Drogue – Rapport Rotin Bazar : Raouf Gulbul face à l’ultime épreuve

  • Lucien Finette, ex-DG du MES, en réponse à la proposition indécente des Gulbul : « I was astounded, shocked, and taken aback and I energetically refused their (the Gulbuls) proposition (pour l’admission kass kontour de leur fils au RCC) »
  • L’affidavit juré devant le Master and Registrar, vendredi, pourrait constituer « a game changer » sur le cours des événements à la Cour suprême depuis la publication du rapport Lam Shang Leen
  • Le Central CID approfondit les pistes de « giving instructions to lie before the commission of enquiry » et de « perverting the course of justice » pour le prochain interrogatoire «under warning» du candidat battu du MSM au N°3
  • L’ICAC envisage de solliciter une série de Judge’s Orders de la Cour suprême pour baliser d’éventuels délits de «money laundering» contre l’ex-Chairman de la Gambling Regulatory Authority

En marge des enquêtes parallèles initiées au niveau de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) et du Central CID sous l’égide de la Task Force présidée par le directeur général de l’ICAC, Navin Beekarry, Me Raouf Gulbul, ancien candidat battu du MSM au N° 3 aux dernières élections générales, doit gérer un dossier encore plus explosif. En effet, l’ancien directeur général du Mauritius Examinations Syndicate sous le gouvernement de Navin Ramgoolam, Lucien Finette, a juré vendredi devant le Master and Registrar en Cour suprême un affidavit impliquant l’homme de loi et son épouse, la juge Rehanna Mungly-Gulbul, dans une affaire d’une demande d’admission kass kontour au Royal College de Curepipe (RCC) pour leur fils, n’étant pas qualifié à cet effet aux examens du Certificate of Primary Education (CPE). Les détails de ce document légal, qui est soigneusement gardé à ce stade, devraient relancer à un niveau supérieur la polémique Gulbul dans les milieux du judiciaire. D’autre part, le déballage des allégations accablantes se poursuit principalement au Central CID avec l’audition de l’ancien Chief Clerk des Gulbul Chambers, Reaz Gulbul. Les limiers, sous la supervision du commissaire de police, Karl Mario Nobin, approfondissent les pistes de « giving instructions to lie before the commission of inquiry » ou encore de « perverting the course of justice » avec des opérations de devir lanket dans d’importants procès de drogue pour épargner de gros trafiquants comme Veeren Peroumal ou encore Rajen Velvindron.

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À ce jour, dans le camp de l’ICAC, l’on préfère assurer ses arrières avec d’éventuelles requêtes pour des Judge’s Orders en vue d’accéder à des comptes bancaires avant de s’aventurer sur la piste de money laundering avec l’argent de la drogue contre l’ancien Chairman de la Gambling Regulatory Authority (GRA).

La présence, vendredi, de Lucien Finette dans la queue menant au bureau du Master and Registrar en Cour suprême pour les besoins de jurer des affidavits a éveillé des soupçons de plus d’un. L’ancien directeur général du MES, qui a dû nécessairement obtenir la bénédiction politique de l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, avait effectué le déplacement pour remettre les pendules à l’heure dans l’affaire Gulbul. Son nom avait été mentionné formellement dans les demands for particulars de Me Ashley Hurhangee dans le procès en réclamations de Rs 200 millions logé par Me Raouf Gulbul.
Par le truchement d’une question « Who else ? » qui avait accompagné Me Gulbul dans ses démarches pour faire admettre son fils au RCC alors qu’il n’en avait pas le droit, Me Hurhangee a laissé le soin à Lucien Finette d’achever « cette tâche délicate. » Effectivement, la teneur de cet affidavit est « outrageously damning » pour le couple Gulbul. L’ancien directeur général du MES confirme qu’il y a une douzaine d’années, il avait été appelé à rencontrer Raouf Gulbul et son épouse, la juge Rehana Mungly-Gulbul, chez un ami commun, en l’occurrence Me Hurhangee, à la route Tranquille à Vacoas.

