PR JEAN-LOUIS FROSSARD (GASTRO-ENTÉROLOGUE): « Le cancer du côlon plus fréquent à partir de 50 ans »

Le Pr Jean-Louis Frossard, gastro-entérologue des Hôpitaux Universitaires de Genève, était l’invité de la Clinique Ferrière cette semaine pour sensibiliser le corps médical à la prévention du cancer du côlon. Les cancers colo-rectaux (du côlon et du rectum) représentent 14 % des nouveaux cas de cancers à Maurice et ce sont les hommes qui sont le plus souvent touchés. Le cancer du côlon (gros intestin) devient plus fréquent à partir de l’âge de 50 ans, explique le Pr Frossard lors d’un entretien accordé au Mauricien à l’hôtel Sands à Flic-en-Flac. Il nous en dit plus sur le dépistage de ce cancer et les avancées thérapeutiques qui déboucheront de plus en plus sur un traitement à la carte.
Pr Frossard, quels sont les facteurs de risques du cancer du côlon ?
L’âge est un facteur de risque. Ce cancer est plus fréquent après 50 ans. Le sexe aussi : l’homme est le plus souvent touché. Il y a aussi une cause familiale si les parents, ascendants au premier degré, père ou mère, ont eu un cancer du côlon. Il existe également des facteurs environnementaux. L’abus du tabac et des boissons alcoolisées et la consommation de viandes rouges sont des facteurs favorisants. En France la majorité des cas de cancer du côlon sont sporadiques, c’est-à-dire qu’ils peuvent arriver à n’importe qui. 10 % à 15 % sont d’origine familiale. 1 % des cas sont génétiques. Il y a aussi la polypose familiale qui signifie que l’on va développer obligatoirement un cancer du côlon. C’est rare et cela constitue moins de 1 % des cas. Nous n’avons à ce jour aucune donnée scientifique sur le lien entre les pesticides et les cancers colo-rectaux.
Comment prévenir le cancer du colon ?
Le cancer du colon est précédé par des lésions répétées du gros intestin. Il y a un facteur alimentaire. Je ne peux pas me prononcer sur l’alimentation à Maurice. La prise de calcium et d’acide folique (vitamine du groupe B jouant un rôle fondamental sur la formation des cellules de l’organisme) permet de réduire l’incidence du cancer du colon.
Comment est ce que le cancer du colon est détecté ?
Il faut une politique de dépistage avec une technique performante. Le cancer du colon est précédé de protubérances, de polype. En cas de stade précancéreux le polype est enlevé au moyen d’une endoscopie. Il faut qu’il y ait une méthode de dépistage à bon marché. Il y a la recherche de sang microscopique caché dans les selles. Au cas où il y en a c’est déjà un peu trop tard. Le sang dans les selles est le témoin d’une lésion de la muqueuse intestinale. Cela ne veut pas dire qu’une lésion qui saigne est cancéreuse. Cela peut être causé par des hémorroïdes ou un polype bénin. Ce test permet de dépister 50 % des cancers du côlon, ce qui veut dire que nous détectons seulement un cas sur deux lors des dépistages. Il vaut mieux avoir recours aux techniques de diagnostic immunologiques qui consistent à rechercher des antigènes sur l’hémoglobine humaine. Il faut améliorer les tests par les moyens biologiques. Un test récent permet par une prise de sang de trouver les signatures de la survenue d’un cancer, c’est-à-dire les réponses d’un individu face au cancer. On recherche des protéines, des mutations génétiques qui permettront de dire si un patient va développer un cancer. Selon les premières études ce test est bien meilleur que la recherche de sang microscopique dans les selles. Mais il a un prix : il coûte 250 euros. La méthode d’imagerie, qui est aussi onéreuse, est la référence : la coloscopie qui consiste à examiner le colon par une sonde munie d’une caméra. Si le résultat est négatif cet examen est réalisé tous les dix ans. Au cas où il y a un ou des polypes cet examen est effectué tous les trois à cinq ans.
Quelles sont les avancées thérapeutiques ?
On peut enlever un polype, une lésion de trois à quatre centimètres au moyen d’une endoscopie sans chirurgie lourde. La prise en charge du cancer du côlon est multidisciplinaire et implique le radiologue, le chirurgien, le gastro-entérologue, l’oncologue. Il y a des discussions au sein de l’équipe médicale à propos du traitement, par exemple le choix d’une chimiothérapie et d’une chirurgie secondaire. Les avancées les plus récentes sont la possibilité d’identifier biologiquement la tumeur et ce qu’elle exprime. On recherche des antigènes et des protéines. Cela débouchera de plus en plus vers un traitement à la carte.
Existent-ils des maladies de l’intestin qui prédisposent au développement d’un cancer ?
Les maladies inflammatoires comme la colite ulcéreuse. Toute inflammation chronique est précancéreuse. Il y a des gens qui doivent être plus surveillés.
Que recommandez-vous aux gens pour qu’ils se fassent dépister ?
Le message est très difficile à faire passer même en Suisse. Il faut informer, éduquer les patients et leur dire qu’on peut identifier un stade précancéreux, faire des annonces dans les médias. En Côte d’Or et en Bourgogne en France où existe pourtant une campagne agressive de dépistage seulement 30 % gens y participent malgré le matraquage. Cela permettrait de réduire la mortalité. Il faut dire aux médecins de famille qu’il y a de nombreux moyens de dépistage et qu’ils disent aux patients âgés de 50 ans qu’il y a un dépistage à faire et ensuite ce sera à ces derniers d’en décider.
Y a-t-il des autotests que l’on peut faire à la maison ?
Il existe des petits kits en carton pour le prélèvement de selles. Le patient le ferme hermétiquement et l’envoie au centre de référence. Les opti-tests sont les meilleurs et sont aussi utilisés en médecine légale.

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