Assemblée nationale : Nouvelle manoeuvre pour éviter  un Question Time mardi prochain

Comme la météo a bon dos! Le regroupement des textes de loi sur une seule séance et l’inclusion du budget supplémentaire de Rs 17 milliards, présentée en première lecture, en novembre 2020, à l’agenda des travaux de mardi dernier ayant entraîné la suppression automatique du Question Time, le leader of the House a décidé de remettre ça en ajournant les débats sur ce Budget. Le résultat de cette manoeuvre est que The Supplementary Appropriation Bill 2020/2021 sera de nouveau à l’agenda des travaux du mardi 4 mai, ce qui supprime les questions et même la Private Notice Question du Leader de l’opposition.

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Il faut dire que, même en l’absence de questions à la séance de mardi dernier, les députés de toutes les oppositions confondues ont bien pilonné la majorité sur deux dossiers, le texte qu’a présenté le Premier ministre pour s’accorder de nouveaux pouvoirs, dont celui de décider si un étranger peut vendre un bien immobilier à un Mauricien et sur ce fameux budget supplémentaire de Rs 17 milliards qui a donné l’occasion à Reza Uteem de rappeler que la note pour le démantèlement de la British American Investment s’est avérée salée avec un total de Rs 21 milliards puisées de l’argent des contribuables, alors même que des ministres avaient répété qu’il n’y aurait pas un sou de l’argent public dans ce conglomérat.

L’argument mis en avant par Pravind Jugnauth pour justifier le certificat d’urgence qui accompagne le Non-Citizens (Property Restriction) (Amendment) Bill est qu’il dispose d’informations selon lesquelles des petits malins profiteraient des lacunes de la loi comme l’utilisation des «Foundations» pour opérer des transactions immobilières, mais aussi pour préserver l’accès à la propriété des Mauriciens. Si, selon les dispositions légales actuelles, un ressortissant étranger devait absolument obtenir l’autorisation du Premier ministre pour faire l’acquisition d’un bien à Maurice, l’amendement proposé en quatrième vitesse stipule, lui, que le ressortissant étranger qui veut vendre son bien immobilier à un Mauricien doit désormais formuler une demande auprès du Premier ministre avant d’en disposer.

Xavier Duval a été extrêmement critique de la démarche du gouvernement sur deux fronts, l’urgence de la présentation et le vote du texte en un seul jour, alors qu’il n’a été présenté que le vendredi précédent, et les objectifs même de l’amendement. Les méthodes du gouvernement valent au pays d’être de plus en plus considéré comme une autocratie, a dénoncé le leader de l’opposition. S’agissant de l’amendement lui-même, là aussi Xavier Duval a dit ne pas comprendre les raisons qui poussent le gouvernement à obliger un vendeur étranger d’une propriété à un Mauricien à rechercher l’aval du Prime Minister’s Office pour ce faire.

«Que l’étranger doive avoir l’autorisation préalable du PMO pour se rendre acquéreur et qu’il doive passer par la même procédure pour vendre à un autre étranger, cela se comprend, mais pourquoi faut-il cette obligation lorsqu’il s’agit de la vente à un Mauricien?» a demandé Xavier Duval.

Immobilier et l’IDE

Il a aussi fait remarquer qu’en ces temps de grandes difficultés économiques, le seul secteur qui sort un peu la tête hors de l’eau est précisément l’immobilier. Le leader de l’opposition a d’ailleurs rappelé les chiffres de l’investissement étranger direct de 2019 qui indiquent que, sur un total de Rs 21 milliards, Rs 16 milliards concernaient l’immobilier et ses différents programmes, IRS, RES et autres Smart Cities.

Intervention très technique ensuite du député du MMM Reza Uteem qui a soutenu que l’amendement introduit ne s’attaque pas au véritable problème et aux lacunes de la loi-cadre qui donnent la possibilité à ceux qui maîtrisent les subtilités légales de contourner ses dispositions et de faire des transactions à travers des instruments sophistiqués au sein même des fondations. Et ce sont précisément ces lacunes qui ont placé le pays sur la liste noire de l’Union européenne, a-t-il aussi souligné.

Brèves interventions ensuite du ministre des Arts et de la Culture Avinash Teeluck pour soutenir évidemment le texte, et du député du PMSD Kushal Lobine pour déplorer ses objectifs qui ne répondent à aucune logique, tandis que l’Attorney General et ministre de l’Agro-Industrie, Maneesh Gobin, a expliqué que c’est précisément pour ne pas permettre une exploitation des failles de la loi et faire des transactions dans le dos des autorités que ce texte est nécessaire. Même tonalité pour son collègue Mahen Seeruttun, ministre de la Bonne gouvernance et des Services financiers qui a, lui, placé l’amendement proposé dans la perspective de rassurer la communauté internationale sur la détermination du pays de contrôler les flux financiers et, plus précisément, leurs sources.

