Le pouvoir électoral des arbres…

“Trees are poems that the earth writes upon the sky.” Khalil Gibran

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AVINASH RAMESSUR

De 2000 à 2005, un sujet de préoccupation majeure dans le pays fut la construction d’une autoroute qui devait passer à travers la vallée de Ferney en y détruisant les rares vestiges de forêts endémiques présents dans cette zone et par la même occasion du pays. Les arbres s’y trouvant, toujours marqués par des signes de destruction peints sur leurs écorces, peuvent en témoigner.  L’habitat des faucons crécerelles, oiseau symbole et ô combien menacé d’extinction, était aussi en danger. Le résultat et la conséquence des urnes lors des élections générales de la mi-2005 sont connus …

Cet épisode souleva l’indignation générale du pays devant le ravage annoncé et des protestations de toutes parts. Il est intéressant de noter que les éléments de langage utilisés à l’époque par les politiques au pouvoir furent les mêmes que ceux qu’on entend actuellement (démagogue, « pe anpes developman », antipatriote, etc …).

15 ans après, les mêmes (pour certains) sont au pouvoir en ayant oublié le coup de pied reçu « pou al dan karo kann ». Ils provoquent le même haut-le-cœur avec les destructions massives d’arbres et se contentent de traiter encore une fois de démagogues ceux qui protestent. Il convient de leur demander en quoi l’arrêt de la construction de l’autoroute de Ferney a été au détriment du développement du pays après la décision de trouver des compromis raisonnables et viables à l’époque.  Qui a été démagogue dans cette affaire ? Les meilleures claques viennent toujours de l’histoire et le démagogue pointe toujours son doigt vers un miroir.

Idéfix, le chien écolo, qui hurle quand on abat un arbre, serait donc un démagogue ainsi que par extension ses auteurs ??? (clin d’œil aux amateurs des albums Astérix – le Domaine des Dieux paru en 1971 – je ne saurais assez remercier les auteurs d’Astérix d’avoir éveillé très jeune en moi le questionnement sur le mal que cela fait de couper rien qu’un seul arbre et je ne suis pas le seul).

Les gens qui protestent mondialement contre la destruction d’arbres, considérés comme des patrimoines nationaux, seraient-ils tous des démagogues ??? Le Japon, qui construit une voie ferrée en contournant un arbre pour éviter de le détruire, serait-il constitué d’abrutis ??? L’ONU serait-elle peuplée de dangereux démagogues avec ses campagnes pour éviter de couper des arbres ??? Les habitants de Delhi, qui ont protesté en 2018 et engagé des actions en justice contre l’abattage de 16 500 arbres pour faire de la place à des immeubles, seraient tous des démagogues (https://tinyurl.com/yydgj7dx ) ???

Allons donc ! Un peu de sérieux et ouvrez les vannes de vos esprits, les politiques. Primo, l’argumentaire qu’on plantera d’autres arbres en substitution est un argument factice – un arbre prend entre 20 et 30 ans pour rendre les mêmes services que celui qu’on a coupé. D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. Secundo, on ne remplace pas les arbres coupés par des équivalents ; souvent il s’agit d’arbrisseaux ou d’arbres décoratifs qui n’ont pas les mêmes fonctions que ceux qui sont détruits.  Tertio, souvent les conditions pour la survie de ces jeunes pousses ne sont pas assurées et aucune garantie n’a été donnée dessus. Voyez donc les palmiers cultivés dans des pots étriqués au milieu de l’autoroute M1 à hauteur de Réduit par les mêmes qui viennent traiter des membres de la population de démagogues ou pire, regardez le délabrement que constitue le jardin botanique de Pamplemousses.

Pourquoi donc les gens refusent de voir s’abattre les arbres à proximité de leurs lieux de vie ? La réponse est assez évidente : l’arbre est donneur de vie. Il produit l’oxygène qu’on respire et élimine la pollution avoisinante, il est l’extension de nos poumons. C’est là où on vit qu’on a besoin d’arbres, non pas à 10 kilomètres ou à l’extrémité du pays. Il est nourricier et remplit l’estomac de la faune. L’arbre est le climatiseur gratuit (chose que hait ce monde consumériste), le médicament gratuit contre la fatigue et l’anxiété, le générateur d’écosystèmes (oiseaux, abeilles, papillons …) au sein d’un milieu urbain qui devient de plus en plus aliénant en se transformant en désert bétonné et pollué.  Cette vidéo permettra d’en savoir davantage : (https://youtu.be/Jymethrtqo4).

Si on se devait de ramener la durée d’existence de notre espèce sur cette planète sur 10 minutes, on aura passé 9.9 minutes dans les arbres accroché aux branches avec une queue (notre coccyx est là pour nous le rappeler et il est aussi présent au-dessus des postérieurs de nos princes régnants), 0.1 minute sur le sol et 0.01 minute dans des murs de béton. Malgré cela, il y a de ces déconnectés qui s’étonnent de notre attachement à nos arbres.

L’arbre est aussi ce patrimoine qui conditionne le paysage et nous procure le confort de reconnaître notre quartier ; il est ce phare qui nous réconforte en nous guidant vers notre chez nous, il est ce trésor unique qui embellit nos paysages, enchante nos touristes et leur procure le bien-être qu’ils sont venus chercher sur nos rives. C’est tout cela qu’on détruit.

Comble de l’hypocrisie, les mêmes gouvernants ne se priveront pas – le goinfre aux frais de la princesse en tête –, de tenir des discours ronflants sur la protection de l’écologie dans des instances internationales, histoire de grappiller des donations pendant une énième session de « politik tal lamin ».

La disparition des arbres de nos quartiers est notre santé qu’on abîme et notre vie qu’on enlève indirectement pour y insérer les cancers, les allergies multiples et nous rendre ‘fous’. Paradoxalement, les gouvernants accusent déjà de ‘fous’ ceux qui protestent pour ne pas devenir ‘fous’ pour de bon.

Parvenir à l’équilibre entre les besoins de développement, les besoins écologiques et les demandes de la population est un art subtil. Dans ce qui vient d’être dit, le mot le plus important est « Art ». Malheureusement, l’art n’est pas l’apanage des grossiers ou si vous voulez des « grofey ». Mais, même le « grofey » est capable de reconnaître le pouvoir électoral des arbres surtout si ceux-ci l’ont déjà mis hors-jeu auparavant.

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