« While attending the said meeting at the residence of Mr Ashley Hurhangee at route Tranquille, Vacoas in the afternoon, Mr and Mrs Gulbul requested me to do needful for their son to be admitted at Royal College Curepipe as per their own explanations as their son got admission in another secondary school », déclare en substance Lucien Finette. Celui-ci enchaîne sans complaisance et avec justice pour souligner que « I was astounded, shocked, and taken aback and I energetically refused their proposition and I stated to both of them that this was illegal, unethical and was directly to the detriment of a legitimate seat belonging as of right to another student who was more deserving as per the CPE’s result and the latter’s result didn’t render him eligible at the Royal College of Curepipe. »
La seule alternative proposée pour sortir de cette impasse se résumait à un exercice de remarking des copies du candidat concerné. Mais le couple Gulbul ne voulait rien entendre de cette solution, croyant que l’ancien directeur général du MES aurait cédé à leur proposition présentée comme étant des plus indécentes dans une conjoncture de bonne gouvernance et dénuée de passe-droits. Le principal concerné a évité de mentionner si le couple Gulbul était revenu à la charge avec cette même demande après ce premier échec.
La confirmation de cet épisode vient se greffer aux déboires du couple Gulbul découlant des travaux de la commission d’enquête sur la drogue et surtout la publication du rapport Rotin Bazar de l’ancien juge Paul Lam Shang Leen. D’aucuns affirment que les détails de l’affidavit Finette, « if the legal document goes unchallenged either publicly or in Court », pourrait constituer un game changer au niveau du judiciaire, tout en ne préjugeant pas les décisions à venir. À ce jour, l’allusion dans le rapport de la commission d’enquête au sujet de « the name and position of his (Raouf Gulbul’s) spouse, a sitting judge of the Supreme Court » est restée sans conséquence, tout au moins publiquement à ce jour. Et cela sans compter ce détail embarrassant, pour ne pas dire compromettant, à l’effet « the mobile of his wife (la juge Rehanna Mungly-Gulbul) has also been used during the electoral campaign. »

Avalanche d’accusations

Jusqu’ici, la juge de la Cour suprême s’est gardée de ne pas avoir recours à une demande de judicial review pour éliminer le paragraphe 19.5.4 (ix) de la page 226 du rapport et intitulé Et tu Brute ! La principale explication fournie dans l’entourage de la Cour suprême est que toute initiative en ce sens aurait dû entraîner le stepping down from the Supreme Court benches pour éviter des embarras aux « brothers and sisters judges. » Toutefois, avec les paragraphes 4 et 5 de l’affidavit de Lucien Finette, la pression devra s’accentuer, pour ne pas dire décupler, sur le couple Gulbul. Déjà, depuis la fin de la semaine, Dev Hurnam, qui un « axe to grind » avec la juge de la Cour suprême, anime sa page Facebook avec des commentaires des plus acides, même si l’affidavit n’a pas été versé officiellement dans le relevant file du Registrar de la Cour suprême. Force est de constater que le cas de la juge Gulbul pourrait très rapidement devenir la talk of the judiciary car « justice should not only be done. But it should be seen to be done. » Comme dit l’adage si cher aux Members at the Bar.

Difficile à dire si le traitement de cette affaire se résumera à un niveau anecdotique en face de graves allégations qui sont consignées formellement depuis la semaine écoulée dans les statement pads du Central CID avec le défilé de protagonistes ayant déposé devant la commission d’enquête Lam Shang Leen. L’avalanche d’accusations extrêmement bien documentées proférées par Reaz Gulbul, ancien Chief Clerk des Gulbul Chambers, ne laisse aucun doute quant aux éventuelles charges provisoires, dont pourrait être confronté celui, qui fait partie du legal panel du Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth.
La convocation de l’homme de loi, prévue pour la fin de ce mois, pourrait être revue en raison des confirmations nécessaires auprès des tierces parties pour les délits de perverting the course of justice, notamment dans le cas de Bottesoi, qui s’était vu offrir Rs 5 millions pour ne pas incriminer Rajen Velvindron sur instruction de Me Gulbul lors des visites à la prison. Ou encore les honoraires payés par Veeren Peroumal par le truchement de la mère et de la sœur de ce dernier à Me Gulbul pour assurer la défense de Parveez Jeeva, avec pour mandat spécifique d’épargner le même Veeren Peroumal d’accusation de complicité dans le trafic de drogue lors des séances d’interrogatoire à l’ADSU, épisode devenu un case study de devir lanket.