Coup de théâtre à la reprise des travaux à 14h46, alors que le Premier ministre était censé procéder au résumé des débats sur ce texte. Il a échu au Speaker d’annoncer que Pravind Jugnauth ne pouvait clore les délibérations sur le Non-Citizens (Property Restriction) (Amendment) Bill étant donné que «as a result of an IT problem, he is not ready with his summing-up speech» et que l’on passerait plutôt au budget supplémentaire.

Shakeel Mohamed a alors invoqué les règlements pour soutenir que c’était au Premier ministre lui-même de faire cette annonce et que cela constitue un manque de considération envers la Chambre. Pris au dépourvu, Sooroojdev Phokeer a dit qu’il se prononcerait ultérieurement. C’est ce qu’il a pris l’habitude de dire sans donner de suites à ses annonces.

La couleur a été annoncée dès l’entame du discours de deuxième lecture de Rengananden Padayachy pour expliquer les Rs 17 milliards requises pour l’exercice financier 2020/2021. Le gros des dotations, soit pas moins de Rs 11,9 millions, a été englouti par le National Property Fund, avec le paiement des dettes à hauteur de Rs 7,9 milliards et Rs 4 milliards pour la restructuration financière de la National Insurance Company, a expliqué le ministre.

Les autres dotations supplémentaires: Rs 3 milliards pour couvrir les achats Covid, les dépenses de la commission électorale liées à l’organisation des élections villageoises ou encore le paiement de la prime Covid aux travailleurs de première ligne, personnel hospitalier et agents de la police. «On vote et on vote encore des sommes importantes sans savoir si elles ont été utilisées à bon escient et si c’est en tenant compte des observations accablantes du directeur de l’audit», a lancé le député du MMM Reza Uteem dans une opération démolition de la gestion économique du gouvernement. Le député s’est posé la question de savoir si les Rs 3 milliards du Economic Recovery Programme ont bénéficié surtout aux «copains, copines, air hostesses, jewellers and cronies».

«We will not take public funds»

Et sur les Rs 11,9 milliards injectées dans le NPL, Reza Uteem va s’en donner à coeur joie en citant les déclarations ministérielles péremptoires et catégoriques indiquant que «we will not take public funds», ou encore que «ce n’est pas l’argent des contribuables qui sera utilisé» pour renflouer les compagnies du group BAI. «Et maintenant Rs 11,9 milliards d’argent public pour les restes de la BAI parce que le gouvernement a complètement mal géré ce dossier», a dénoncé le député du MMM. «Le gouvernement a tout bradé, Iframac, Courts, Apollo, Bramer Kenya, Britam Kenya», a-t-il lancé sur un ton sévère avant de rappeler que la note totale est finalement de Rs 21,5 milliards lorsqu’on ajoute les Rs 3,5 milliards apportées par la Banque de Maurice et les Rs 6,6 milliards injectées dans la Maubank. Le député du MMM a conclu en disant ceci: «I hope, at least, the Minister of Finance, this Government, the Prime Minister will have the decency, now, to apologise to the population for taking so much money to clear their mess».

Intervenant juste après, la ministre de la Sécurité sociale et de la Solidarité nationale Fazila Jeewa-Daureeawoo a tenu à réfuter un argument de l’orateur qui l’a précédé sur le non-paiement, cette année, de la compensation salariale de Rs 375 aux pensionnés. Elle a rappelé que le montant de la pension universelle de base est passée de Rs 3623 en décembre 2014 à Rs 9000 à décembre 2019 et elle a expliqué que les dotations additionnelles sont dues à un plus grand nombre de bénéficiaires, une situation elle-même tributaire d’une population vieillissante. Réquisitoire aussi sévère sur les Rs 11,9 milliards puisées des fonds publics pour renflouer les entités de l’ex-BAI que celui de Reza Uteem pour le député travailliste Ritesh Ramful qui est revenu sur l’opacité qui a accompagné la distribution de cette manne provenant des contribuables et, en plus, pas le moindre rapport comptable des compagnies qui en ont bénéficié. Le député du No 12 a aussi évoqué la commission d’enquête sur Britam dont on a pas encore vu le rapport quatre ans après son institution et la manière dont les budgets alloués à Landscope, HRDC et EDB ont été utilisés.

