Les « révélations » du 1er Mai de Roshi Bhadain : Elles datent de quatre ans

C’est le 5 juin 2015, à la MBC, en compagnie de Vishnu Lutchmeenaraidoo, que l’ancien ministre de la Bonne Gouvernance avait évoqué la contribution financière de Rs 10 millions de la BAI au MMM

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Le 13 juin 2015, Paul Bérenger avait évoqué les Rs 19 millions reçues de la BAI par le MSM et les retraits de la Bramer Bank effectués avant sa fermeture par SAJ, Pravind Jugnauth et Roshi Bhadain

Le leader du Reform Party avait aussi fait des « révélations » le 14 décembre 2017 sur les Rs 40 millions « empruntées » par Navin Ramgoolam à la Bramer Bank

« Action de porter à la connaissance quelque chose de caché, d’inconnu ». C’est ainsi qu’est défini le mot « révélation » dans tous les dictionnaires. Or, il s’est trouvé des journalistes appartenant au « cloud club » de Roshi Bhadain, probablement pour qualifier les informations archiconnues et archirépétées sur le financement de deux partis, le MMM et le MSM, depuis quatre ans, de « révélations ».

C’est une situation quand même énorme en cette ère de fact checking, un processus qui est devenu la norme dans toutes les grandes rédactions du monde et qui, chaque jour, remettent les choses en perspective et situent le vrai du faux, le rassis de la nouveauté. Ce dont a fait état l’ancien ministre de la Bonne Gouvernance et leader du Reform Party à Beau-Bassin mercredi dernier était déjà du domaine public depuis belle lurette. C’est très facile de l’établir comme il est aussi indiscutable que Roshi Bhadain a été à l’avant-plan du démantèlement du groupe dirigé par Dawood Rawat et qu’il avait déclaré le 13 avril 2015 que « le groupe BAI est bel et bien un Ponzi scheme ». Quoi qu’il en dise, et quand bien même une des héritières de la famille Rawat, pour des raisons qui lui sont propres, tente maladroitement de réécrire la trame de cette saga..

Cette affaire de « révélations » et de « chèques » était dans l’air depuis la mi-avril et c’était le député travailliste Shakeel Mohamed et un des avocats de la famille Rawat qui devait en faire état. Dans un article de Week-End, daté du 14 avril dernier, il était écrit que, « c’est avec tout cela en toile de fond que certains ont commencé leur petite campagne de mobilisation pour le 1er mai. Ici, on annonce un “stock de révélations” probablement épuisé du “cloud” où il avait été enfoui, en guise d’appât pour attirer un peu de monde au rassemblement prévu et, là, on promet d’évoquer la liste des chèques pour dénoncer la duplicité de certains. Du réchauffé en somme ».
Et plus loin, dans le même article, il était aussi mentionné qu’« en matière de chèques, on en parle tellement depuis le démantèlement de la BAI qu’il n’existe pratiquement plus rien à révéler. Le leader du MMM, accusé d’avoir obtenu Rs 10 millions de la BAI, n’avait-il pas, dans une conférence de presse en juin 2015, évoqué, en guise de réplique à Roshi Bhadain, la liste des chèques remis par la BAI au MSM, comme suit : le 23 avril 2010, Rs 5 millions, le 30 avril 2010, Rs 5 millions, le 20 mai 2010, Rs 5 millions, le 24 août 2010, Rs 2 millions, le 1er novembre 2010, Rs 1 million et le 23 novembre 2010, Rs 1 million, soit un total de Rs 19 millions. L’année 2010 avec une alliance PTr/MSM/PMSD, c’était l’époque où Pravind Jugnauth déclarait à Plaine Verte qu’il faudrait “200 Dawood Rawat à Maurice” ».

C’était, en fait, le samedi 13 juin 2015 que le leader du MMM avait révélé ces chiffres.
C’est dire que pour d’authentiques révélations, il va falloir sans doute repasser. Tout a, en fait, commencé dès l’arrivée au pouvoir de l’alliance MSM/ML/PMSD le 11 décembre 2014. La BAI, soupçonnée d’avoir bénéficié des faveurs de Navin Ramgoolam et du PTr, mais aussi d’avoir arrosé les diverses campagnes électorales des rouges, est dans le collimateur d’un groupe de ministres.
En son sein, on retrouve SAJ, lui-même, Vishnu Lutchmeenaraidoo, alors ministre des Finances, le chef d’orchestre du nouveau gouvernement et protégé du Premier ministre, Roshi Bhadain, Ravi Yerrigadoo, l’Attorney General, et, en coulisses pour suivre tous les dossiers relatifs à Navin Ramgoolam, Pravind Jugnauth qui est ministre des TIC. Le tonitruant Showkutally Soodhun reste loin, il a bénéficié de généreuses « facilités » chez Iframac et à la clinique Apollo.

