INDUSTRIE SUCRIÈRE: La menace de grève écartée au forceps

Après deux semaines d’intenses négociations, avec comme médiateur le ministre du Travail et des Relations industrielles Shakeel Mohamed, la menace de grève a été définitivement désamorcée aux petites heures ce matin dans l’industrie sucrière. Toutefois compte tenu de l’heure tardive ce n’est qu’au courant de la matinée que l’accord entre la Mauritius Sugar Producers Association (MSPA) et le Joint Negotiating Panel (JNP) syndical a été signé au siège du ministère du Travail. L’on retiendra dans cette formule pour satisfaire les deux parties que le ministre Mohamed devra enlever les 21 questions non résolues référées au National Remuneration Board et que la MSPA renoncera à son judicial review en Cour suprême. D’autre part, les négociations au niveau national seront engagées à partir de janvier 2013 pour la conclusion d’un nouveau collective agreement qui prendra effet à compter du 1er janvier 2014.
L’ambiance était sereine depuis 11 h ce matin au premier étage de la Victoria House pour la cérémonie de signature d’accord entre les patrons de la MSPA et les syndicalistes du JNP. Dans son message aux deux parties, le ministre du Travail a tout d’abord fait l’historique des négociations confiées sous sa responsabilité. « Je ne veux pas entrer dans les détails mais mon rôle en tant que médiateur n’a pas été facile. C’était même extrêmement compliqué, mais vous avez facilité ma tâche. Je voulais de la justice, de l’équité et le respect des institutions. Et dans cet accord que nous allons signer je retrouve tous ces éléments », a fait comprendre Shakeel Mohamed, qui n’a pas manqué de remercier chaleureusement le JNP et la MSPA. Le ministre devait par ailleurs affirmer que, malgré son absence du pays, le Premier ministre Navin Ramgoolam a établi un contact permanent avec lui pour suivre les développements.
De son côté, Cyril Mayer, président de la MSPA, a exprimé sa satisfaction quant à ce dénouement après deux longues semaines de négociations et a fait les éloges du ministre Shakeel Mohamed pour ses capacités de médiateur. « Je souhaite saluer Shakeel Mohamed en sa capacité de médiateur dans ce conflit. Le ministre a été à la hauteur des attentes. Il était à l’écoute et a fait preuve de fermeté et de discernement. Finalement nous sommes devant un accord balancé. Toutefois nous tenons à ce que nos droits fondamentaux soient respectés, tels nos droits de nous associer et de nous dissocier. Au final personne ne sort gagnant ni perdant. La victoire est pour l’industrie sucrière », a fait ressortir le président de l’association patronale. Par la suite les trois partenaires, soit la MSPA, le JNP et le ministre Mohamed, ont procédé à l’exercice de la signature des documents.
Désaccord
Le suspense était toutefois de mise durant toute la soirée hier quant à un éventuel accord entre le JNP et les membres de la MSPA en vue de sortir de cette situation de crise qui mine l’industrie sucrière. Dans un premier temps, peu avant 20 h, les négociations devaient se diriger vers un nouvel échec quand les sucriers ont quitté la table après un nouveau désaccord avec le ministre du Travail. Dans cette véritable guerre des nerfs, le patronat devait toutefois revenir à de meilleurs sentiments et reprendre ainsi les négociations malgré l’heure tardive. Le dénouement interviendra vers 1 h du matin, quand les syndicalistes du JNP et les membres de la MSPA sont tombés d’accord sur huit points, écartant ainsi la menace de grève générale illimitée qui aurait affecté la présente récolte.