C’est au terme de cette intervention que la vice-Première ministre et ministre de l’Education Leela Devi Dookun-Luchoomun a réclamé et obtenu l’ajournent des débats sur ce budget supplémentaire de Rs 17 milliards. Et ce fut ensuite au tour du Premier ministre de conclure les débats sur le Non-Citizens (Restriction Property) (Amendment) Bill en expliquant que la loi était devenue urgente parce que «there is information that certain persons may be using foundations to circumvent the law». Le texte a ensuite été voté et il a été proclamé 48 heures après, soit le 29 avril.

Comme prévu, c’est une séance projet de loi qui se tiendra ce mardi. Après la fin des débats et la mise au vote du budget supplémentaire et l’examen en comité des différentes dotations, ce qui devrait prendre un peu de temps, les parlementaires s’attaqueront, ensuite, au Mental Health Care Bill du ministre de la Santé Kailesh Jagutpal et le Taxi Operators Welfare Fund Bill qui, lui, est inscrit au nom du ministre du Transport Alan Ganoo.

Kavi Ramano : le tik tok qui rend toc toc

Si le sujet n’était pas aussi sérieux, l’environnement et des arbres centenaires en l’occurrence, on pourrait en rire. Cela s’est passé à l’ajournement des travaux où il y avait, comme à l’accoutumée, pléthore d’interventions des députés pour évoquer des problèmes locaux ou nationaux.

La première députée du No 16 Joanna Bérenger a, dans son exposé, choisi de dénoncer le «massacre» d’un type de forêt unique à Chamarel pour faire place au projet d’agrandissement de la route. Elle n’a pas manqué de souligner «qu’il ne reste plus à Maurice que 4% de nos forêts indigènes et que l’on est en train de détruire le peu qui reste».

Joanna Bérenger a aussi expliqué qu’il s’agit de «Beignets Noirs de plus de 500 ans…» et que ce serait «un désastre de sacrifier cette région qui a une grande capacité de régénération, mais surtout la crise climatique c’est maintenant, et nous le voyons bien avec les inondations qu’il y a depuis quelques jours».

Poursuivant son plaidoyer, la députée a aussi rappelé que cette forêt de Chamarel abrite aussi des kestrels et que ce projet porte atteinte à la biodiversité avant «d’implorer» le ministre de l’Environnement de faire arrêter le massacre et de commanditer une étude sur l’impact environnemental de ces travaux.

Elle a également profité pour déposer la lettre de la Royal Society of Arts and Science of Mauritius qui a été envoyée au ministre il y a deux semaines, correspondance qui, a-t-elle révélé, est restée sans réponse. Rien de bien méchant, si ce n’est un souci constant de l’élue pour la préservation de l’environnement.

Place ensuite à une réponse délirante de Kavi Ramano. Après avoir dit que «pour l’agrandissement des routes… nous sommes en train de prendre des dispositions par la replantation d’autres plantes… nous savons pertinemment bien que cela ne remplace pas les arbres centenaires, mais malheureusement il y a des exigences pour le développement».

Ça allait jusque-là, même si c’était une explication quelconque, mais la suite sera bien plus étonnante. On ne sait si c’est le fait de la couleur de l’épiderme de Joanna Bérenger qui doit invariablement l’associer au secteur privé, mais le ministre de l’Environnement s’embarquera dans une tirade alambiquée sur ce qu’il a appelé «l’approche sélective». «Il y a des projets gouvernementaux, il y a aussi des projets du privé et les projets du privé, que ce soit le PDS, le IRS, le RES, et certains membres de la Chambre ne doivent pas être sélectifs dans leur approche et de reconnaître… il y a pas mal de plantes qui ont été coupées par le secteur privé où les membres de l’opposition sont restés insensibles».

Comme si c’est l’opposition qui délivrait les permis pour massacrer les arbres et que ce n’est pas au ministère que dirige Kavi Ramano qui donne les autorisations EIA pour les projets PDS, IRS et RES! Faisant de l’esprit sur un sujet aussi grave, le ministre a aussi critiqué ceux qui pour «chaque arbre qu’on va couper, on va faire le ‘Tik Tok’ on va faire des vidéos, cela ne changera rien», ce qui a suscité des réactions indignées des travées de l’opposition.

Pas étonnant que ce qui se voulait une vanne intelligente de la part d’un ministre en mal d’arguments s’est retourné contre lui et que cela a suscité la réplique suivante: «Le tik tok qui rend toc toc!».

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