Révocation de la licence de la Bramer Bank
C’est le vendredi 3 avril que la nouvelle tombe. La licence de la Bramer Bank a été révoquée par la Banque de Maurice, alors dirigée par Ramesh Basant Roi. Le même jour, le Premier ministre SAJ, flanqué de l’équipe évoquée plus haut, convoque la presse pour justifier cette fermeture et dire que « nous sommes en présence d’un Ponzi scheme qui dépasse largement les Rs 25 milliards. Il lit un ‘brief’ préparé par son ministre de la Bonne Gouvernance, Roshi Bhadain.

Et comme si son supérieur hiérarchique n’avait pas été assez convaincant dans ses dénonciations de la BAI et ses méthodes, le ministre de la Bonne Gouvernance en rajoutera une couche dix jours plus tard. La presse est convoquée pour l’entendre dire que « le groupe BAI est bel et bien un Ponzi scheme ». Il s’appuie sur le fait « qu’une centaine de compagnies qui se cachent sous l’entité de la BAI ont été acquises avec l’argent des détenteurs de SCBG ». Il n’est pas seul ce jour-là. A ses côtés, Ravi Yerrigadoo, son conseiller Akhilesh Deerpalsing, et le secrétaire financier, Dev Manraj.

Les municipales vont avoir lieu : le démantèlement du groupe BAI, sa banque, son assurance, ses magasins, sa concession de voitures, ses Harley Davidson, et ses diverses compagnies dans nombre de secteurs d’activités provoque un vif émoi parmi les employés, inquiets pour leur avenir, mais il est aussi très mal perçu dans un certain électorat.
Pour faire face à l’alliance MSM/ML/PMSD, il n’y a que le MMM, les travaillistes, encore sous le choc de la défaite de leur leader, Navin Ramgoolam, de son interpellation et de son coffre bourré de liasses, déclarent forfait. Comment gêner le MMM qui a quand même un certain nombre d’élus dans les villes malgré la débâcle de décembre 2014 ? Enter Roshi Bhadain qui investit littéralement la MBC pour sa campagne en faveur de son groupe MSM/ML/PMSD.

Le vendredi 5 juin, lui et son collègue Vishnu Lutchmeenaraidoo animent l’émission « BAI : la vérité  » SAJ est mis à contribution pour ce qui est manifestement une mise en scène bien orchestrée pour évoquer le financement des partis politiques par la BAI. Dans une déclaration déjà enregistrée, l’ancien Premier ministre raconte : « Mo finn ena bon relasyon avec Dawood Rawat. Nou koze. Nou riye kuma de bons amis. Sak eleksyon zeneral, Dawood Rawat volonterma ti pe vine kontribue. Zame li ti depass Rs 200 000 ou Rs 250 000. » Il prend même la peine d’ajouter que lorsqu’il a appris que le grand patron de la BAI, Dawood Rat, était souffrant, lui-même et Showkutally Soodhun lui avaient rendu visite.

La prime aux alliés du PTr
C’était une mise en bouche pour ce que son « deuxième fils » Bhadain allait annoncer. Le ministre dit que le MMM a reçu un chèque de Rs 10 millions de la BAI et qu’un député de l’opposition aurait personnellement reçu Rs 750, 000 avant les élections de 2014.
Le tout dans un concert de récriminations contre la BAI qui, selon lui, aurait détourné Rs 100 millions en novembre 2014 avec des attaques directes contre Dawood Rawat qui aurait placé l’argent des déposants de la BAI à Jersey. Certains journaux n’avaient pas été épargnés. « Rs 71 millions ine al dan la presse. Sa cash-là aussi non pou al rodé », avait-il lancé, menaçant.
Dès que cette information avait été balancée dans le cadre de la campagne des municipales, des familiers du dossier de la BAI qui étaient révoltés que Roshi Bhadain ait procédé à des dénonciations sélectives et fait l’impasse sur les contributions plus importantes à son parti, le MSM, vont faire parvenir des documents à Paul Bérenger pour remettre les pendules à l’heure.
On découvrira que si l’allié du PTr aux élections de 2014, le MMM, a bénéficié de la générosité de la BAI, le MSM, associé au PTr en 2010, n’avait pas été en reste. Une prime obligée aux alliés du PTr.