Selon ce qui a été établi dans la nuit, la MSPA, le JNP et les autres syndicats reconnus doivent s’engager dans des négociations à partir de janvier 2013 pour la conclusion d’un nouveau collective agreement qui prendra effet à compter du 1er janvier 2014. Les partenaires sont tombés d’accord pour que tous les Procedure Agreements existants restent en vigueur à compter de la date de la signature du présent accord jusqu’à 30 juin 2016. Outre les points susmentionnés, dans le cas de figure où les Procedure Agreements devraient être modifiés par les deux parties, elles devront négocier selon les dispositions de la loi en vue de parvenir à un nouvel ensemble d’accords. Faute de quoi, chaque partie pourra référer la question litigieuse à l’Employment Relations Tribunal conformément à l’article 51 (7) de l’Employment Relations Act de 2008. Dans l’éventualité où la MSPA souhaiterait résilier les Procedure Agreements, cela devra être fait en conformité avec les dispositions de ces accords ainsi que celles de l’Employment Relations Act. Dans un tel cas, les membres devront s’engager à se conformer individuellement ou en groupe avec les paramètres du Procedure Agreement. Les autres volets de l’accord s’établissent comme suit :
• Toute convention collective conclue entre la MSPA et les syndicats reconnus sera maintenue dans son intégralité par les sociétés sucrières sur le plan individuel.
• Le ministre du Travail Shakeel Mohamed devra, lui, retirer les 21 questions non résolues qu’il a soumises au National Remuneration Board le 26 juillet 2010.
• La MSPA devra de son côté enlever son application devant la Cour suprême par rapport à un éventuel examen judiciaire de la décision du ministre de renvoyer les 21 questions non résolues au NRB.
• Le ministre référera les points suivant au NRB : le paiement d’une night shift allowance à hauteur de 25 % du salaire journalier ; l’âge de la retraite pour les travailleurs hommes à 50 ans et femmes à 45 ans ; et finalement, que le paiement d’indemnité de départ à la retraite à l’âge de 60 ans ou de retraite pour raison médicale avant 60 ans/sur le décès d’un travailleur soit calculé sur la base de 2,5 mois de salaire par année de service.
• Le JNP devra « call off » son action de grève découlant du labour dispute rapporté à la Commission de conciliation et médiation portant sur l’introduction d’une monthly pensionable allowance de Rs 2 000 et la mise sur pied d’un Human Dignity Fund pour les travailleurs.
• Le JNP devra retirer sa demande quant à cette introduction d’une monthly pensionable allowance de Rs 2 000.
• Les 15 compagnies sucrières devront, elles, enlever leur application conjointe devant l’Employment Relations Tribunal portant sur le fait que l’action de grève initiée par les travailleurs et syndicalistes est illégale.
Lacunes des lois
Dans le camp syndical l’on chante déjà victoire quant aux aboutissements de ces négociations qui ont duré pratiquement deux semaines sous la présidence de Shakeel Mohamed. « Ce n’était pas une simple bataille pour une question d’argent mais contre le principe “dominer” des patrons. Les sucriers ne peuvent prendre leurs désirs pour des ordres. Les travailleurs ont fait comprendre qu’ils n’accepteront aucune dictature des patrons. Nous avons clairement remporté cette bataille au détriment des patrons de l’industrie sucrière. Premièrement nous avons obtenu les négociations nationales jusqu’à au moins 2013, et deuxièmement la MSPA a accepté de retirer son application devant la Cour suprême pour un judicial review concernant le renvoi des 21 points en litige au NRD par le ministre Mohamed », explique Ashok Subron. Ce denier ajoute que ce conflit au sein de l’industrie sucrière a fait remonter à la surface les lacunes des deux lois du Travail, soit l’Employment Relations Act et l’Employment Rights Act. « Il y a un besoin urgent de faire amender ces deux lois. Cette bataille a aussi exposé la question du rôle de l’instance judiciaire pour deal les relations industrielles. Et de plus en plus nous constatons que les instances se laissent entraîner dans la logique patronale. Nous demandons aux Mauriciens de se rallier à notre rassemblement du 2 septembre à Port-Louis. Les travailleurs de l’industrie sucrière ont été le porte-drapeau et maintenant c’est aux autres travailleurs de faire preuve de la même bravoure », conclut Ashok Subron.

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