre eux, à savoir la State Trading Corporation, Air Mauritius et la State Bank of Mauritius émergent du lot. Certes, la State Trading Corporation, brassant un chiffre d’affaires de Rs 33,6 milliards pour 18 mois et surfant sur l’évolution extrêmement favorable du cours mondial du pétrole, présente les caractéristiques d’une vache à lait budgétaire aux yeux de Lakwizinn du PMO.

La dernière réunion du Petroleum Pricing Committee de la State Trading Corporation de vendredi confirme cet état de choses. Le price stabilisation account pour les produits pétroliers, qui avait bénéficié d’une injection de Rs 350 millions l’année dernière pour couvrir le déficit avec la hausse du baril de pétrole, affiche aujourd’hui une bonne santé. Au 15 mars, ce fonds a accumulé une balance positive de Rs 716,8 millions, contre Rs 631,3 millions en janvier dernier.

Toutefois, une épée de Damoclès pesant Rs 4,2 milliards est suspendue sur les comptes de la STC. En effet, le ruling dans l’arbitrage en faveur de Betamax du groupe Bhunjun pourrait intervenir d’un moment à l’autre, tout en replaçant la STC sous un éclairage financier nullement favorable. À l’Hôtel du gouvernement, l’on préfère éviter d’aborder ce dossier de rupture de contrat d’affrètement pétrolier, qui fut l’une des plus importantes décisions entérinées au lendemain des élections générales du 10 décembre 2014.

Pour ce qui est d’Air Mauritius et de la State Bank of Mauritius, avec l’État comme un des principaux actionnaires, la situation ne semble guère évoluer de manière positive. En douze mois, le cours d’Air Mauritius à la Bourse a chuté de 30,6%, soit littéralement le même pourcentage que celui des titres des conglomérats de l’industrie sucrière, comme Alteo, Terra ou Omnicane. Cette mauvaise performance boursière reflète la gravité des problèmes dans le secteur sucre, alors que pour la compagnie aérienne nationale, avec déjà Rs 1 milliard pour les neuf premiers mois, la fin de l’exercice financier au 31 mars s’annonce encore plus difficile vu que le business model revisited se fait toujours attendre.

Mauvaise passe

À la SBM Tower sans Chief Executive Officer depuis bientôt neuf mois, le risky exposure au Kenya avec le groupe Pabari continue à peser lourd. Les tractations entre la direction de ce qui devait être le fleuron des investissements publics et ces privileged customers kenyans s’annoncent des plus laborieuses. Avec les risques d’un nouveau provisioning quasiment similaire à celui du précédent exercice sous la pression des auditeurs externes, le cours boursier de la SBM cause des dégâts à l’indice boursier de la SBM, qui était à la clôture de vendredi à son plus bas niveau de ces 52 dernières semaines. En une année, l’action de la SBM a perdu 21,7% de sa valeur, pour se retrouver à Rs 6 au tableau de la Bourse.

Sectoriellement, les nuages s’amoncellent à l’horizon. Le tourisme, qui avait fait preuve de robustesse au cours de ces dernières années, enregistre une croissance zéro en termes d’arrivées touristiques pour les deux premiers mois de l’année. Les opérateurs dans ce secteur croisent les doigts en attendant les vacances de Pâques, alors que les prochains JIOI de juillet devraient leur permettre de garder la tête hors de l’eau. Mais l’industrie touristique a démarré 2019 sur le mauvais pied.

D’autre part, “the challenges facing the sugar and manufacturing sectors, including textiles” font partie des ten development priorities définies par le gouvernement en vue des prochaines consultations prébudgétaires avec les partenaires socio-économiques. La contribution du secteur public, des associations professionnelles et des planteurs de même que celle des représentants de syndicats est sollicitée pour une sortie de crise dans ces secteurs économiques, considérés comme des piliers de l’économie.

Les récents commentaires du Senior Adviser au ministère des Finances, Sen Narrainen, lors d’un séminaire sur le secteur de l’agro-industrie organisé par l’Economic Development Board en fin de semaine, s’appesantit sur la mauvaise passe de l’industrie sucrière. Les participants à ces consultations ont assisté à une remise en question sans appel d’un secteur, qui a contribué énormément au développement économique depuis l’indépendance. Aujourd’hui, le constat dressé par le représentant des Finances est des plus cinglants:  « Le sucre est en chute mais le secteur non-sucrier présente du potentiel. »

La rare consolation pour les opérateurs de l’industrie sucrière pourrait être qu’en cette année électorale, le prochain budget ne devrait pas régler leurs comptes de manière drastique vu le poids historique et émotionnel de la canne, même avec son arrière-goût amer….

 

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