C’est la veille des municipales, le 13 juin 2015, que le leader du MMM balance — comme mentionné plus haut — sur les dons faits au Sun Trust par la BAI. Il donne les détails sur des versements faits par la BAI sur un compte du MSM à la Bramer Bank, les dates d’avant les élections générales du 5 mai 2010, mais aussi jusqu’en novembre de la même année, alors qu’il n’y a aucune activité politique particulière. Le total : Rs 19 millions.
Et comme un dossier ne vient jamais seul, le leader de l’opposition et du MMM fait aussi alors état de la fermeture des comptes détenus par Sir Anerood Jugnauth, Pravind Jugnauth et Roshi Bhadain à la Bramer Bank avant que la licence de cette banque ne soit résiliée.

Paul Bérenger révèle que SAJ a fermé son compte de Rs 741, 000 le 13 février 2015, tandis que Pravind Jugnauth, qui disposait d’un compte en devises étrangères pour un montant total de Rs 4, 4 millions, l’avait fermé le 4 janvier 2015.
Quant à Roshi Bhadain, il a fermé son compte d’épargne de Rs 700, 000 et son compte courant de Rs 5, 3 millions, dont Rs 3 millions de créances à la Bramer Bank le 18 février 2015, quelques semaines avant que le gouvernement auquel tout ce beau monde appartenait ne décide de la résiliation de la licence de la banque.
C’est lorsque ces faits sont remontés à la surface que la question d’ « insider trading » s’est posée, mais cette affaire qui, dans un autre pays, aurait constitué un gros scandale, est restée sans suite.

Les « révélations » sur Navin Ramgoolam
Lors de la partielle qu’il avait provoquée et alors qu’il était en pleine campagne pour se succéder à lui-même, Roshi Bhadain reviendra sur l’affaire Bramer Bank pour, cette fois, formuler de graves accusations contre Navin Ramgoolam. Selon sa présentation publique « PowerPoint » du 14 décembre 2017 à rue Ollier à Quatre-Bornes, le candidat alléguera qu’un somme de 590, 000 dollars avait été versée en guise de commission sur le Bagatelle Dam et que la transaction avait transité par une compagnie offshore dont les dirigeants sont connus pour être des fidèles du PTr.
Roshi Bhadain soutiendra que Navin Ramgoolam avait acheté un appartement en Italie et il suggérera aussi que le prêt de Rs 40 millions contracté par l’ancien Premier ministre auprès de la Bramer Bank pour acheter son bungalow à Roches-Noires était une sorte de don déguisé de la BAI.

La réplique de Navin Ramgoolam sera lancé, dès le lendemain, 15 décembre 2017 : « Ki manier Roshi Bhadain inn gagn 20 loto ? Kisana inn donn li sa kado ? Demann li eski linn fer aplikasyon pou émigré Canada apré eleksyon partiel ? Pli divan li pou bizin vinn réponn », avait dit le leader du PTr.

Comme il n’a jamais voulu lâcher l’affaire BAI, c’est pas plus tard que l’année dernière, le 18 avril 2018, que Roshi Bhadain déclarait à la MBC, du temps où il pensait qu’un simple baisemain pouvait lui rouvrir les portes du Sun Trust que c’est « l’inaction du gouvernement travailliste » qui avait conduit au démantèlement inévitable de la BAI.
« Différents rapports faisant état du crash imminent de la BAI avaient été rédigés de 2008 à 2014, soit sous le gouvernement travailliste. Des rapports, dont également celui de la firme BDO qui parle de fraude massive à la BAI », avait-il soutenu en 2018, pour justifier son action contre ce groupe.

Et mercredi, il a eu l’outrecuidance de venir se dédouaner, aidé en cela par Laina Rawat ? Complètement surréaliste. Ceux qui s’y connaissent en blanchiment peuvent essayer de « laver » leur honneur et celui de leur détracteur en chef, mais les faits, eux, sont là. Têtus. Vérifiables. Il y a les archives, les réseaux sociaux…

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