Par contre, une série d’accusations contre Raouf Gulbul, qui devraient peser lourd au décompte final, s’articulent autour de ses vaines tentatives de réduire au silence des témoins déposant devant la commission d’enquête Lam Shang Leen. En fin de semaine, Reaz Gulbul, qui se rend quotidiennement au QG du Central CID pour ses dépositions, a fait état d’une offre de Rs 300 000 pour ne pas déposer devant la commission. Ce star witness a révélé les noms des intermédiaires, porteurs de ce message, à la police à des fins d’enquête.

Mais les incidents survenus dans les parages de Saint-Jean vers le 10 juillet de l’année dernière, avec pour protagonistes Raouf Gulbul, Ahton Murday, Samad Goolamally et Ashley Hurhangee, sont encore plus révélateurs de cette gagging operation de témoins. Après l’audition jeudi du tandem Goolamally-Hurhangee, le Central CID a pris la décision de soumettre les téléphones cellulaires de ces derniers à un décryptage informatique et une forensic analysis de l’IT Unit de la police pour confirmer les lieux où les appels avaient été échangés dans cette soirée du 10 juillet 2017 en vue de coincer Raouf Gulbul à ce sujet lors de son interrogatoire under warning.
“Big black bag”

Samad Goolamally et Ashley Hurhangee ont confirmé dans le cadre des enquêtes de la Task Force sur le rapport Lam Shang Leen que la préoccupation majeure de l’ex-Chairman de la GRA était de prendre connaissance de la teneur de leurs dépositions devant la commission. Il ne voulait pas que mention soit faite du rendez-vous nocturne de Saint-Pierre avec le big black bag vers la fin de la campagne électorale de décembre 2014. « Ki to le, mo al koz manti pou twa ? » se serait demandé Ashley Hurhangee à ce sujet et Raouf Gulbul répondant « Beh ! To pa kapav fer sa pou mwa. » Depuis cette rencontre, les relations entre Raouf Gulbul et ses deux confrères ont tourné au vinaigre, Me Goolamally reprochant à l’ancien candidat du MSM « to ti kapav met ladrog ek zarm dan mo loto ek fer mwa gagn mari problem. »

Me Murday, qui avait voyagé dans la voiture de Me Gulbul pour le rendez-vous de Saint-Jean, se présente comme un témoin clé pour cet aspect de l’enquête du Central CID, avec en prime un délit présumé de « giving instructions to commit an offence : to wit to lie to the commission of inquiry.» Il faudra retenir que Me Gulbul compte se prévaloir de ses droits constitutionnels vu sa demande de judicial review.

Du côté de l’ICAC, dont le mandat sous la Task Force est de relever des délits de money laundering sous la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA), la stratégie est de rechercher des disclosure orders des juges siégeant en Cour suprême pour établir le money trail dans le cas de Raouf Gulbul pour au moins les sept dernières années. Les informations révélées par l’ancien Chief Clerk sur les mouvements de fonds en provenance des trafiquants de drogue et leur conversion en devises étrangères servent de complément pour faire progresser l’enquête.

Le hic au niveau de l’ICAC demeure la connexion entre la commissaire Shakila Jhingree et Me Gulbul. Le témoin a révélé que Shakila Jhingree a fait son pupillage à l’étude de Me Gulbul pendant une année et que les deux entretiennent des contacts. Reaz Gulbul, qui a réclamé une protection policière renforcée durant le week-end en raison de mouvements suspects autour de lui, a exigé des garanties de l’ICAC contre toute possibilité de devir lanket vu que la décision devra être entérinée par le board de l’ICAC au terme des provisions du Prevention of Corruption Act (PoCA).
Vu que l’enquête sur la connexion de Raouf Gulbul avec la mafia de la drogue constitue un high profile case comme celui des Rs 1,5 M de legal fees de Veeren Peroumal à Me Rex Stephen, l’ICAC pourrait prendre plus de temps pour boucler l’exercice que celui du Central CID. En attendant l’étape de l’interrogatoire, la question qui reste posée est si l’ancien Chairman de la Gambling Regulatory Authoriy a été lâché politiquement par l’Hôtel du gouvernement, même si l’appel devant le Judicial Committee of the Privy Council dans l’affaire MePoint devra intervenir dans douze semaines. Lakwizinn du PMO, qui partage très peu d’affinités d’affaires avec Raouf Gulbul, contrairement à d’autres Senior Advisers au Treasury Building, préfère jouer low profile vu les préjudices sur le plan politique pour le gouvernement.
Affaire à suivre

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